La gestion des routes en France est un imbroglio qui a été dénoncé récemment par la Cour des Comptes. Plusieurs entités sont en présence, avec un réseau plus ou moins bien entretenu. C’est pour l’améliorer que le gouvernement vient de prendre un décret pour en céder une partie aux départements ou aux régions (Consulter le Décret transfert des routes non concédées). Dans la liste, les 4 RN de Mayotte.
Pour comprendre les enjeux, revenons sur la hiérarchie des compétences. En clair, en France, qui gère quoi ? Les voies communales appartiennent aux communes, elles sont gérées par le conseil municipal. Les routes départementales, aux bornes jaunes, rendues célèbres par un sketch de Jean Yann, sont gérées par le conseil départemental. Les routes nationales, bornes rouges, sont gérées par les Directions interdépartementales des routes en métropole, et par la DEAL à Mayotte, le conseil départemental n’en ayant pas repris les compétences.
Sur le plan national, une partie de la gestion de ces routes nationales a déjà été déléguée, l’autre non. C’est cette partie, qui représente en tout 12.000km, soit 18% du trafic routier français, que l’Etat souhaite transférer aux départements ou mettre à la disposition des régions. Ces dernières sont demandeuses. Elles veulent reprendre la main pour améliorer l’état de ce réseau de routes non concédées : « Malgré les 666 millions d’euros injectés en moyenne chaque année par l’Etat dans son entretien depuis dix ans, il se dégrade de plus en plus », rapporte la Gazette des communes, en citant l’association Régions de France, qui demandait que le budget consacré par l’Etat à l’entretien de ses routes « soit transféré aux régions volontaires, et que leur soit accordée la possibilité de pouvoir lever une taxe ».
Dresser un état des lieux
« Forte dégradation », « effondrement », « risques inacceptables pour les citoyens », la moitié des routes nécessite des réparations en environ un tiers des ponts, soulignerait un audit externe commandé par le ministère des Transports.
Les Régions ont été entendues puisque le décret pris ce 30 mars 2022 liste les nombreuses voies et portions de voies routières du domaine public national qui peuvent être transférées aux départements. On y trouve des nationales en Guyane et les RN1, 2, 3, et 4 de Mayotte. La 1ère va de Mamoudzou à Mtsamboro en passant par Koungou (38km). La RN2, de Mamoudzou à Sada en passant par Tsararano (23km). La RN3 part de Tsararano pour rejoindre Tsimkoura, commune de Chirongui, en passant par Dembeni (18km), et la RN4, rejoint Dzaoudzi à l’aéroport de Pamandzi (4km). Soit 83km de réseau routier de Mayotte.
L’état des routes s’est considérablement amélioré sur le territoire, qu’elles soient nationales ou départementales, on se souvient tous des nids de poule qui à Kawéni ou dans le Sud rallongeaient le temps de déplacement et affolaient les suspensions des voitures. Pour autant, le conseil départemental va-t-il sauter sur cette offre. Pas sûr !
Les 4 RN aux enchères
Nous avons contacté Ben Issa Ousseni, et c’est peu de dire que le président du Département est frileux : « On nous a dit que ça allait sortir, mais nous n’avons pas encore étudié cette proposition. D’emblée comme ça, je ne suis pas très favorable, nous n’avons déjà pas la compétence régionale et en tout cas, il faut voir quelle dotation sera affectée ».
Son vice-président chargé des Transports, Ali Omar, lui emboite le pas, « il nous faut des moyens. Nous avons plusieurs dossiers de ce type, et notamment le social qui nous coute très cher sans compensation à la hauteur. Et au moment où nous réfléchissons au contournement de Mamoudzou, il ne faudrait pas récupérer le bébé sans obtenir une compensation chiffrée à la hauteur de l’investissement. Il faut y réfléchir en concertation avec la DEAL. » Nous en profitons pour l’interpeller sur la possibilité pour le Département de saisir la Commission consultative sur l’évaluation des charges. « Nous allons y réfléchir. Et nous le ferons là encore en partenariat avec la DEAL. Nous nous donnons 3 ans pour récupérer les routes nationales ».
Comme gros postes, il restera ensuite, la construction et l’entretien des collèges, idem pour les lycées, compétences respectivement du Département et de la Région, exercées également ici de manière dérogatoire par l’Etat.
Quant à la Cour des Comptes, son rapport du 10 mars dernier critique le nouveau transfert partiel du réseau routier national, qui « va accroître la fragmentation de la compétence routière. Au total, la France évolue vers un modèle complexe, assez rare en Europe, sans que cette transformation ait donné lieu à une réflexion sur le nouveau rôle de l’État en matière de politique routière. »
Anne Perzo-Lafond