Des acteurs éminents de la santé de Mayotte et au niveau national ont ouvert ce lundi la 4e édition du colloque Mayotte en Santé, organisé par l’association Narike M’sada, La Plateforme Oppelia de prévention et de soin des addictions (Popam), le Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) et le Département. Les conférences données s’articulent autour de trois grands thèmes : la santé sexuelle, les addictions et les maladies infectieuses.
“Cette édition 2025 a un caractère particulier avec l’épisode du cyclone Chido”, a d’emblée introduit Eric Pleignet, le directeur de la Popam. Plusieurs conférences étaient consacrées aux soins pendant et dans les semaines qui ont suivi la catastrophe et sur les conséquences du cyclone sur les maladies infectieuses à Mayotte.
Les addictions “augmentent après des épisodes de crises”

“Par expérience, dans le champ des addictions, nous savons que les usages et les pratiques augmentent après des épisodes de crises qui sont propices à trouver des modes de compensation, et tout particulièrement après des catastrophes naturelles qui laissent place à des drames, du désœuvrement , des pénuries et du découragement.”, a souligné le directeur de la Popam.
Raissa Houmadi, la vice-présidente de Narike M’sada a expliqué à quel point la santé à Mayotte est une “urgence sociale et politique.” En effet, l’accès aux soins est difficile pour des “dizaines de milliers de personnes”, a-t-elle rappelé. “Des jeunes majoritaires sur cette île sont confrontés très tôt à la violence, aux addictions, à la précarité, aux grossesses non désirées. Quelque 500.000 personnes subissent une crise de l’eau persistante depuis 2012, au moins 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté nationale. Cette statistique n’est pas qu’un chiffre, c’est une réalité quotidienne qui conditionne les choix les plus intimes : se nourrir, se loger, se protéger, se soigner, se prostituer. Chaque statistique est un cri.”
Se fédérer entre acteurs de la santé
Face à ces données, le colloque Mayotte en Santé est une opportunité pour se fédérer entre acteurs de la santé issus de l’océan Indien voire d’Hexagone : “ ce colloque est né d’une conviction simple : Mayotte ne doit plus s’isoler, nous devons briser l’enclavement géographique”, a appelé de ses voeux Raissa Houmadi.

Catherine Delorme, la présidente nationale de la fédération Addiction participe au colloque, la fédération a mis en place une Union régionale océan Indien. “Une présence territoriale qui fait fonction d’observatoire, observatoire des pratiques, des produits, des usages et des modes de vie”, a-t-elle détaillé. A Mayotte, elle s’appuie sur la Popam. “Ici, on parle de la chimique, un cannabinoïde de synthèse pour lequel nous devons adapter nos accompagnements au contexte local. La Popam présentera une étude dessus au cours du colloque.” Alors que l’âge moyen est de 23 ans à Mayotte contre 41 en Hexagone. “Mener une prévention efficace auprès des jeunes est donc majeur”, assure-t-elle.
Un autre objectif de la fédération est de “ proposer une offre de soins résidentielle complémentaire à l’offre de soins ambulatoire existante sur le territoire et prendre en charge les psycho traumatismes dont l’impact sur les conduites addictives sont de plus en plus documentées”.
“Les cas de VIH, sida semblent être en train d’augmenter très rapidement à Mayotte”
Les maladies infectieuses sont l’autre grand thème qui sera abordé jusqu’à vendredi. Pierre Tattevin, vice-président de la Société de pathologie infectieuse (SPILF) de langue française est le président d’honneur de l’événement. “Nous avons beaucoup parlé du choléra qui a finalement été contrôlé en quelques mois grâce au travail partagé des acteurs. Le CHM a fait un travail remarquable de prise en charge des patients”, s’est-il félicité. En parallèle, il a en revanche alerté sur “ les cas VIH, sida qui semblent être en train d’augmenter très rapidement à Mayotte. Nous avons beaucoup de chiffres croisés là-dessus. C’est également le cas dans les îles voisines comme à Madagascar.”
Il insiste sur la prévention et la facilitation de l’accès aux soins : “Si on ne veut pas vivre une épidémie comme celle qui a sévi au Mozambique ou en Afrique du Sud, il faut vraiment qu’on puisse améliorer l’accès aux soins, non seulement la prévention mais aussi les traitements, maintenant on a des médicaments qui en prenant un comprimé par jour permettent de ne plus du tout être contagieux. La clé de la résolution de l’épidémie qui est en train de monter, est d’identifier et d’offrir aux patients infectés de quoi se soigner”, estime-t-il.
Lisa Morisseau