Alors que l’eau est un droit fondamental, les territoires d’Outre-mer vivent une crise sanitaire et sociale d’une ampleur rarement évoquée. Coupures régulières, pollution des réseaux, tarifs prohibitifs et accès inégal sont le quotidien de millions de Français. Un rapport collectif publié lundi 23 juin par dix associations nationales et locales tire la sonnette d’alarme sur cette situation qui touche aussi bien la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion que Mayotte, où la crise est particulièrement dramatique.
Les difficultés d’accès à une eau potable constituent dans ces territoires une « crise majeure », aux conséquences graves sur les droits fondamentaux, en particulier la santé, la dignité et le droit à l’éducation. Dans les Antilles, l’UNICEF révèle que les enfants perdent jusqu’à 20 % de leurs journées d’école à cause du manque d’eau. En Guyane, certaines zones enclavées sont durablement privées d’un accès garanti à l’eau potable.
Mayotte illustre à elle seule l’extrême urgence : depuis 2023, les habitants font face à des coupures pouvant durer 36 heures, répétées jusqu’à trois fois par semaine. La pénurie d’eau potable y est devenue chronique, affectant la vie quotidienne des habitants, les conditions sanitaires et le respect de la dignité humaine.
Parallèlement, en Guadeloupe, où l’eau est la plus chère de France, les habitants subissent une eau souvent impropre à la consommation, polluée et distribuée de manière irrégulière, avec des coupures pouvant s’étaler sur plusieurs semaines.
Ces situations ne sont pas le fruit d’un hasard mais s’inscrivent, selon les associations, dans une discrimination environnementale structurelle, résultat d’un désengagement de l’État français vis-à-vis des Outre-mer. « Nulle part ailleurs en France on n’accepterait une telle situation », affirme Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous.
Le rapport Soif de justice, coordonné par dix associations telles que Mayotte a soif, Guyane Nature Environnement ou Kimbé Rèd F.W.I., alerte les autorités françaises et les Nations Unies, demandant une reconnaissance officielle de cette discrimination, une hausse conséquente des financements et une réelle implication des populations dans l’élaboration des politiques publiques. La crise de l’eau dans ces territoires est bien plus qu’une urgence locale : elle interroge sur la conception même de l’égalité nationale en France.
Mathilde Hangard