Loi pour la refondation de Mayotte : l’article 19 sur les expropriations supprimé par la CMP

On commence enfin à voir le bout du tunnel concernant le projet de loi pour la refondation de Mayotte. Voté solennellement la semaine dernière à l’Assemblée nationale, députés et sénateurs étaient réunis ce mardi en Commission mixte paritaire (CMP) afin de procéder aux derniers ajustements avant un nouveau vote définitif par le Parlement prochainement.

L’article 19 du projet de loi définitivement supprimé ainsi que le titre de séjour territorialisé

Contacté par téléphone à l’issue de la CMP mardi après-midi, le sénateur Saïd Omar Oili nous a fait part de sa satisfaction malgré de nombreuses suspensions de séance. « Ça s’est très bien passé…Il y a eu des prises de position pour l’article 19. Pour les élus mahorais la ligne rouge c’était l’article 19 sur les expropriations et le titre de séjour territorialisé, mais finalement c’est la sagesse qui l’a emporté. Maintenant le Gouvernement doit utiliser le droit commun en matière d’expropriation, et non plus dérogatoire, en faisant une déclaration d’utilité publique. C’était la volonté politique qui manquait et les moyens à mettre en œuvre. Aussi, la suppression de l’article 19 est une victoire ».

Manuel Valls, François Bayrou, Mayotte, Chido
Pour Saïd Omar Oili, l’État doit prendre ses responsabilités en matière de régularisation foncière

Saïd Omar Oili a insisté sur le fait qu’il fallait dorénavant procéder à une régularisation foncière générale sur tout le territoire. « L’état doit prendre ses responsabilités en régularisant une bonne fois pour toute l’ensemble du foncier ». Le sénateur rappelle à cet égard que beaucoup de Mahorais n’ont pas de titre foncier ou de titre de propriété. « A cause de cela ils ne peuvent pas être indemnisés par les assurances pour ceux qui étaient assurés. Cela risque d’être une perte sèche pour certains Mahorais », déplore-t-il. Concernant la suppression du titre de séjour territorialisé, le sénateur nous a confirmé que cela se fera bien à compter de 2030, comme initialement prévu. « C’est acté et inscrit dans la loi, même si cela n’était pas accepté par différents bancs à la fois au Sénat et à l’Assemblée nationale. Mais au final on l’a obtenue ! », se félicite-t-il.

Beaucoup d’amendements « S20 » acceptés

C’est l’autre petite victoire du sénateur, même s’il reste mesuré. En effet, sur la trentaine d’amendements qu’il avait déposés, 20 ont été acceptés. Parmi eux, la création d’un observatoire à Mayotte pour le volcan Fani Maoré, la mise à disposition des études technico-opérationnelles contre l’immigration clandestine, ou bien encore le calendrier des travaux de sécurisation de l’usine de dessalement, ainsi que le renforcement de l’offre de soins à Mayotte avec la création d’un 2e hôpital. « Les 2/3 des amendements que j’avais déposés ont été acceptés et figurent dans la loi. Concernant le 2e hôpital, un terrain a été trouvé à Combani », assure-t-il. Tout en concédant que « le verre n’est pas encore plein… les résultats sont plutôt positifs, mais je reste au travail ».

LODEOM repoussée au 1er janvier 2027

Cela pourrait être le petit hic de la finalité de ce projet de loi : le report en 2027 de la Loi pour l’Ouverture et le Développement Économique de l’Outre-Mer (LODEOM). En effet, la suppression de l’article 15 alinéa 7 habilitant le Gouvernement à supprimer le CICE et à étendre à Mayotte le régime de la LODEOM, par ordonnance, dans un délai de 6 mois n’a pas été approuvée par l’ensemble des parlementaires de la CMP. « C’était très tendu, il y a eu un vrai débat, confie le sénateur Oili. Nous avons eu des informations contradictoires…certains étaient pour la fin du CICE en 2027 et non à la fin de cette année, notamment le patronat à travers le Medef ».

En effet selon les échos qu’a eu le sénateur, beaucoup d’entreprises mahoraises ne se sentaient pas prêtes pour le 1er janvier 2026. « Les représentants du patronat nous ont dit qu’elles auraient des difficultés pour suivre et qu’il était un peu tôt pour mettre en place LODEOM de suite. Notre objectif n’est pas de mettre les entreprises mahoraises en difficulté. Nous l’avons donc gardée pour 2027 ».

COI, Mayotte, Comores
Concernant LODEOM la députée Estelle Youssouffa dit ne pas être satisfaite de son report

Sur sa page Facebook, la députée Estelle Youssouffa ne cache pas son amertume sur ce sujet. « Nous ne sommes pas satisfaits. Cela crée un déséquilibre d’égalité sociale. Je pense que nous allons faire un courrier au Premier ministre afin qu’il amende le texte de la CMP et que cela passe par un vote du Parlement ». L’élue du palais Bourbon indique par ailleurs que le Département de Mayotte a eu gain de cause, malgré l’opposition de la députée, concernant le nombre d’élus à l’Assemblée départementale. « C’est un toilettage institutionnel… il y aura 52 élus à l’Assemblée départementale répartis en 13 sections avec un scrutin proportionnel de liste avec prime majoritaire. Je pense que cela pose un problème constitutionnel, il y aura sûrement des recours », avertit-elle.

Comment seront répartis les 4 milliards d’euros pour la refondation de Mayotte ?

Mayotte, Chido, cyclone, établissement scolaire, école,
Près de 4 milliards sont prévus pour la reconstruction du territoire

Selon la députée, les montants se répartiront comme suit : 300 millions d’euros pour aider les collectivités ; 730 millions d’euros d’investissement pour l’eau et l’assainissement ; 407 millions d’euros pour le 2e hôpital ; 430 millions pour la 2e prison, la future Cité judiciaire et le centre éducatif fermé ; 400 millions pour les écoles ; 17 millions pour l’université de Mayotte ; 17 millions pour la culture et le sport ; 200 millions pour le logement ; 1,2 milliard d’euros pour le futur aéroport en Grande-Terre ; 164 millions pour les routes ; l’environnement et l’aménagement du littoral pour un montant de 17 millions ; la pêche et l’agriculture seront dissociées en 2 chambres distinctes avec un montant global alloué pour les 2 structures de 12 millions d’euros ; enfin 6,9 millions pour les déchets et 50 millions d’euros pour la fibre. En outre le recensement exhaustif et complet prévu cet automne devrait permettre d’augmenter les dotations générales de fonctionnement pour les collectivités de l’île. Et l’alignement du Smic à hauteur de 87,5% sur celui du national sera mis en place le 1er janvier prochain.

Enfin concernant le CIOM (Comité interministériel des Outre-mer) qui aura lieu ce jeudi, le sénateur Saïd Omar Oili ne cache pas une certaine incompréhension et regrette qu’aucun élu ne participe à ce Comité. « C’est la première fois que cela arrive ! Ce sont des gens qui se trouvent à 10.000 km de Mayotte qui vont prendre des décisions. On va décider sans nous, on va parler de Mayotte sans nous ! ».

B.J.

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