Sous Mayotte, le volcan ne dort pas

176 séismes en un mois, aucun panache de lave… et pourtant le cœur magmatique de l’île continue de battre.

En novembre 2025, Mayotte n’a pas tremblé comme en 2018. Aucun grondement, aucune fissure, aucune coulée de lave. Mais sous l’océan, à l’Est de Petite-Terre, la Terre parle. Les instruments du Réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte (REVOSIMA) ont enregistré une activité volcanique soutenue, faite de secousses discrètes et de gaz qui remontent vers la surface. Le volcan Fani Maoré est peut-être silencieux, mais il est loin d’être éteint.

176 secousses, à 50 kilomètres sous nos pieds

Marion Dufresne, Fani Maoré, Revosima, étudiants, océanographie, sciences, Mayotte
Une maquette de Mayotte et des fonds marins adjacents, avec le Fani Maoré en rouge. Les séismes enregistrés en novembre se concentrent entre 20 et 50 km de profondeur, bien en dessous des structures superficielles de l’île, signe d’un système magmatique encore en réorganisation lente plutôt que d’une intrusion brutale.

Les chiffres sont sans appel : 176 séismes d’origine volcanique, 73 séismes de longue période et un événement très longue période ont été détectés en novembre 2025 par le REVOSIMA. Une activité bien réelle, concentrée entre 5 et 15 kilomètres à l’Est de Petite-Terre, à des profondeurs impressionnantes, entre 20 et 50 kilomètres.

Rien de comparable avec la crise de 2018-2019, lorsque les secousses faisaient vibrer les maisons et fissuraient les murs. Mais cette sismicité n’a rien d’anodin. Les séismes dits « longue période » sont souvent liés à des mouvements de fluides magmatiques. Autrement dit, même sans éruptions, le système volcanique reste en mouvement.

Depuis la fin de l’année 2020, les stations GPS ne montrent plus de déformation claire de l’île. Mayotte ne s’enfonce plus, ne glisse plus vers l’est. En surface, tout semble figé. En profondeur, en revanche, la mécanique continue de fonctionner.

Fani Maoré : le géant silencieux

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Si Fani Maoré n’émet plus de lave depuis fin 2020, son volume colossal et la persistance de la sismicité régionale font de ce volcan l’un des marqueurs majeurs du volcanisme mahorais contemporain, dont l’évolution reste ouverte (photographie d’illustration/MAYOBS – IPGP/CNRS/Ifremer/BRGM)

Découvert en 2019 à près de 3.500 mètres de profondeur, le volcan sous-marin Fani Maoré a bouleversé la compréhension du volcanisme à Mayotte. En quelques mois, il a édifié un édifice haut de plus de 800 mètres, et rejeté un volume de lave estimé à 6,55 km³, un chiffre hors norme à l’échelle mondiale !

La dernière preuve directe d’une émission de lave remonte à octobre 2020. Depuis, aucune nouvelle coulée n’a été observée, malgré des campagnes océanographiques régulières. Pour les scientifiques, l’éruption est probablement arrêtée depuis fin 2020.

Probablement. Car dans ce dossier, rien n’est jamais totalement fermé. « Aucune hypothèse n’est écartée », rappellent les chercheurs : ni une reprise sur le même site, ni l’ouverture d’un nouveau point éruptif ailleurs le long de la chaîne volcanique sous-marine qui s’étire à l’est de Mayotte. La sismicité persistante en est le rappel permanent.

Au « Fer à Cheval », la respiration du magma

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Dans la zone du « Fer à Cheval », les émissions de CO₂ d’origine mantellique atteignent des hauteurs inédites dans la colonne d’eau, offrant aux scientifiques un indicateur précieux de l’activité profonde, même en l’absence d’éruption.

Et si la lave ne coule plus, les gaz, eux, continuent de s’échapper. Dans la zone du « Fer à Cheval », située au cœur de la zone sismique la plus active, le fond marin est percé de véritables cheminées invisibles. Sur 23 sites d’émission identifiés depuis 2019, 17 sont encore actifs.

Les panaches de gaz, essentiellement du dioxyde de carbone d’origine mantellique, remontent désormais jusqu’à 125 à 150 mètres sous la surface. Une hauteur jamais atteinte depuis le début de la crise, alors qu’ils s’arrêtaient auparavant vers 400 mètres de profondeur.

Ces émissions sont surveillées par des sonars, des prélèvements de gaz, et un planeur sous-marin autonome qui patrouille la zone et mesure en continu les anomalies chimiques. En novembre, ses données confirment une chose essentielle : le dégazage est stable, intense et profondément enraciné, sans signe d’un nouveau site majeur hors de la zone connue.

Un volcan discret, mais bien vivant

En novembre 2025, aucun danger immédiat ne menace la population, selon le REVOSIMA. Mais la leçon de ces sept dernières années est claire : le volcanisme mahorais ne se mesure pas seulement à ce qui se voit. Sous Mayotte, la Terre continue de respirer lentement, silencieusement. Et c’est précisément ce silence que les scientifiques écoutent, jour après jour, pour tenter d’anticiper ce que l’océan, un jour, pourrait à nouveau révéler.

Mathilde Hangard

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