En ouverture de sa visite de deux jours à Mayotte, ce lundi 1er septembre, le ministre des Outre-mer Manuel Valls a rencontré au gymnase de Labattoir les 120 nouveaux policiers récemment affectés sur l’île, soulignant leur engagement et la priorité donnée au renforcement de la sécurité. Le Gouvernement a affirmé sa volonté de garantir aux Mahorais « la paix civile et la sécurité du quotidien » d’ici 2026, en prévoyant dès cette année la formation d’auxiliaires Mahorais pour soutenir les forces de l’ordre, ainsi qu’un renforcement de la police judiciaire à partir de 2026.
Aux Badamiers, Manuel Valls prié d’accélérer le traitement des déchets

Manuel Valls s’est ensuite rendu sur le site de l’opérateur d’infrastructures et de réseaux numériques TDF à Pamandzi. Réquisitionné depuis Chido pour servir de zone-tampon et y déposer plusieurs milliers de tonnes de déchets, le site est divisé en deux parties. L’une gérée par le Syndicat Intercommunal pour la gestion et le traitement des Déchets de Mayotte (Sidevam) qui concerne les déchets organiques, la seconde par Maoré Territoires, un syndicat mixte chargé de la gestion des déchets ménagers et assimilés sur le territoire, qui regroupe les déchets d’ameublements, bois, métaux, tôles, électroménagers.
Lors de sa visite le 8 avril dernier, Manuel Valls avait été confronté à la problématique du traitement des déchets sur le terre plein de M’tsapéré. Chanoor Cassam, le directeur général des services du Sidevam, avait alerté sur la nécessité d’obtenir des financements pour payer les entreprises prestataires, non-payées depuis le cyclone. « Deux jours après sa dernière visite d’avril, les choses ont avancé. Nous avons reçu via les fonds d’amorçage, près de 3 millions d’euros. Ça nous a permis de souffler », explique le directeur, cinq mois plus tard. Une enveloppe supplémentaire de 1.500.000 euros est attendue par le Sidevam pour poursuivre ses activités.

« Même si on reçoit de moins en moins de déchets sur les zones tampons, il reste du travail à faire et le système s’essouffle. Les délais sont trop longs pour recevoir les aides », ajoute-t-il. « Pour terminer le traitement des déchets post-Chido il nous faut 10 millions d’euros sur l’ensemble du territoire ».
« Tout ça prend du temps, il reste encore beaucoup à faire », a indiqué Manuel Valls, néanmoins confiant sur le fait de trouver des solutions. Face aux réponses plutôt laconiques du ministre sur le sujet, Chamsia Mohamed, adjointe au maire de Labattoir en charge de l’environnement et de la transition écologique, a rappelé la nécessité d’accélérer le tempo pour libérer Petite-Terre de ces déchets, en travaillant la nuit, les week-ends ou plus tôt le matin. Des « petites mesures » qui selon elles feront la différence.
Mais du côté des ouvriers, la tâche est difficile, accélérer le rythme risque d’attiser la colère. « On en peut plus, c’est vraiment difficile avec toute cette poussière. Tous les jours on est là, les déchets continuent à arriver, ça ne s’arrête pas », témoignait un ouvrier en amont de la visite.

« Depuis le cyclone, il y a trois conteneurs de déchets qui sont partis de Petite-Terre pour être recyclés, principalement à La Réunion mais aussi en métropole, en Grande-Terre on est à une quinzaine », a constaté Franck Toy, gérant de Maoré Territoires. « On doit libérer le terrain d’ici novembre, à ce rythme ce n’est pas faisable ».
Ali Omar, vice-président chargé de l’administration générale, du transport et de la transition écologique, au Conseil départemental, a indiqué avoir débuté l’écriture des cahiers des charges pour commander deux grandes barges afin de faciliter l’évacuation des déchets. Une initiative saluée mais qui sera trop longue, selon les deux syndicats, surtout à l’approche de la saison des pluies.
Un point éducation et protection de l’environnement

Le ministre a poursuivi sa visite à Sada pour inaugurer la nouvelle Maison France Services, un projet centralisant les démarches administratives, et proposant un lieu d’accueil enfants-parents très attendu pour renforcer les services de proximité. Le projet d’un montant de 3.2 millions d’euros est financé par l’État à hauteur de 1,6 million d’euros, avec le soutien de la communauté de communes (315.000€), de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (300.000€) et de la ville de Sada.
Il s’est ensuite rendu à Bouéni à l’école élémentaire Mamoussa de Hagnoundrou, fortement touchée par le cyclone Chido, pour faire le point sur la reconstruction. La commune avait indiqué que 80 % des travaux seraient finalisés avant la rentrée 2025, les 20 % restants devant être réalisés pendant les vacances, en attendant les fonds d’urgence de l’État. La rentrée a été effectuée le 25 août dernier, mais toujours avec des rotations.

Vers 15 h 30 à Tsimkoura, Manuel Valls a découvert les actions du Conservatoire du littoral et du Gepomay pour protéger et restaurer la mangrove, notamment celle de Chirongui et de la baie de Bouéni. Ces milieux, très affectés par Chido, sont essentiels pour la protection des villages et abritent le crabier blanc, espèce en danger critique. Les responsables ont souligné l’importance de prévoir un budget suffisant pour préserver ces zones naturelles. « La mangrove est un milieu qui a été très fortement touché par Chido », a remarqué Emilien Dautrey, directeur du Gepomay, gestionnaire d’une partie de la mangrove. Le ministre d’État a confié que 17,5 millions seront mobilisés pour la réhabilitation de la biodiversité de l’île.
« Deux années difficiles » avant la mise en service de l’usine d’Ironi Bé

De l’autre côté de Grande-Terre, à l’Est, Manuel Valls a terminé sa journée en se rendant sur le chantier de l’usine de dessalement d’Ironi Bé. L’usine a pour objectif de produire 10.000 mètres cubes d’eau potable par jour, afin de répondre aux besoins croissants en eau de la population. Ce projet, d’un coût total de près de 95 millions d’euros, est financé par l’État, l’Europe, le LEMA et le FCTVA et sa mise en service est prévue pour 2027.
« En attendant la mise en service de l’usine, ce seront deux années encore difficiles », prévient Manuel Valls, faisant référence aux tours d’eau. Le ministre s’est félicité de l’avancée des forages, au moment où une septième campagne a été lancée. Il a également souligné l’importance de continuer les travaux de détection et de réparation des fuites d’eau à travers le territoire. « On vient de très loin il faut le rappeler. Ce sera compliqué mais on tient le bon bout. Le plus important c’est de montrer aux Mahorais que ce ne sont pas des paroles en l’air ».

Le ministre a rappelé que le chantier se déroule sur une zone qui a reçu un avis favorable du Parc naturel marin de Mayotte et que c’est suite à cette décision que le chantier a débuté. Antoine Bajeux, ingénieur chez Egis, a insisté sur le fait que les travaux prennent en considération la présence de crabiers blancs. Si l’espèce est repérée, le chantier sera, selon lui, mis en pause pendant plusieurs mois. L’ingénieur précise aussi que pour le moment le calendrier est respecté.
« C’est mon cinquième déplacement à Mayotte depuis Chido, il y a beaucoup de choses à faire, mais je vois aussi toute une vie et une économie qui reprend », a noté Manuel Valls. « Il faut que les entreprises puissent suivre, mais l’argent arrive, la loi a été votée. On a les bases pour la reconstruction pleine et entière de Mayotte ».
Victor Diwisch