Le problème de la libre circulation des personnes entre les îles de la région a trop souvent été le fait de partis pris. Les chiffres démontrent qu’une solution est envisageable, le développement social et économique en passera par là.
Mayotte : 24.278 reconduites en 2011, et 2.643 visas délivrés aux ressortissants comoriens pour la même année, soit 30% de moins qu’en 2010. Précisons que nous utilisons les chiffres 2011 publiés par l’Assemblée nationale, le Consulat d’Anjouan n’ayant pas voulu nous transmettre les données 2012 que la Préfecture de Mayotte ou la Police aux Frontières indiquent ne pas posséder. A la PAF, on nous a pourtant glissé qu’une mauvaise manipulation avait écrasé l’ensemble des données du disque dur, mais sa directrice indique ne pas être informée.
Les territoires d’outremer ne faisant pas partie de l’espace Schengen, l’étranger non-européen qui souhaite voyager en outremer doit obtenir un visa spécifique.
Plus des trois quarts des visas délivrés en Union des Comores pour Mayotte le sont pour un court séjour. Le taux de non présentation au retour de Mayotte des demandeurs comoriens était de 14 % en 2011 à Anjouan, dont il est précisé que «l’antenne consulaire pratique de manière systématique le contrôle sur le retour des étrangers en faveur desquels elle a délivré des visas de court séjour». Le chiffre est de 48% à Moroni (chiffres Assemblée nationale). Les chiffres d’Anjouan sont donc plutôt encourageants et devraient inciter à une politique facilitatrice de circulation dans la zone.
Un climat détendu
Le faible nombre de visas délivrés (un millième de ceux enregistrés vers l’espace Schengen) est habituellement justifié comme protection contre l’immigration en provenance des Comores. C’est une idée fausse puisque, au contraire, elle l’incite : les reconduites sont dix fois plus importantes que le nombre de visas. Et si le rapport des trois sénateurs Sueur, Cointat et Desplan à l’issue de leur visite à Mayotte souligne les effets «de déstructuration et de fragilisation que l’immigration clandestine provoque pour les Mahorais», il préconise néanmoins d’améliorer les conditions d’obtention du visa actuel «difficile à réunir pour beaucoup de Comoriens». Prise de photo et empreintes digitales pourraient être requises pour identifier les personnes.
Le ministre des Outremers Victorin Lurel a d’ailleurs fait un premier pas dans ce sens en annonçant mardi 5 novembre au Sénat «un justificatif de ressources porté à un demi-SMIC contre un SMIC journalier actuellement», et l’amélioration des visas de circulation. Le rapport Sueur l’assure : cet allègement serait vecteur de «détente des relations franco-comoriennes, indispensable au développement de la nécessaire coopération régionale».
Le visa sésame du monde des d’affaires
C’est précisément ce qu’attendent les acteurs économiques : le président de l’Union des Chambres de commerce, d’industrie et de l’agriculture des Comores, ainsi que des représentants malgaches et seychellois n’avaient pu obtenir de visas pour La Réunion où se tenait le Forum économiques des Iles de l’océan Indien en 2012. «Il est plus facile pour ces ressortissants de se rendre à Paris qu’à La Réunion ou Mayotte !» raillait Michel Taillefer, président du Medef.
La seconde édition des Rencontres entrepreneuriales Mayotte-Madagascar en décembre 2012 s’était penchée sur le problème de la libre circulation dans l’Océan Indien et Xavier Desplanques président de l’Association Entreprendre à Madagascar propose de différencier les procédures en privilégiant les déplacements de nature économique, «pour les distinguer des visas de tourisme individuel et des visas de visites familiales (qui eux n’ont pas de caractère d’urgence sauf médicales)».
L’allègement dans l’obtention des visas avait également été une des propositions d’Alain Christnacht, mais maladroitement énoncé sur un terrain facilement miné par les querelles entre les îles… des îles où avaient sévi les sultans batailleurs !
Anne Perzo-Lafond