Une action départementale en faveur des personnes âgées se dessine à peine. Mais se pose la question de la manière de vivre sa vieillesse à Mayotte. Le modèle métropolitain semble inapproprié.
L’annonce de la future mise en place du Comité Départemental des Retraites et Personnes Agées de Mayotte (CODERPA) s’est faite en grande pompe au cinéma Alpa Jo ce mercredi matin. Conseil général et Préfecture étaient entourés du député Boinali Said Toumbou, de l’Agence régionale de Santé, de la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte (CSSM) et surtout de la Fédération Mahoraise des Associations de Personnes Agées et des Retraités.
A Mayotte, les plus de 60 ans ne représentent que 4 % de la population, soit six fois moins qu’en France métropolitaine (24 %) selon l’INSEE. Jusqu’à il y a peu, le modèle traditionnel perdurait, avec un maintien à domicile des personnes âgées, comme autrefois dans les campagnes métropolitaines.
Mais l’évolution rapide d’une société entièrement vivrière qui occidentalise ses modes de vie créée des bouleversements. « Nous sommes passés d’une solidarité familiale villageoise présente il y a encore dix ans, à un individualisme, marqué dans les familles par un isolement des personnes âgées », résume Ymane Alihamidi, sous directrice de la CSSM. Une situation que connaît la métropole où le troisième et quatrième âge ne veulent pas être « une charge » pour la famille.
Des espèces trébuchantes
D’autre part, l’évolution en 5 ans de la pyramide des âges fait apparaître en 2012 un accroissement de la population, mais avec un départ massif de l’île de la tranche des 30 ans, à la recherche d’un marché du travail moins sinistré. Ce sont d’autant moins de descendants pour gérer ses « cocos et bacocos », ses aïeuls… « On envoie de l’argent maintenant, mais sans se soucier du bien-être de nos anciens », poursuit la jeune femme.
En parallèle, les droits des personnes âgées évoluent lentement, au rythme de la mise en place de la départementalisation, « certaines pensions sont inférieures à 25 euros par mois », indique Ymane Alihamidi, avec un alignement sur le droit commun prévu en 2025 par le premier Pacte de départementalisation.
Les salariés n’ayant pas ou peu cotisé lorsqu’ils étaient actifs, il faut opérer un rattrapage, « nous avons sollicité l’Etat pour relever le plafond des retraites », mais se garder d’aller trop vite, la hausse des cotisations suivant celle des prestations.
Une grande avancée toutefois : l’arrivée de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (aide à la prise en charge des personnes âgées dépendantes) en janvier 2015 et de la Prestation de Compensation du handicap en 2016.
Pour le député Boinali Said Toumbou, la Direction du Travail (Dieccte) doit réunir au sein de la Commission Consultative du Travail, « les partenaires sociaux pour rehausser ce plafond ».
Un schéma médico-social attendu
Ayant peu de population active en proportion de sa population, Mayotte fait appel dans ce domaine à la solidarité nationale, les fonds remontés en début d’année vers Paris sont ensuite reversés vers l’île en étant majorés.
Face au désengagement familial, il fallait une réaction. Elle devait venir de celui qui a reçu le social en compétence, le Conseil général. Le DGA Mohamed El Amine a donc monté le dossier CODERPA qui sera validé en juillet en Séance plénière. Ce n’est pour autant pas une révolution.
N’ayant qu’un rôle consultatif, ce Comité présidé par le président du CG, servira néanmoins de base pour l’élaboration du Schéma Gérontologique de Mayotte.
Juliette Corre n’est pas à la tête de l’ARS Mayotte depuis très longtemps, mais assez pour sermonner un Conseil général à qui elle reproche de « ne pas avoir assez avancé sur ces dossiers, en particulier sur le Schéma départemental médico-social que nous attendons avec impatience ».
Faut-il pour autant appeler à une transposition des politiques nationales ? C’est possible pour Juliette Corre qui préconise la mise en place d’Etablissements pour les Personnes Agées dépendantes, des maisons de retraite, alors qu’Ymane Alihamidi lui préfère un travail plus contraignant mais sans doute plus adapté, « la mise en place d’un dialogue intergénérationnel qui impliquerait les jeunes dans l’avenir des plus vieux ».
En attendant, le Conseil général a commencé à mettre en place un accueil familial rémunéré des personnes âgées à domicile plus proche des valeurs traditionnelles.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte