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Le gouvernement répond à la grogne des patrons mahorais qui déplorent « l’abandon » de l’Etat 

Au delà de la difficulté de surmonter un 2ème confinement, les entreprises se plaignent d’un décalage entre les annonces et les versements réels, notamment pour les petits indépendants. Le gouvernement a été réactif cette fois dans sa réponse.

Le monde économique est vent debout contre le confinement, puisque Mayotte, contre la tendance nationale, n’a pas eu d’autres choix que de se confiner, notamment en raison de capacités hospitalières insuffisantes. Marcel Rinaldy, président du Collectif du monde économique de Mayotte (CMEM), le disait dans nos colonnes ce matin, « nous sommes partis pour une crise longue », dans une interview où pointait l’inquiétude sur la réactivité en terme de mesures, Mayotte étant le seul département de France confiné.

Dans un courrier adressé au préfet Jean-François Colombet et à la directrice de l’ARS Mayotte, Dominique Voynet, le Medef Mayotte, la CPME (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises), la FMBTP et l’UMIH, « s’alarment de la gestion de la crise sanitaire » en attaquant frontalement : « Alors que la situation sanitaire semble vous dépasser, nous dénonçons fermement la gestion qui en est faite et les dernières mesures prises cette semaine dans l’urgence absolue. » Rappelons que les acteurs dont le monde économique avaient été associés à la décision, quoique brutale, du confinement, avait indiqué le préfet.

Leur point de vue est que le monde économique trinque à la suite d’une situation mal gérée, « nous constatons que les moyens de contrôles de la mise en œuvre des mesures restrictives sont insuffisants voire inexistants par endroits ». Pour Carla Baltus, présidente du Medef que nous avons joint au téléphone, « il est inconcevable d’interdire l’ouverture des magasins, et de laisser se promener des gens en famille dans la rue. D’autre part, il y a deux poids deux mesures. Comment comprendre qu’on puisse acheter un frigo dans un des supermarchés autorisés et pas chez Ballou ? ». Surtout qu’il peut y avoir foule dans les supermarchés, sans aucune régulation.

Garantir les 50 tonnes de fret aérien

Carla Baltus, confinement, Mayotte
Pour Carla Baltus, aucune entreprise ne doit être oubliée (Photo d’archive)

Les entreprises vivent un 2ème cauchemar, qu’elles imputent à un écart entre le rêve et la réalité : « On nous annonce que des aides sont débloquées, mais une partie des petits artisans reste démunie. ‘Depuis le mois d’août, nous n’avons rien touché’, m’a expliqué un petit taximan. » La patronne du Medef Mayotte le répète, « la tréso, la tréso, la tréso ! ». Pour cela, il faut débloquer les dossiers en souffrance. « Nous parlons du règlement par l’Agence de Services et de Paiement des factures échues aux organismes de formations, des aides pour l’embauche d’apprentis ainsi que des primes de passages aux 35h datant encore de 2018 et au-delà, et ce, à toutes les entreprises ».

Il s’agit aussi du paiement effectif et immédiat des indemnités journalières de la ‘septaine’ des salariés par la CSSM, du fonds de solidarité à 3000 euros, de l’activité partielle, de la compensation des pertes jusqu’à 20% du CA comme en décembre 2020, etc.

Des difficultés se font jour aussi du côté du fret aérien, financé on le sait par les passagers… qui se font de plus en plus rares. Les deux syndicats demandent la prise en charge des 50 tonnes de fret hebdomadaires indispensables à Mayotte, par l’Etat au titre de la continuité territoriale. Ils en profitent pour se plaindre d’une stigmatisation par les habitants et les élus du département voisin et appellent au « respect des Mahorais par les femmes et hommes politiques Réunionnais qui doivent être rappelés à l’ordre fermement quant à leur manière de parler de notre territoire et de ses habitants ».

Évaporation des fonds dédiés à la fracture numérique

entreprise, Mayotte
Prolongement des aides pour les entreprises, informe le gouvernement

Sur les difficultés de l’économie souterraine qui souffre directement de ce confinement, en l’absence d’indemnisations, ils appellent l’Etat à « assumer et prendre en charge cette population », pour que, au quotidien, elle n’exerce pas une concurrence illégale face à ceux qui paient des charges.

L’insuffisante sécurisation du territoire est également pointée du doigt, « des événements de violences ont encore eu lieu au début du confinement à Kahani et à Koungou laissant impunis les auteurs une nouvelle fois », aggravée en ces temps de pénurie pour ceux qui sont déjà démunis.

Et la fracture numérique dénoncée comme aggravant le décrochage scolaire, « nous ne comprenons pas pourquoi les fonds dédiés à la digitalisation qui auraient permis à des dizaines de centres de formations de suivre leurs stagiaires à distance se sont vu refuser en masse lors du dernier appel à projet. »

La réponse à ce courrier est tombée rapidement puisque ce mardi, un communiqué du gouvernement mentionnait qu’il « s’apprête à confirmer le maintien et le renforcement de ces mesures pour Mayotte qui traverse à nouveau une période difficile qui nécessite une solidarité sans faille de tous les acteurs du territoire. »

« Il n’y avait pas d’autres solutions », explique en substance le gouvernement, « l’aggravation récente de la situation sanitaire a conduit les pouvoirs publics à réactiver un confinement dont personne ne peut, de bonne foi, contester la nécessité et l’utilité. L’inquiétude des entreprises face à la réactivation de ce dispositif est compréhensible. Elle ne doit pas conduire à dénier le travail collectif que l’ensemble des pouvoirs publics de Mayotte a réalisé pour soutenir le tissu économique et garantir la cohésion sociale de l’île. »

A.P-L.

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