C’est un paradoxe bien français. Alors que le pays des droits de l’Homme et du citoyen permet de suivre une scolarité à tout enfant quel que soit sa nationalité, son origine ethnique ou sociale, une fois le baccalauréat obtenu, cette possibilité s’arrête brutalement. C’est notamment le cas d’étudiants mahorais qui ont obtenu leur précieux sésame en juillet dernier mais qui ne peuvent pas poursuivre leurs études supérieures en raison du fait qu’ils n’ont pas la nationalité française ou des papiers en règle.
C’est la loi française qui s’applique
Yann Le Bris, procureur de la République, a reçu quelques-uns d’entre eux. « J’ai rencontré une délégation. Ils m’ont exposé leurs difficultés, indique-t-il. Pour ma part, s’agissant du volet judiciaire, nous ne faisons qu’appliquer la loi. Nous allons vérifier la situation de leur dossier, ceux qui sont en attente, pourquoi certains n’ont pas eu de réponse et quelles ont été les décisions prises auparavant par le juge. Nous allons examiner les délais de traitement de leur dossier et les délais d’obtention par la préfecture, ainsi que les titres provisoires. Nous vérifions s’ils répondent aux conditions de nationalité fixées par la loi pour l’obtention d’un titre de séjour ou de nationalité française. Pour le reste de leurs préoccupations, ce n’est pas de mon ressort mais celui du préfet. Je ne fais qu’appliquer la loi », explique le procureur de la République.
Un problème récurrent
Ces difficultés ne sont pas nouvelles et touchent un grand nombre de jeunes diplômés dans l’île qui ne peuvent poursuivre leur scolarité dans le supérieur faute de papiers en règle. C’est en quelque sorte leur couper les ailes en plein vol, leur donner de l’espoir, mais ensuite les abandonner à leur propre sort. Comment veut-on qu’après ils ne tombent pas dans la délinquance après tant de frustration et de rancœur ? Un constat déjà posé, en juillet dernier, par la responsable insertion au Centre communal d’action sociale (CCAS) de Koungou, Nadia Manteau. Selon elle, ces situations en forme d’impasse « ne peuvent déboucher que sur plus de violence ». En ce début d’année, le CHM a fait le bilan des naissances pour l’année dernière, et vous savez quoi ? Encore un record battu avec 10 795 nouveaux nés en 2022, soit près d’une classe de 30 élèves qui naît chaque jour ! La démographie à Mayotte est galopante alors que les possibilités conférées aux générations futures restent limitées. Frustration et incompréhension ne peuvent que constituer un cocktail détonant. Au regard de la situation, concluait alors Nadia Manteau « il faut faire quelque chose avant que cela ne devienne incontrôlable ».
B.J.