Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido frappait Mayotte avec une violence inédite. Bilan : des vents supérieurs à 200 km/h, des centaines d’habitations sinistrées, des routes coupées, des écoles inondées ou éventrées. Dans ce département le plus jeune de France — où plus de la moitié des 321.000 habitants a moins de 18 ans — l’école a vacillé, pilier pourtant essentiel dans un territoire marqué par une pauvreté structurelle, des inégalités sociales profondes et une crise majeure d’accès à l’eau potable devenue chronique.
Une île ravagée : l’après-Chido

Plus de 117 .000 élèves, répartis sur 221 écoles, 22 collèges et 11 lycées, ont été brutalement déscolarisés. Si certains établissements ont rouvert partiellement à la fin du mois de janvier 2025, l’année scolaire a été profondément bouleversée. Les rotations de classe, les cours prolongés jusqu’au samedi, les coupures d’électricité, l’absence de réseau, le manque de mobilier et la précarité alimentaire ont rythmé le quotidien. Malgré les efforts de l’État et des collectivités, l’éducation reste ici une lutte quotidienne.
À Courçon, en Charente-Maritime, des élèves de la 5ème à la 3ème, membres du club Interact du collège, ont été profondément touchés par cette réalité. Encadrés par une professeure d’anglais, membre engagée du Rotary Club de La Rochelle, ils ont décidé d’agir. « Les élèves du club Interact étaient très motivés par cette action et se sont vite mobilisés pour la collecte dans un magasin local, où ils n’ont pas hésité à aller de leur plein gré parler aux gens pour leur demander une participation », explique l’enseignante. Ce jour-là, le magasin partenaire avait même envoyé un mail à tous ses clients pour encourager les dons. Un après-midi entier a été dédié à cette mobilisation locale.
Une chaîne humaine et soucieuse de l’environnement
Une fois la collecte terminée, le tri a commencé quelques semaines plus tard. Le club Interact a été rejoint par les éco-délégués du collège, dans un geste à la fois solidaire et éco-responsable. « Ils ont enlevé un maximum d’emballages aux fournitures pour éviter d’envoyer trop de plastique », précise l’enseignante. Cahiers, stylos, règles… près de 100 kg de matériel ont ainsi été préparés, répartis en trois colis d’environ 30 kg chacun.

Sur le plan logistique, l’expédition des colis via Chronopost a été financée par le club Interact, avec le soutien du Rotary District 1690. Mais à leur arrivée à Mayotte, les colis se sont retrouvés bloqués dans l’engorgement du port de Longoni — unique porte d’entrée maritime de l’île — paralysé plusieurs mois après la catastrophe de Chido. Plus de 5. 000 containers encombraient les quais, entre rotations de grue insuffisantes, retards administratifs et frais de stationnement exorbitants, transformant le port en un véritable goulot d’étranglement.
Face à cette situation, les élèves de Courçon et leurs encadrants se sont adaptés. « Nous avons effectivement été frustrés de ne pas pouvoir expédier les colis immédiatement, mais nous avons préféré patienter et attendre que tout se débloque, pour être sûrs que les colis arrivent bien », confie l’encadrante. Une stratégie de confiance, assumée avec patience et sans précipitation.
Une réception qui relie au-delà du geste

C’est à la mi-juin 2025 que le premier colis a pu être remis au lycée polyvalent de Dembéni, où sa réception coïncidait avec la semaine culturelle. « Les élèves et les encadrants du projet étaient très heureux d’apprendre l’arrivée du colis, et nous avons partagé les photos de l’école qu’ils nous ont envoyées », rapporte l’enseignante. Pour le collège de Tsingoni et les écoles de Combani, la confirmation des livraisons reste en attente, mais « nous restons confiants ».
Dans les salles où l’on enseigne parfois dans des locaux éventrés, sous des bâches, les fournitures venues de Courçon ont fait bien plus que dépanner. Elles ont rappelé que, malgré les distances, une jeunesse peut en rejoindre une autre, et que la solidarité, quand elle est incarnée, peut traverser les océans. « Les élèves et le personnel du collège sont très heureux et très fiers de cette action pour Mayotte, surtout prise en charge par les élèves », souligne la direction de l’établissement de Courçon.
Par leur mobilisation, les élèves de Courçon ont offert plus que du matériel : une main tendue, un lien, une preuve d’humanité. Et c’est peut-être cela, aujourd’hui, la leçon la plus précieuse à transmettre.
Mathilde Hangard