C’est la richesse d’un territoire qui est évaluée lors de la publication annuelle du Produit Intérieur Brut (PIB). C’est pourquoi obtenir en 2022 la lecture de celui de 2020 reste toujours frustrant et décalé au niveau de la mise en place des politiques publiques. En effet, la richesse du territoire vient de plusieurs sources différentes et appuyer sur l’une plutôt que l’autre permet de dynamiser l’économie.
Alors qu’en métropole on voit défiler les trimestres évaluant le PIB 2022, si les Outre-mer sont moins bien lotis, les DOM ont tous leur PIB 2021. Il se monte par exemple à 4,6 milliards d’euros en Guyane. Quasiment deux fois plus élevé qu’à Mayotte où la dernière estimation de l’INSEE le donne à 2,7 milliards d’euros.
Nous avons interrogé la direction régionale de l’INSEE sur ce décalage de publication à Mayotte, et à lire la réponse, il va falloir attendre encore un peu avant que ça se régule : « Ce qui empêche de faire un compte rapide sur l’année précédente à Mayotte, c’est l’absence à ce stade de sources d’informations statistiques telles que les rémunérations salariales, la Déclaration Sociale Nominative n’étant en vigueur à Mayotte que depuis janvier 2022. »
Nous avions eu une première évaluation du PIB 2020 en mars 2022, il a été revu à la hausse, le portant à 2,7 milliards d’euros, soit +4,1% de croissance sur 2019. Mais du fait de la forte croissance démographique, il faut partager la richesse avec davantage de monde, « le PIB par habitant ne progresse que de 0,5 % en valeur et atteint 9.900 euros en 2020. Il reste très éloigné du niveau national, qui est 3,5 fois plus élevé », nous dit l’INSEE.
Les outils nationaux dopent la croissance
2020, année COVID, synonymes des premiers confinements, donc pas représentative. Par qui et par quoi est portée notre croissance de 4,1% en cette année qui avait tout pour être atone ? D’ailleurs, sur le plan national, l’activité chute de 5,5% et dans les autres Outre-mer, de -1,3% à -3,7% dans les autres Outre-mer.
Tout d’abord, Mayotte conserve le plus faible PIB par habitant de France. Ensuite, en mai 2020 est enfin mis en place le statut de micro-entrepreneur à Mayotte, territoire le plus dynamique de France en créations d’entreprise, « elle battent d’ailleurs un record cette année là avec 1.353 créées sur l’année, soit +33% de plus que lors du précédent point haut de 2019 ».
Premier facteur de croissance, le poids important des administrations publiques à Mayotte, qui ont moins pâti de la crise sanitaire que le privé, puisque leur consommation a permis d’amortir l’impact de la crise sanitaire, « elle contribue pour 3 points à la hausse du PIB », portée par la hausse des rémunérations des agents publics, +6%, « tant dans les collectivités territoriales que dans la santé. » Dans ce dernier secteur, les rémunérations sont en effet tirées vers le haut par des revalorisations salariales et par le surcroît d’activité en matière de soins liés à la pandémie.
Le bas de laine en relais de la consommation
Le deuxième facteur de croissance est lié aux économies que nous avons faites sur les importations qui se sont contractées de 6,5% du fait de la crise sanitaire.
Le secteur privé en revanche est davantage affecté par les restrictions sanitaires en 2020, la production des entreprises n’augmente que de 1%.
Grâce au dispositif d’activité partielle du gouvernement pendant cette période, le revenu des ménages continue à croitre de 4,2%, mais ramené à une population en forte croissance, le pouvoir d’achat individuel n’augmente que de 0,2% en moyenne.
Malgré une croissance démographique dynamique et une inflation contenue (+ 0,4 % en moyenne sur un an), la consommation finale des ménages résidents à Mayotte n’augmente que de 3 % en 2020, à un rythme moins rapide que celui de la population. Elle est en effet pénalisée par les mesures restrictives mises en place pour endiguer l’épidémie de Covid-19, telles que la fermeture des commerces non essentiels durant le confinement au 2e trimestre. Les revenus en hausse de 4,2% peu consommés font bondir l’épargne des ménages en 2020.
A noter que ce PIB de 2,7 milliards d’euros reste encore provisoire, « les estimations pourront faire l’objet d’une révision lorsque la totalité des données de l’année seront connues », nous précise l’INSEE.
Anne Perzo-Lafond