Après plusieurs mois de débats, le Parlement a adopté définitivement, jeudi 10 juillet, le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, département français le plus jeune et l’un des plus pauvres. Ce texte, qui sera prochainement promulgué, fixe un cadre ambitieux pour accompagner la transformation institutionnelle, sociale et économique de ce territoire confronté à de nombreux défis structurels, exacerbés après le passage du cyclone Chido, survenu le 14 décembre 2024.
Un plan d’investissement inédit

Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a salué l’adoption de ce texte comme « une ambition politique sans précédent pour Mayotte » et a affirmé : « Après cette adoption, j’y consacrerai toute mon énergie. L’essentiel sera la mise en œuvre, avec une stratégie planifiée. Nous le devons aux Mahorais ».
Ce plan de programmation consacre une enveloppe de 4 milliards d’euros sur six ans, avec pour objectif d’accélérer la convergence sociale, notamment en alignant progressivement les droits et prestations sociales sur ceux de l’Hexagone d’ici 2031. Le texte prévoit également la transformation du statut territorial, faisant de Mayotte un « Département-Région » doté d’un nouveau mode de scrutin. Parmi les mesures inscrites, la transformation du port de Longoni en grand port maritime et la création d’un deuxième site hospitalier à Combani visent à renforcer les infrastructures locales.
Lutte contre l’immigration clandestine : un volet renforcé et contesté

Le projet de loi consacre une part importante à la lutte contre l’immigration clandestine et à la résorption de l’habitat informel, domaines jugés prioritaires pour la stabilité du territoire. Il propose notamment de « durcir les conditions d’obtention d’un titre de séjour » et de faciliter « la destruction des bidonvilles », y compris en dérogeant ponctuellement à l’obligation de relogement, face à un habitat où un tiers de la population réside actuellement.
Le texte bénéficie du soutien du Rassemblement national, qui a revendiqué une « victoire politique » face à l’inclusion de ces mesures dans le plan. Toutefois, la gauche — à l’Assemblée comme au Sénat — s’est divisée, certains parlementaires dénonçant « l’obsession » pour l’immigration qui traverse le projet. La sénatrice écologiste Antoinette Guhl a particulièrement alerté sur les risques d’une dérive sécuritaire : « À Mayotte, le droit commun ne s’applique plus. C’est devenu un laboratoire sécuritaire où l’on teste des lois que l’on n’oserait jamais appliquer ailleurs en France ».
Des réserves sur la gestion de la crise de l’eau
Malgré l’ampleur du plan, plusieurs élus et acteurs de terrain alertent sur les limites du texte, notamment en matière d’accès à l’eau potable et de santé publique. La députée mahoraise Anchya Bamana a rappelé que Mayotte « vit toujours sous le régime des coupures d’eau » et a dénoncé l’insuffisance des investissements pour faire face à cette urgence.

Le 26 juin, Brice Guillaume, référent mobilisation communautaire pour la mission France de l’ONG Solidarités International, a également pointé les carences du texte sur ce point : « L’eau est reléguée en annexe… La portée législative est faible, et l’attention est presque uniquement portée sur la production d’eau. Certes, la production est problématique — la troisième retenue n’est toujours pas construite, et l’usine de dessalement fonctionne en deçà des attentes — mais rien n’est prévu concernant l’accès et la distribution ».
En réponse aux critiques, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a défendu un projet « ambitieux, sérieux, solide », fruit d’un travail collectif. Il a assuré que « jamais les territoires d’Outre-mer n’ont été aussi présents dans le débat public, écoutés et entendus par le Gouvernement ». La réussite du plan dépendra désormais de sa traduction concrète sur le terrain, et de la capacité de l’État à répondre aux attentes exprimées.
Mathilde Hangard