Tsararano-Dembéni : l’ÉcoQuartier sort de terre

A Tsararano, la Zone d’aménagement concertée (Zac) Ecoquartier de Tsararano-Dembéni, commence à sortir de terre. Pour le moment, vendredi 11 juillet, les travaux concernent la première phase du projet qui accueillera 160 logements, des commerces et des infrastructures sportives. Les premiers bâtiments devraient être livrés en 2028. Dans un secteur partiellement occupé, l’EPFAM prévoit le relogement de 40 familles et des indemnités pour les agriculteurs.

Dix mois après la pose de la première pierre de la ZAC Ecoquartier de Tsararano-Dembéni, le 13 septembre 2024, le paysage à l’arrière des vendeuses de légumes, le long de la nationale 2 à Tsararano à drastiquement changé. L’enchevêtrement de parcelles agricoles et de cases en tôles a laissé la place à un grand terrain dénudé sur lequel s’activent les engins de chantier et les hommes en chasubles oranges. Vendredi 11 juillet, l’Etablissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (EPFAM), porteur du projet, a organisé une visite du chantier avec la Ville de Dembeni, pour faire le point sur l’avancée des travaux.

La première tranche du projet en cours de réalisation

Ecoquartier, Tsararano, Démbeni, logement, Mayotte
L’objectif est de réaliser un front bâti le long de la RN avec 5 lots aménagés par ALMA.

La ZAC a pour objectif de relier Tsararano à Dembéni, autour de la rivière Mro oua Dembeni, via l’urbanisation de 45 hectares entre les deux villages. Cette zone prévoit d’accueillir 2.600 logements, des groupes scolaires, un collège, des équipements sportifs, des pôles culturels, mais aussi des zones d’activités agricoles et de préservation de l’environnement.

Pour le moment, les travaux concernent la première partie du projet, du côté de Tsararano, avec la réalisation d’un front bâti le long de la route nationale. Ce dernier est constitué de 5 lots gérés par AL’MA (Action logement Mayotte) qui proposeront 160 logements, une moyenne surface alimentaire, des commerces de proximité et des bureaux. Le plateau sportif actuel sera remplacé par une place aménagée qui permettra d’accéder aux différents nouveaux espaces publics comme le terrain de football, le plateau sportif, et des aires de jeux. Toute la vie de la commune et de ses habitants va être orientée vers ce nouveau quartier bordé par la rivière.

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Après le terrassement et les réseaux, les premières constructions doivent débuter dans les premiers mois de 2026.

La deuxième phase des travaux doit débuter en septembre prochain depuis la commune de Dembéni. Située sur la plaine agricole et les coteaux, en dessous du technopole, cette seconde tranche, plus importante que la première en surface et en travaux à réaliser, constitue la plus grande partie de l’Écoquartier. C’est à cet endroit que seront construits la majorité des logements, les établissements publics, les groupes scolaires, le collège, mais aussi les principales voiries.

« Les travaux se passent très bien grâce à la collaboration étroite entre l’EPFAM, la Ville de Dembéni, l’entreprise Sogea, le maître d’œuvre et tous les acteurs », se réjouit Elissa Danel, chargée d’opérations urbaines à l’EPFAM, « tout le monde a conscience que c’est un projet qui va avoir un fort impact pour le développement de Mayotte ».

Un centre de relogement, des indemnités et des réhabilitations pour les agriculteurs

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La ZAC a pour objectif de relier Dembéni à Tsararano via l’urbanisation de 45 hectares. Autour de la rivière, cette zone était particulièrement prisée des agriculteurs.

En comparaison avec l’un des autres projets de l’EPFAM, à savoir la création de la ZAC de Doujani, dont les travaux ont débuté en 2023, qui comportait « plus de 800 habitations insalubres en juin 2022″, selon l’établissement public, la zone de Tsararano-Dembéni est beaucoup moins occupée. D’après les enquêtes effectuées par l’EPFAM, qui est propriétaire de l’ensemble des terrains, 40 familles sont recensées sur la zone et sont directement impactées par les travaux. Le chantier touche également les exploitants agricoles, les éleveurs de zébus et aussi la faune et la flore du milieu naturel autour de la rivière.

« Pour les familles qui sont présentes illégalement sur le terrain nous allons construire un centre de relogement temporaire en modulaires », explique Elissa Danel, « elles pourront y rester deux mois mais nous allons voir au cas par cas pour tenter de trouver des solutions et débloquer des situations. Les exploitants agricoles auront le droit à des indemnités pour la perte de leurs activités, mais on travaille avec eux pour essayer de les relocaliser puisque le projet prévoit de nombreux espaces agricoles et de la relocalisation-stabilisation du zébu », poursuit la chargée d’opérations urbaines. « On a également prévu des compensations écologiques, puisque la plaine humide va être rétrocédée au Conservatoire du littoral avec un plan de gestion durable en collaboration avec le Gepomay pour conserver le crabier blanc et l’écosystème ».

La fatigue et la colère s’installe chez les  familles déplacées

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Une jeune fille qui habite dans une case en tôle avec sa famille, observe une pelleteuse sur le chantier. L’EPFAM a prévu de construire un centre de relogement temporaire pour 40 familles.

De l’autre côté de la barrière de sécurité du chantier, les enfants regardent avec attention les pelleteuses creuser le sol. Il y a deux mois, en raison du lancement des travaux de terrassement, eux et leurs familles ont été déplacés aux abords du marché couvert, dans une zone particulièrement marécageuse où l’eau s’infiltre dans les habitations. Suite à Chido, c’est la deuxième, voire la troisième fois, que ces familles doivent reconstruire leur maison en l’espace de quelques mois. Dans le petit quartier de quelques cases, la fatigue se fait ressentir et la colère gronde face à l’incompréhension. « A peine on construit qu’on doit partir à nouveau ! », lance Moustoifa* énervé, « c’est pourtant eux qui nous disent de nous installer ici, on ne comprend plus rien, et le matériel pour reconstruire coûte cher ».

Pour ces habitants, dont certains vivent ici depuis des dizaines d’années, la ZAC devrait les prendre en compte. « Je ne sais pas pourquoi on ne nous propose pas d’acquérir ces terrains pour qu’on puisse s’y installer durablement », continue le jeune homme d’une vingtaine d’années. « C’est un projet intéressant, mais il faut trouver des solutions pour tout le monde, ne pas prioriser certaines personnes pour en abandonner d’autres. Mayotte a besoin de se développer mais il ne faut pas briser des vies », observe Duc*, 20 ans, venu apporter de l’eau à sa grand-mère, « l’incertitude du logement rend fou tout le monde, on y pense tous les jours ici ».

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Les vendeuses de légumes le long de la route nationale 2.

Lorsqu’il apprend le projet de création de centre de relogement, le jeune homme doute que l’ensemble des personnes pourront y trouver un toit, « je pense qu’ils feront le tri entre ceux qui ont les papiers et ceux qui n’en ont pas ».

Inquiets, les habitants ne savent pas lorsqu’ils devront à nouveau quitter leurs cases pour permettre l’avancée des travaux. En attendant, les enfants accompagnent leurs mères au bord de la route pour y vendre les légumes.

* Les prénoms ont été modifiés

Victor Diwisch

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