Même si l’affaire est moins médiatique que celles jugées en métropole ces derniers temps, elle n’en demeure pas moins dramatique puisque qu’une jeune femme comparaissait mercredi et jeudi derniers devant la cour d’assises pour « meurtre aggravé » sur son nourrisson de 2 mois.
« Le syndrome du bébé secoué »
Tout commence le 12 août 2022 lorsqu’une équipe médicale du CHM constate le décès d’un nourrisson âgé d’environ 2 mois que les pompiers ont amené en urgence suite à un appel de la maman s’inquiétant de voir que son bébé respirait un peu trop vite, qu’il ne mangeait pas depuis la veille et qu’elle ne savait pas quoi faire. Le certificat des médecins suite au décès du nourrisson fait état du « syndrome du bébé secoué ». Le bodyscan n’a révélé aucune fracture mais « des hématomes avec une hypertension crânienne majeure », laissant suspecter un enfant « hautement secoué ».

Quelques mois après, en janvier 2023, la maman sera placée en garde à vue suite à des « éléments médicaux probants ». Elle accuse tout d’abord sa fille de 2 ans d’être à l’origine de la mort du nourrisson indiquant aux enquêteurs qu’elle l’a vue le secouer. Puis elle passe rapidement aux aveux, comme un besoin de se soulager, expliquant que c’est elle qui l’a secoué et avoue être à l’origine du décès.
Le nourrisson, prématuré, était atteint de trisomie 21 et avait des problèmes cardiaques. A sa naissance, l’équipe médicale était pessimiste concernant sa santé en indiquant « peu de chance de survie pour cet enfant ». Mais après deux mois passés au service de néonatalogie, il allait mieux et sa mère pouvait le récupérer chez elle. Du fait de la détection d’une trisomie 21, l’équipe médicale avait proposé à la jeune femme, avant son accouchement, une interruption médicale de grossesse. Après en avoir discuté avec son mari, ils décidèrent tous les deux de le garder considérant que « c’était dieu qui leur avait envoyé ».
Toutefois, lors de sa garde à vue, la mère a déclaré aux enquêteurs que depuis l’accouchement elle avait « une réflexion pour envoyer cet enfant au ciel », et qu’elle cherchait depuis sa naissance à s’en débarrasser évoquant même une possibilité pour le faire adopter. Ce 12 aout 2022, alors que son mari était absent, elle a reconnu avoir secoué le nourrisson pour « qu’il arrête de faire des grimaces, lui avoir donné une gifle, et l’avoir griffé près de l’œil ».
Le poids de la religion et le tabou du handicap dans la société mahoraise
Le président du tribunal, Olivier NOEL, à la lecture des faits et des PV de garde à vue explique à l’accusée qu’elle risque la réclusion criminelle à perpétuité. « Je souhaite demander pardon. J’ai conscience de ce que j’ai fait, mon intention n’était pas de le secouer et de le tuer. Pour moi c’était difficile… », déclare-t-elle devant la cour.

Interrogée, la directrice d’enquête à l’époque évoque « une attitude fuyante de la maman vis-à-vis de son bébé avec un rapport maternel complexe. La trisomie 21 est un handicap très lourd et difficile à gérer pour une maman… A sa sortie de l’hôpital, elle n’a pas bénéficié d’aide ni d’accompagnement, raconte-t-elle. Je pense qu’en secouant son bébé elle voulait faire disparaitre la grimace la renvoyant au handicap qu’il avait. Elle s’est rendu compte, deux mois après la naissance, que son nourrisson commençait à avoir les traits physiques de la trisomie 21 et qu’il ne ressemblait pas à son autre fille… ».
L’enquêtrice ajoutant même qu’après l’accouchement, la maman n’est quasiment pas venue voir son enfant quand il était au service de néonatalogie. « Il n’y avait pas d’amour maternel, comme un rejet ». Elle a par ailleurs été choquée quand, en garde à vue, la mère lui a indiqué qu’« elle voulait le ramener au ciel ». « J’ai trouvé ça glaçant, cela m’a fait froid dans le dos. On voit que l’impact religieux est très important à Mayotte… ».
Ce qui est sans doute encore plus choquant, c’est le regard des autres sur le handicap puisque l’une des voisines de la maman lui aurait dit que son bébé ressemblait à un trisomique, ajoutant un poids supplémentaire, comme une honte sur ses épaules. « J’avais peur du jugement des autres, je ne voulais pas sortir dehors avec mon bébé qui avait la trisomie 21 », aurait-elle dit aux enquêteurs.
A Mayotte le poids de la religion et les préjugés sur les personnes en situation de handicap sont encore très pesants et ont malheureusement la vie dure, d’autant que le territoire manque cruellement de structures d’accompagnement, de suivi, et d’aides pour ce genre de cas.
Après s’être retirés pour délibérer, les membres du jury ont déclaré l’accusée coupable du meurtre sur sa fille mineure et l’ont condamnée à 8 ans de prison, conformément aux réquisitions de l’avocate générale.
B.J.