« Il faut sortir de ces cycles qui nous font frôler la pénurie chaque fin octobre », décrétait le préfet Jean-François Colombet. Depuis six semaines, il réunit son staff comme ce jeudi autour de la gestion de la crise de l’eau. Vinci, délégataire par la SMAE de la gestion de l’eau potable, Colas, DEAL, Météo France, et bien entendu le Syndicat Intercommunal d’Eau et d’Assainissement de Mayotte (SIEAM).
« Cette année est un peu plus difficile. La période de juillet à septembre est la plus sèche depuis 1992 », rapportait le préfet, et si on y rajoute juin et octobre, c’est la deuxième période la plus sèche depuis cette date ». Nous avions répercuté les prévisions positives en pluviométrie de Météo France, sur le mois de novembre, « 220mm au lieu de 160mm », complète Jean-François Colombet, et sur les trois mois à venir.
Sur les deux retenues collinaires, celle de Combani est la plus touchée, avec 25% de taux de remplissage, Dzoumogné s’en sort bien avec 54%, grâce au détournement d’un cours d’eau qui l’abonde. « Donc normalement, nous devrions pouvoir alimenter la population jusqu’à début décembre, voir, jusqu’à fin décembre », espère le représentant de l’Etat.
Les coupures d’eau que le nord-est de l’île subit depuis plus de dix jours maintenant, sont liées au volume de stockage insuffisant des réserves lorsque la SMAE est contrainte de couper l’alimentation pour ses phases test de l’interconnexion des retenues collinaires, « la capacité des réservoirs tampon est insuffisante », rapporte le préfet. « Elle devraient encore durer une dizaine de jours ».
La 3ème retenue collinaire refait surface
Plus largement, la capacité de production n’a pas suivi les 6 à 7% de croissance annuelle de la consommation en eau, c’est un des axes des travaux qu’Etat et Sieam vont mener main dans la main, « dans un esprit d’équipe entre l’Etat, ses services et les entreprises. » « Terminer la mise en œuvre du plan urgence eau », est la priorité du préfet qui déclinait donc devant les médias les travaux à mener de ce plan de 25 millions d’euros : « L’accroissement de la capacité de production des usines de potabilisation, et de celle des réservoirs tampon, et livrer le 15 décembre la série d’étude sur la réalisation de la 3ème retenue collinaire. »
Il s’agit de cerner le meilleur des sites en terme de pluviométrie, le terrain Bamana préalablement retenu, ou un autre. La 3ème retenue collinaire était inscrite au plan urgence eau (voir ci-dessous).
Les forages seront remis en service. Ils assurent 20% de la production totale d’eau, « trois sont financés par l’Etat qu’il faut remettre en état d’ici un an », et 7 autres sont financés et devraient être réalisés d’ici deux ans.
Dernier point, l’usine de dessalement ne produit pas la quantité d’eau prévue, pour les raisons d’erreurs de conception que nous avons évoquées, « elle fournit 500m3 par jour au lieu des 4.000 m3 attendus ». Vinci qui devait la livrer, s’est « engagée à prendre des mesures adéquates avant juin 2020 ». Elle faisait aussi partie du Plan urgence eau.
Arrêté de restriction d’eau
Un ensemble de travaux qui devrait « nous mettre à l’abri d’une crise », poursuit le préfet qui se réjouit que le Syndicat des Eaux se penche sur un schéma directeur de diagnostique de la ressource en eau à Mayotte.
« Esprit d’équipe », « front uni »… « Nous sommes dans une posture de gestion de crise », décryptait un Jean-François Colombet, qui avait malgré tout du mal à cacher son agacement. A l’unisson de l’état de grâce préfectoral à l’égard du Sieam, nous n’évoquerons pas les sujets qui fâchent, déjà largement abordés dans nos colonnes, à peine signalons nous que la partie investissement du plan d’urgence qui devait partir à la DEAL, reste au Sieam, « c’est le syndicat qui a la compétence eau et assainissement », ponctuait Mouhamadi Bavi.
Un arrêté de restriction des usages de l’eau va être publié par le préfet qui nuançait, « même si cela a peu d’impact, il s’agira de l’interdiction de lavage des véhicules, et de remplissage des piscines ».
La récente étude de l’Office National des Forêt sur le reboisement, dévoilée par les Naturalistes, est à prendre avec sérieux. Une surface de 100 ha de forêt permet de préserver 400.000m3 d’eau, « il faut en effet reboiser, mais le coût pour cette surface de 100ha est de 2,5 millions d’euros, le coût d’un forage ! » Il faut donc doubler la somme, car les deux sont nécessaires.
La réserve naturelle doit y contribuer, mais on sait que des moyens doivent être mis pour lutter plus efficacement contre les brûlis qui font partir nos réserves d’eau en fumée.
Pour que l’on mesure le retard pris, nous republions le document de 2017 Plan EAU Mayotte – MOM 20170227
Anne Perzo-Lafond