S’il est convenu d’utiliser l’expression « voir la lumière au bout du tunnel », l’audience de mardi semble cependant illustrer son penchant inverse, celui d’une lumière avant de plonger dans l’obscurité des travers humains. Une lueur d’espérance, d’abord, symbolisée par la prestation de serment d’une toute nouvelle agent de surveillance de la voie publique ayant juré de remplir ses fonctions et s’engageant, notamment à bien les faire, c’est-à-dire en donnant au quotidien leurs sens véritables sans pour autant les banaliser. « Il y a tant à faire ici », s’est exprimée la présidente, avant de s’engouffrer dans le tunnel d’une autre banalité, celui des règlements de comptes sur fond d’affrontements entre bandes rivales.
45 jours d’ITT pour la victime
Le 12 juillet 2020, à Kawéni un jeune homme est passé à tabac par un groupe d’environ sept individus. A la barre la victime indiquera qu’ils « étaient cinq et huit ». Ayant reçu un premier coup d’une rare violence, elle vacille. A terre, ses agresseurs s’acharnent, qui armé d’un chombo, qui armé d’un bâton. « Il est noté à deux reprises la présence d’un pistolet automatique », commente la présidente. Néanmoins, rien n’indique qu’il ait été utilisé a contrario des autres armes. La victime présente, en effet, une plaie béante de dix centimètres sur le dos de la main ainsi que sur la jambe gauche. De multiples fractures sont aussi répertoriées. A l’hôpital, le jeune homme indiquera aux policiers de la brigade anticriminalité que tout le « groupe d’agresseurs avait la volonté de le tuer », commente la présidente, en reprenant le dossier de l’enquête. Le nombre de jours d’incapacité totale de travail (ITT) rend compte de l’agressivité déployée : ils s’élèvent à 45. A la barre, un seul prévenu, ce dernier ayant fait opposition au jugement rendu par défaut lors de la première audience ; en cause son absence. Toutefois, son comparse d’alors également jugé en son absence ne fera ni appel, ni opposition au jugement prononcé.
« A sept avec des armes, c’était quoi l’objectif? »
« On se tue tous, comme ça il n’y a plus de jeunes sur l’île, c’est ça ? », interroge de manière rhétorique la présidente. Elle abonde : « vous avez vingt piges, c’est un peu triste non ? ». L’engrenage de la violence semble sans fin à ses yeux, « à quel moment cela s’arrête-t-il ? ». Les réponses se perdent dans le silence. Si le prévenu affirme que le but n’était pas de tuer la victime, la présidente reste néanmoins perplexe, « à sept avec des armes, c’était quoi l’objectif? » insiste-t-elle. Le prévenu hoche la tête. Le tribunal apprendra toutefois que le jeune homme a porté des coups au niveau des jambes de la victime avec une batte de baseball, terme utilisé dans le cas présent pour désigner un « gros morceau de bois ». « Si vous êtes condamné, qu’est ce qui va se passer après ? Vous allez à nouveau vous venger ?», questionne la présidente. Le prévenu répond du tac au tac, « je ne traîne plus avec ces gens ».
« Le jeune homme a très mal commencé sa vie d’adulte »
N’ayant jamais été condamné par la justice jusqu’alors, l’enquête de personnalité permet de mettre en évidence que s’il ne fait rien depuis un an, le prévenu a néanmoins entrepris de s’inscrire à la mission locale. Une situation qui ne cache pas le fait que « le jeune homme a très mal commencé sa vie d’adulte », souligne le substitut du procureur. Compte tenu de la circonstance aggravante de la « réunion » pour les violences aggravées, le substitut indique par ailleurs qu’il « sera tenu responsable des 45 jours d’ITT ».
Si le procureur a requis 12 mois d’emprisonnement, laissant le soin « au tribunal d’aménager la peine », ce sont 18 mois d’emprisonnement dont 12 de sursis probatoire avec mise à l’épreuve pendant 24 mois qui sont prononcés par le tribunal, au regard de « la gravité des faits ». S’y ajoutent deux obligations, celle de travailler, ou du moins « d’enclencher des démarches en ce sens », précise la présidente, ainsi que l’indemnisation de la victime à hauteur de 10 000 euros au titre du préjudice moral et physique. Sur ce dernier point, le prévenu est condamné solidairement avec son comparse, jugé lors de la première audience, « pour payer l’addition », précise la présidente. Si « le tribunal notifiera que c’était un bâton et non une arme blanche », comme initialement indiqué dans le second motif des circonstances aggravantes, le prévenu reste néanmoins interdit pendant cinq ans de détenir ou de porter une arme.
Pierre Mouysset