C’est un texte discret, publié dans le recueil des actes administratifs, mais dont les effets se feront sentir jour et nuit, sirènes allumées ou non. À Mayotte, l’organisation du service de garde des transports sanitaires terrestres évolue pour le premier semestre 2026. Derrière cet arrêté préfectoral, une réalité bien connue : faire tourner les urgences dans un département où chaque kilomètre, chaque équipe et chaque minute comptent.
Une mécanique administrative au service de l’urgence

L’arrêté signé par le directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte ne bouleverse pas la carte sanitaire du territoire, mais il en ajuste les rouages. Pour la période du 1er janvier au 30 juin 2026, le planning de garde des sociétés de transports sanitaires terrestres agréées est officiellement modifié. En clair : on change l’ordre de passage, on affine les permanences, et on tente de mieux répartir la charge.
La nouvelle organisation s’appuie sur une proposition transmise fin décembre 2025 par l’Association des Transports Sanitaires Urgents de Mayotte (ATSU 976), reconnue comme la plus représentative du secteur. Un détail qui n’en est pas un : ce consensus implicite entre acteurs privés évite les blocages et les rivalités, toujours redoutées lorsqu’il s’agit de permanences nocturnes, de week-ends prolongés ou de jours fériés, ces fameux moments où l’on tombe malade « au mauvais moment ».
Sur le papier, l’arrêté est sobre. Il rappelle les obligations en cas de force majeure, insiste sur l’information immédiate du SAMU et de l’ARS, et prévoit la diffusion du texte aux membres du sous-comité des transports sanitaires. Rien de spectaculaire, donc. Mais dans un territoire où l’hôpital est saturé et les distances parfois trompeuses, la moindre défaillance logistique peut vite devenir un problème de santé publique.
Ambulanciers sous pression, territoire sous tension

À Mayotte, le transport sanitaire n’est pas un simple service annexe : c’est un pilier du système de soins. Avec une démographie en forte croissance, un accès aux soins inégal et un centre hospitalier régulièrement sous tension, les ambulanciers sont souvent en première ligne. De jour comme de nuit, ils assurent le lien vital entre domicile, centres médicaux de référence, centres de soins, et l’hôpital, parfois sur des routes barrées, parfois dans l’urgence la plus totale.
La modification du planning de garde vise donc un équilibre délicat : garantir une présence continue sans épuiser des équipes déjà très sollicitées. Un exercice de funambule, où l’on jongle avec les effectifs, les véhicules et les réalités du terrain. Et où l’administration, souvent accusée de lenteur, tente ici d’anticiper plutôt que de réparer.
Le texte prévoit par ailleurs les voies de recours possibles, gracieux, hiérarchiques ou contentieux, comme pour rappeler que même l’organisation des urgences reste un acte administratif, contestable et encadré par le droit. Un paradoxe bien français : pendant que les ambulances filent toutes sirènes hurlantes, les décisions qui les organisent avancent à pas feutrés, entre articles de loi et délais de deux mois.
Reste à voir, dès les premières semaines de 2026, si ce nouvel agencement tiendra ses promesses. À Mayotte plus qu’ailleurs, la santé ne se joue pas seulement dans les salles d’attente ou les blocs opératoires, mais aussi dans la précision d’un planning, et dans la capacité collective à le faire vivre, sans panne ni faux départ.
Mathilde Hangard


