Un village fait blocus autour d’un des siens, Hugo, laissé pour mort. Mais un blocus surtout dirigé contre cette délinquance qui laisse tout le monde démuni.
Les gendarmes, la maire, le climat social, la parentalité déficiente… les sujets à l’origine de l’indignation de la population de Chirongui sont nombreux depuis dimanche. Plus que de tension, il faut parler de ras-le-bol pour expliquer le blocage du village par des barrages, nord, sud et est. Car un jeune a été gravement blessé, « un acte de barbarie ! » s’exclame Kamardine, dit «dadaï l’enfant».
Autant de personnes interrogées, autant de versions de l’histoire. Un fait : Hugo, 15 ans, scolarisé au lycée polyvalent de Chirongui, a été grièvement blessé par plusieurs coups de chombo à la cuisse et aux bras. «Ses jours ne sont cependant pas en danger», indiquait Roukia Lahadji, la maire de Chirongui.
Il sortait, avec son ami Chafion, d’un dahira, une célébration religieuse, samedi soir à la mosquée de Poroani. Difficile de savoir s’il y a vraiment participé, mais une altercation les oppose alors à une bande de jeunes adultes, «dont un a refusé de lui serrer la main à la suite d’un mouringué (boxe) perdu quelques semaines auparavant» explique Charkia, une des femmes du village. D’autres bandes viennent en appui, «dont des dresseurs avec une meute de chiens», mais aussi un véhicule qui a blessé Chafion, et plus gravement Hugo. Ses amis partent se cacher dans la mangrove, il est 23 heures. Un des jeunes adultes va s’acharner sur Hugo, lui assénant un coup de chombo à la cuisse, d’autres aux bras alors qu’il tente de se protéger le visage.
Une maire réactive
C’est l’arrivée de deux adultes, dont un gendarme réserviste, qui va sauver Hugo en l’emmenant à l’hôpital, «on serait à son enterrement sinon». C’est aussi un village, Chirongui, qui s’exprime contre un autre, Poroani. Pour éviter que les tensions s’exacerbent, la maire, Roukia Lahadji, organise dès dimanche une réunion de conciliation à 16 heures. Elle tourne court, «les tensions étaient trop fortes» nous indique-t-elle.
Les témoignages concourent tous sur un retard de réaction des forces de l’ordre, aussitôt démentis par un communiqué de la gendarmerie : «les militaires de la brigade de M’Zouazia arrivent sur les lieux à 23h40 (l’hôpital de Mramadoudou, ndlr) soit 10 minutes après l’appel et non pas six heures comme certains tentent de le faire croire». Le gendarme qui se trouvait fortuitement sur les lieux est un des 28 réservistes que compte la gendarmerie.
Deux individus sont rapidement interpellés, à 5h30 et 10 heures le dimanche matin, «un jeune majeur et l’autre plus âgé, non connus des services de police», indique le capitaine Milliasseau et précise que « le conducteur de la voiture est identifié comme probable instigateur de cette agression grave».
Bientôt les élections municipales
Les habitants de Chirongui ne demandent pas du goudron et des plumes comme dans un mauvais western, et arrivent à garder raison pour la plupart : «hors de question que nous nous vengions, cela ne ferait qu’empirer les choses», indique Chicham, terminale S du lycée de Chirongui, «et nous ne voulions pas ériger de barrage, mais la maire en parlant de règlement de compte nous a énervés».
Les échanges s’enveniment un court instant entre un habitant et un automobiliste qui voudrait pouvoir circuler pour travailler : «érigez plutôt un barrage filtrant en délivrant des explications !». Le blocage des routes, bien qu’interdit, est un réflexe qui perdure…
«On ne responsabilise pas assez les jeunes dans cette commune en déficit d’associations !» s’écrie un habitant qui se défend contre l’idée de polémiques politiciennes. Pour Roukia Lahadji, le manque de moyens pèse sur les insuffisances, tout en indiquant quand même : «nous avons rénové la maison des jeunes de Poroani en y installant dix ordinateurs, la construction d’une maison des jeunes et de la culture est en cours à Miréréni, avec l’aide de l’Etat, qui nous épaule aussi sur la salle interculturelle de Chirongui, de 250 places». Une salle de cinéma sera opérationnelle «d’ici quelques semaines».
«Des années qu’on entend ça ! La mairie, par contre, est déjà bâtie !» s’écrie le jeune lycéen, qui déplore que «beaucoup d’associations se créent mais ferment quelques mois après !». Un habitant glisse que souvent les jeunes délinquants sont réinsérés grâce au GSMA.
Une marche blanche a été organisée à 11 heures ce lundi matin, rassemblant un peu moins de 200 personnes, à l’issue de laquelle les barrages ont été levés. Une assemblée de village doit se tenir en soirée.
Anne Perzo-Lafond