Les étudiants du lycée de Dembéni sensibilisés à l’illettrisme et à l’illectronisme

À l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, le lycée polyvalent de Dembéni a accueilli, ce mercredi 19 novembre, plusieurs acteurs de l’insertion, de la formation et de l’accompagnement des publics en difficulté, dont les personnes en situation de handicap. Les étudiants ont animé des stands et des ateliers de sensibilisation consacrés à un handicap moins visible mais tout aussi limitant : l’illettrisme et l’illectronisme.

La Semaine européenne de l’emploi des personnes handicapées (SEEPH) a débuté ce lundi 17 novembre à Mayotte. Cet événement a pour objectif de mettre en lumière l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap et d’encourager les employeurs à adopter des pratiques plus inclusives. Tout au long de la semaine, plusieurs actions sont proposées : ateliers d’information sur les dispositifs existants, temps d’échanges et de sensibilisation, immersions professionnelles et ateliers dédiés à l’accompagnement au recrutement.

SEEPH, Lycée de Dembéni, handicap, illettrisme, sensibilisation, Mayotte
Plusieurs acteurs de la formation et de l’accompagnement des publics en difficulté, notamment des personnes en situation de handicap étaient présents, comme AKTO.

Ce mercredi 19 novembre, le lycée de Dembéni, à Tsararano, partenaire de la DEETS pour la semaine, a accueilli, le temps d’une matinée, différents acteurs de la formation et de l’accompagnement des publics en difficulté, notamment des personnes en situation de handicap. Parmi les structures présentes figuraient l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI), la Plateforme de lutte contre l’illettrisme et l’analphabétisme (PLIA), l’opérateur de compétence ATKO et la Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS). Avec l’appui des étudiants de BTS SP3S (Services et Prestations des Secteurs Sanitaire et Social), très impliqués durant toute la semaine, les échanges ont porté plus spécifiquement sur l’illettrisme et l’illectronisme, deux formes de handicap invisibles mais particulièrement présentes et pénalisantes au quotidien.

Cette action de sensibilisation a également constitué un moment privilégié pour les étudiants, qui ont pu rencontrer les différentes structures du territoire auprès desquelles ils pourraient être amenés à intervenir, que ce soit dans le cadre de leurs stages ou de leur future vie professionnelle.

Des ateliers pour mieux aider les personnes qui ne savent pas lire

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Lors d’un atelier, les étudiants ont été mis à la place des personnes en situation d’illettrisme, notamment en devant déchiffrer des textes brouillés.

Lors des ateliers pratiques, les élèves ont été placés en situation : certains incarnaient une personne en situation de handicap, par exemple quelqu’un qui ne sait pas lire ou utiliser un ordinateur ou un téléphone, tandis que d’autres jouaient le rôle d’accompagnateurs. Un scénario mettait notamment en scène une grand-mère cherchant à prendre un rendez-vous médical sur Doctolib sans savoir utiliser Internet. Comment, en tant que médiateur numérique, l’aider tout en lui permettant d’apprendre à effectuer la démarche seule ? Un exercice en apparence simple, mais qui, dès les premières minutes, interroge sur les gestes et réflexes adaptés. « Comment allez-vous détecter si une personne ne sait pas lire ou écrire ? », demande une étudiante à l’un de ses camarades, resté sans réponse.

Un autre atelier proposait des textes volontairement brouillés, illustrant la manière dont une personne illettrée perçoit l’information sans pouvoir la traiter. Les étudiants ont tenté de les déchiffrer un à un, prenant immédiatement conscience de l’ampleur des difficultés.

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Les étudiants en BTS SP3S se préparent à des métiers de gestion, d’accompagnement et de coordination dans les secteurs social, médico-social et sanitaire. Dans leur future activité, ils seront amenés à travailler avec des personnes en situation de handicap, qu’il s’agisse de collègues ou d’usagers.

« Quand j’ai commencé à lire, c’était difficile. Notre génération sait envoyer des SMS, utiliser les messageries, communiquer avec un téléphone, mais d’autres ne savent pas le faire. C’est important qu’on prenne conscience de ces difficultés », explique Raandati Thari, 18 ans, en première année de BTS SP3S. « C’est un sujet qu’on n’aborde pas assez à Mayotte, alors que beaucoup de personnes rencontrent des difficultés de lecture. On a tendance à aider spontanément, mais pas de manière durable ou organisée ».

« Plus tard, on sera amenés à accompagner des personnes âgées, des personnes en situation de précarité, et donc parfois en situation de handicap. C’est important d’organiser ce genre de journée pour montrer que le handicap n’est pas un frein. Au quotidien, on voit beaucoup de personnes en situation de handicap errer alors qu’elles pourraient avancer si on les accompagnait », ajoute Shayana Souffou, 19 ans, qui souhaite se diriger vers les ressources humaines à l’issue de sa formation.

A Mayotte 61% de la population rencontre des difficultés avec la lecture et l’écrit

« Ces 60 étudiants mobilisés pourront être amenés à travailler auprès de personnes en situation de handicap. Il est donc essentiel de mener ces actions pour les sensibiliser », souligne Cédia M’saoli, chargée de mission insertion professionnelle des travailleurs handicapés à la DEETS de Mayotte. « Nous voulons impulser une nouvelle dynamique dans la politique du handicap et rendre plus visibles les enjeux liés aux difficultés rencontrées. Aujourd’hui, ce n’est pas un sujet traité de manière réellement coordonnée : chaque acteur mène ses actions de son côté. L’ambition de cette semaine est justement de montrer les perspectives et de sortir des démarches figées ».

Selon l’Insee, à Mayotte, 61 % des adultes rencontrent des difficultés à l’écrit en français. Parmi eux, 47 % ont des difficultés en lecture de mots.

En 2022 à Mayotte, 61 % de la population rencontrait des difficultés avec la lecture et l’écrit, et 55 % des salariés étaient concernés, particulièrement parmi les travailleurs précaires. « Les langues principales sont le shimaoré et le kibushi ; le français est une langue secondaire, ce qui crée un besoin de ré-étayage. L’usage du téléphone pour remplir des formulaires, par exemple, bloque encore l’accès aux droits et à l’information. L’illettrisme impacte également la productivité des entreprises. C’est un enjeu qui concerne tout le monde », précise David Bouillard, chargé de mission régionale à l’ANLCI.

La semaine se clôturera ce vendredi 21 novembre, toujours au lycée de Dembéni, par la remise de trophées à des personnes en situation de handicap aux parcours exemplaires.

Victor Diwisch

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