Le chikungunya circule « à bas bruit » : l’ARS Mayotte craint la saison des pluies

À Mayotte, l’épidémie de chikungunya a reflué, mais l’ARS alerte : le virus circule toujours à bas bruit et la saison des pluies pourrait relancer la transmission.

Le calme est revenu, mais la vigilance reste de mise. À Mayotte, la flambée de chikungunya qui a frappé l’île entre mai et juillet a nettement reculé. Depuis le mois d’août, le territoire n’est plus en phase épidémique, selon l’Agence régionale de santé (ARS). Pourtant, la menace n’est pas écartée : avec le retour des pluies, les moustiques vecteurs du virus pourraient relancer la machine.

Une circulation « à bas bruit »

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À ce stade, aucun décès n’a été enregistré depuis le début de l’épidémie, mais les autorités sanitaires maintiennent une vigilance accrue.

Après le pic de juillet, où près de 1.200 cas avaient été recensés, la situation s’est améliorée. « Depuis le mois d’août, nous enregistrons entre un et cinq cas par semaine », indique Tanguy Cholin, responsable du département sécurité et urgence sanitaire à l’ARS. « Après une grosse vague épidémique en juillet, on observe actuellement une forte décrue de la circulation virale autochtone ».

Le 1er août, Santé publique France Mayotte confirmait cette tendance : « Le nombre de cas de chikungunya confirmés biologiquement est en baisse (…) Cette diminution est en lien avec la saisonnalité et la baisse de la densité des moustiques. Néanmoins, le maintien d’une circulation virale à bas bruit pourrait favoriser une reprise épidémique au début de la prochaine saison des pluies ».

Depuis janvier, Mayotte a enregistré 1.249 cas confirmés, dont 39 hospitalisations, principalement des nourrissons et des femmes enceintes. Aucun décès n’a toutefois été signalé, contrairement à La Réunion où l’épidémie a été beaucoup plus sévère (54.507 cas et plus de quarante morts).

La crainte des prochaines pluies

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Les équipes de lutte anti-vectorielle interviennent dans un rayon de 50 mètres autour des cas confirmés, afin de détruire les gîtes larvaires et limiter la propagation.

Si les chiffres sont en baisse, la période reste critique. « On a des cas pendant la saison sèche, c’est un mauvais indicateur : cela signifie que le virus circule toujours, et qu’avec les pluies, il pourrait repartir », prévient Tanguy Cholin.

Les équipes de lutte anti-vectorielle (LAV) poursuivent leurs interventions auprès des foyers identifiés. « Nous nous rendons au domicile des cas confirmés, nous cherchons aussi des cas suspects, et nous revenons jusqu’à trois fois pour détruire les gîtes larvaires dans un rayon de 50 mètres », explique Idaroussi Ambdoul-bar, responsable du service. « Pour l’instant, c’est gérable, mais la saison des pluies reste une vraie inquiétude ».

Les moyens ont été renforcés après le cyclone Chido, qui avait endommagé plusieurs véhicules. L’ARS dispose désormais d’un véhicule équipé d’un nébulisateur à froid London Air 18/20, un appareil capable de diffuser un insecticide sous forme de brume très fine. Cette technique permet de couvrir rapidement de larges zones et de tuer les moustiques adultes sur place, là où ils prolifèrent. « C’est une nette amélioration par rapport aux difficultés logistiques rencontrées en début d’année », souligne l’agence.

Un dépistage à renforcer

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À Mayotte, le laboratoire Biogroup effectue désormais PCR et sérologies sur place, mettant fin aux longs envois vers la métropole et permettant d’accélérer considérablement le diagnostic du chikungunya (photographie/B.T)

Autre enjeu : mieux détecter les cas. « Le problème, c’est que le dépistage n’est pas assez pratiqué », reconnaît l’ARS. Le diagnostic repose sur deux techniques complémentaires : la PCR (polymerase chain reaction), qui identifie le virus dans le sang dès les premiers jours d’infection, et la sérologie, qui met en évidence la réaction immunitaire de l’organisme quelques jours plus tard.

Au début de l’épidémie, seule la PCR était disponible à l’hôpital de Mayotte et les sérologies devaient partir en métropole, allongeant les délais. Un partenariat avec le laboratoire Biogroup a depuis changé la donne : quatre antennes locales réalisent désormais ces tests. « Si un patient présente des symptômes évocateurs, il est prélevé dans un centre médical de référence, et l’échantillon est transporté au laboratoire central », précise l’ARS.

Mais beaucoup de malades échappent encore au dépistage : le chikungunya se résout souvent spontanément et les patients consultent peu. « Tant que le laboratoire n’est pas saturé, il est crucial que les patients consultent un médecin et que les praticiens prescrivent une confirmation biologique. Nous n’intervenons qu’à partir des cas confirmés », insiste l’agence.

Les tests rapides (TROD), déjà utilisés pour d’autres maladies, ne sont pas la solution miracle. « Ils auraient pu être intéressants, mais leur utilisation n’est pas validée en France et leurs performances sont limitées », explique l’ARS. Surtout, ils ne détectent le virus qu’à partir du cinquième jour de symptômes, alors que la période de virémie ne dure que sept jours.

Les communes en première ligne

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Les déchets — bouteilles, pneus ou bidons — se transforment en véritables gîtes larvaires, où l’eau stagnante devient un berceau invisible des moustiques.

La bataille contre le moustique ne se joue pas seulement dans les laboratoires. Les communes recevront prochainement des cartes des gîtes larvaires à risque, élaborées avec le Syndicat Intercommunal pour la gestion et le traitement des Déchets de Mayotte (Sidevam), afin d’organiser des interventions ciblées.

L’ARS appelle aussi les habitants à rester vigilants. Éliminer l’eau stagnante, protéger les habitations avec des moustiquaires, se prémunir contre les piqûres : autant de gestes simples mais essentiels pour limiter la propagation. Et surtout, consulter en cas de symptômes évocateurs. « Toute fièvre accompagnée de douleurs articulaires et d’éruptions cutanées doit pousser à consulter. En se faisant diagnostiquer, on protège ses proches », rappelle l’autorité sanitaire.

Mathilde Hangard

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