À 9 heures, la salle de la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) de Kawéni, à Mamoudzou, était déjà comble. Sur scène comme dans le public, la diversité des participants donnait le ton : associations locales, entreprises, représentants de la mairie de Mamoudzou et du Rectorat, architectes et habitants, notamment de nombreux jeunes, étaient réunis pour une journée consacrée à l’avenir du village.
Intitulé « Kawéni Ya Léo Na Messo », l’événement, organisé par la Ville de Mamoudzou, visait à présenter les projets en cours dans le cadre du volet ANRU+ du programme de renouvellement urbain (NPRU), un plan soutenu par l’État, destiné à transformer en profondeur ce quartier populaire.
Le NPRU à Kawéni : construire un avenir plus juste et durable
Dans son discours d’ouverture, Ambdilwahedou Soumaïla, le maire de Mamoudzou, a souligné l’ambition du programme : « Le NPRU améliore le cadre de vie par de grands projets structurants, notamment des établissements scolaires et des équipements sportifs ». Il a rappelé que plus de 320 projets ont été mobilisés pour la transformation de Kawéni. « Le programme d’investissements vient quant à lui favoriser l’inclusion sociale et économique des habitants ».

Mais l’édile a aussi évoqué les fragilités du territoire, exacerbées par le passage du cyclone Chido, le 14 décembre 2024 : « Les infrastructures, les habitations, les entreprises ont été durement touchées. En pleine construction de son nouveau visage, Kawéni a montré sa fragilité structurelle comme de nombreux autres lieux, mais surtout la résilience et le courage de ses habitants ». Selon lui, la réponse au désastre a été collective : « Les acteurs impliqués dans le NPRU ont fait le choix de rebondir ensemble dans une logique de reconstruction durable et solidaire ».
La journée, qualifiée de « projection de Kawéni de demain », a permis de mêler annonces institutionnelles, visites de chantiers, activités culturelles et job dating. Parmi les temps forts : la pose symbolique de la première pierre du futur stade municipal de Kawéni, très attendu par les jeunes du quartier.
Un stade comme symbole : « On ne construit pas pour impressionner mais pour accueillir »

La projection d’une vidéo immersive a permis de présenter la maquette du futur stade de catégorie T3, d’une capacité de deux mille places. Le chantier, prévu pour démarrer à la fin de l’année 2025, durera vingt-quatre mois.
Pierre-Henri Gomez, architecte du groupement RH+ et GR+ Architecture, en charge du projet, a rappelé l’importance symbolique du lieu : « On dit souvent que l’important, c’est de participer. Mais pour le stade, l’important, c’était de bien le penser ».

Il a invité les habitants à se sentir partie prenante : « Ce n’est pas seulement l’histoire d’un stade et d’un bâtiment, mais le symbole d’un territoire qui avance, qui vit malgré les difficultés ». Saluant un projet pensé « pour accueillir » et non « pour impressionner », il a conclu : « Demain, quand les enfants de Kawéni entreront dans la tribune, souvenez-vous de ce jour. Ce stade, c’est une preuve qu’à Mamoudzou, on ne fait pas que parler d’avenir : on le construit ensemble ».
Parc agricole : un levier pour l’agroécologie et l’insertion
Derrière la MJC, une autre transformation est en cours, plus discrète mais tout aussi structurante : celle du parc agricole de Kawéni. Mis en place en mars 2023 grâce à un partenariat entre la mairie de Mamoudzou et l’association Cananga, ce projet s’étend sur douze hectares de terres prêtées pour vingt ans.

Son coordonnateur, Moussa Ahamat, explique : « L’objectif de ce projet est de lutter contre l’érosion, restaurer la fertilité des sols, et surtout favoriser l’insertion sociale ». Deux associations, Mlézi Maoré et Nayma, en assurent la mise en œuvre, avec 247 agriculteurs formés aux pratiques de l’agro-écologie et à l’utilisation de produits alternatifs aux phytosanitaires. Les jeunes du centre social viennent également s’initier à l’agriculture.
Le parc intègre également une dimension écologique : cent seize tonnes de déchets ont été ramassées en deux ans, dont 71 % de déchets ménagers. Des campagnes de reboisement ont été engagées après la destruction de nombreux arbres par le cyclone Chido. Le projet accompagne également des jeunes en insertion : « Ils sont salariés du parc, ils perçoivent une rémunération. Ce n’est pas forcément leur vocation, mais cela leur donne des compétences en agro-écologie, une activité, un rythme ».
Pour participer, les jeunes doivent être âgés d’au moins 26 ans, en situation régulière et inscrits à France Travail. Le dispositif, qui permet d’accéder à des formations qualifiantes, a déjà permis à neuf personnes de signer des contrats de plus de six mois et quatorze autres d’entamer une formation diplômante.
Depuis plusieurs jours à Mayotte, comme à Kawéni, les chantiers se multiplient, mais c’est surtout dans la constance des engagements humains que se dessine, pas à pas, la promesse de territoires transformés.
Mathilde Hangard