Pour la première fois, la Ville de Mamoudzou a mené une évaluation de ses services à la population. L’objectif : mesurer l’efficacité des démarches administratives, identifier les points de tension et observer les usages des habitants, dans un contexte où l’accès au numérique reste limité pour une partie de la population.
Des services très sollicités

Sitti-Raouzat Soilihi, directrice de mission évaluation des politiques publiques et animation des projets 2030, explique : « C’est la première évaluation menée par la Ville, par la direction des services à la population. Nous travaillons pour la population, nous mettons à disposition des outils et des moyens, et il s’agit de vérifier si ce que nous faisons aujourd’hui répond à leurs besoins. »
La direction des services à la population (DSP) gère l’état civil, le recensement, les élections et les titres d’identité. Entre 2022 et 2023, elle a traité en moyenne 206.000 actes d’état civil par an, dont 97 % délivrés directement en mairie. Les soixante agents du service font face à une charge de travail importante, d’autant que Mamoudzou concentre 72 % des naissances de l’île.

L’adjointe au maire, Nourainya Loutoufi, rappelle que cette démarche s’inscrit dans un projet plus large : « Après trois semaines d’évaluation auprès de nos agents et du public, il est temps d’apporter des réponses aux questions et surtout des solutions. Au début de la mandature, nous avons voulu mettre en place « Mamoudzou 2030 » et notamment l’amélioration du cadre de vie de la population de la Ville. »
Les habitants confirment le recours massif aux mairies : « C’est mieux de venir sur place car plus rapide », indique un usager. Un autre souligne le coût des démarches en ligne : « Beaucoup de gens vont au cyber pour prendre des rendez-vous, ils paient… ». L’enquête montre que 68 % des répondants préfèrent encore se déplacer physiquement pour réaliser leurs démarches.
Quand le numérique coince

L’évaluation a révélé les limites de l’accès numérique à Mamoudzou. Pour recueillir les données, la mairie s’est appuyée sur des associations locales à Kawéni, Mstapéré, Cavani, Passamaïnty, Vahibé, qui ont formé des enquêteurs chargés d’accompagner les habitants dans cette enquête publique, directement au sein des mairies annexes.
Philippe Ramon, directeur général des services, souligne que « beaucoup de personnes savent utiliser leurs téléphones ». Pourtant, l’accès à Internet reste limité pour certains, et la maîtrise des outils numériques ainsi que de la langue française n’est pas acquise pour une partie significative de la population.
Des habitants entre cybers et guichets
Les témoignages confirment ces constats. Certains doivent payer pour se rendre dans des cybercafés afin de prendre un rendez-vous, tandis que d’autres préfèrent se déplacer directement en mairie pour gagner du temps. Malgré les outils numériques disponibles, le contact humain reste indispensable pour une part importante des usagers.
Ces observations rejoignent les initiatives menées par Emmaüs Connect à Mayotte pour réduire la fracture numérique. Elles mettent en évidence la nécessité de combiner outils numériques et médiateurs humains afin de garantir l’accès aux services publics pour tous, dans une ville où la majorité des habitants privilégie encore le déplacement physique pour leurs démarches quotidiennes.
Mathilde Hangard