Depuis lundi 8 septembre, une délégation du groupe RDPI (Rassemblement des Démocrates Progressistes et Indépendants) est en visite à Mayotte pour trois jours. Elle réunit plusieurs sénateurs : Salama Ramia (Mayotte), Dominique Théophile (Guadeloupe), Bernard Buis (Drôme), Nadège Havet (Finistère), Nicole Duranton (Eure), Xavier Iacovelli (Hauts-de-Seine), Mikaele Kulimoetoke (Wallis-et-Futuna), Patricia Schillinger (Haut-Rhin) et Marie-Laure Phinera-Horth (Guyane).

Leur mission : mieux comprendre les réalités du terrain après le cyclone Chido et assurer le suivi de deux textes récents concernant Mayotte — la loi d’urgence de février 2025 et la loi de programmation pour la refondation du territoire, votée l’été dernier. Les sénateurs veulent ainsi s’assurer que ces dispositifs trouvent une application concrète sur place.
Ce matin, mardi 9 septembre, les neuf sénateurs ont visité l’exploitation agricole du Jardin d’Imany à Combani, un site connu pour sa production d’ylang-ylang qui se relève petit à petit de Chido. Ils ont ensuite pris la direction du RSMA avant de faire étape à M’tsapéré dans les locaux de l’association culturelle Zangoma aux alentours de 15 h 30.
« On veut que le monde nous voit ! »

Reçus par plusieurs artistes de l’association et par sa cofondatrice Fatima Ousseni, les sénateurs ont pu observer l’exposition « Mémoires du vent« , créée, conçue sur le territoire et dont une partie était exposée (certaines œuvres sont toujours visibles) dans les rues de Mamoudzou en avril dernier.
« C’est très important de pouvoir montrer le travail de nos artistes, notamment aux sénateurs car ils représentent les collectivités, ils jouent un rôle clé dans le développement économique et culturel », remarque Fatima Ousseni. « La délégation représente aussi la diversité et une certaine universalité que l’on retrouve chez nos artistes, qui viennent des Amériques, de la métropole, et de Mayotte ».
Mais devant les sénateurs, le message central a été clair : faire rayonner les artistes mahorais bien au-delà de leur territoire. « On veut que le monde nous voit ! », lance a plusieurs reprises Fatima Ousseni, qui souhaite que les artistes de l’association et l’exposition « Mémoires photographiques » soient exposés à Paris, à la Villette, au Grand Palais ou encore au palais de Tokyo. « On veut s’ouvrir au monde, on ne veut pas se contenter d’exposer au Sénat, on veut que nos œuvres soient visibles par le plus large public ». Depuis plusieurs années, Fatima Ousseni s’efforce de convaincre les responsables politiques — parmi eux Thani Mohamed Soilihi, actuel ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, ou encore le sénateur Saïd Omar Oili — de donner une place aux artistes et à l’art de Mayotte à Paris.

Et bien qu’il ait constitué un coup d’arrêt pour le secteur, le cyclone Chido a donné à Mayotte une visibilité à la fois nationale et internationale. Plus de neuf mois après la catastrophe, le moment est particulièrement propice à l’organisation d’une telle exposition, pour dépasser les seules questions de reconstruction et sortir des thèmes récurrents à Mayotte, comme l’insécurité ou les enjeux migratoires. Des sujets qui risquent de plonger le territoire dans une certaine « indifférence » tant décriée. Un combat qui dépasse largement le milieu artistique et qui rejoint la volonté d’une grande partie de la population.
« Regardez ce qu’on est capable de faire lorsqu’on a un lieu, il faut s’autoriser à penser comme cela à Mayotte », appuie la cofondatrice de l’association, devant le bâtiment toujours endommagé par Chido et les divers œuvres exposées dans une piscine vide, sur des supports en bois et sur les murs encore debout.
Bientôt une exposition à Paris ?
Du côté des sénateurs, le message semble être passé, même si le choix du lieu risque de ne pas satisfaire les exigences bien-fondées de l’association Zangoma. « Une telle exposition est faisable, Mayotte est un territoire français et, en tant que représentant des collectivités, je me suis engagé à faire une demande auprès du président du Sénat, Gérard Larcher, pour afficher sur les grilles du Palais du Luxembourg (siège du Sénat) l’art Mahorais », indique Xavier Iacovelli, sénateur des Hauts-de-Seine et également vice-président.

« Aujourd’hui le milieu culturel et artistique n’a pas besoin uniquement de moyens financiers, il faut aider les acteurs à obtenir des locaux pour qu’ils se structurent et se stabilisent mais il faut également lever les barrières et exposer l’art hors de Mayotte », ajoute la sénatrice Salama Ramia. « Ce sont des choses faisables, mais il faut que nous les élus parlementaires on les accompagne ».
« C’est bien de voir une certaine reconnaissance de nos œuvres », se réjouit le street-artiste Papajan, 52 ans, félicité par les sénateurs. « J’ai du mal à voir l’impact concret d’une telle visite à Mayotte, la place de l’art est encore ambiguë », poursuit l’artiste, « mais elle existe tout de même et je peux continuer à passer mes messages. Quelque chose que je n’aurais peut-être pas pu faire si j’habitais aux Comores ou au Mozambique par exemple ».
Un rapport sur l’effectivité des lois à venir

« Lorsque je ferai mon rapport sur l’effectivité des lois urgence et de programmation, mes collègues qui sont venus à Mayotte seront à mes côtés pour noter la réalité du terrain, ce qui va et ce qui ne va pas », relève Salama Ramia, questionnée sur le but de la présence de la délégation sénatoriale à Mayotte. « Les choses ne s’arrêtent pas là, il faut qu’on continue le combat, quelle que soit la situation politique ». Une situation délicate après la chute du gouvernement Bayrou, lundi 8 août, mais la sénatrice l’assure, « je continue ma mission avec le soutien de mes collègues, pour la continuité des choses et le travail pour Mayotte sera toujours là ».
La journée s’est poursuivie par une table ronde avec les présidents des intercommunalités et une rencontre avec l’Association des maires. La veille, lundi 8 septembre, les sénateurs avaient débuté leur visite sur le département avec un échange avec le préfet, François-Xavier Bieuville, et le général Facon pour faire un point sur la reconstruction menée après Chido. La journée s’était conclue par une sortie en mer dans le cadre de la « Mission Kwassa ».
Ce mercredi 10 septembre, la délégation participera à une visite de terrain avec la Communauté urbaine de France, puis à une table ronde avec le Conseil départemental pour, à nouveau, aborder la reconstruction post-Chido
Victor Diwisch