Après avoir traversé tant bien que mal les zones de turbulences, c’est désormais le manque de visibilité qui risque d’empêcher les compagnies aériennes Air Austral et Ewa Air d’atteindre leur rythme de croisière. Dans les locaux d’Air Austral ce mardi 24 juin, Hugues Marchessaux, président du directoire d’Air Austral et président d’Ewa Air, et Drissa Samaké, directeur général d’Ewa Air, ont dressé le bilan de l’activité des compagnies sur l’exercice 2024-2025, qui s’est achevé le 31 mars dernier.
Une année encourageante malgré de nombreuses perturbations

Premier constat, Air Austral observe un résultat d’exploitation positif de 2 millions d’euros soit une amélioration de 42 millions d’euros par rapport à l’exercice précédent. Des chiffres mis en avant par Hugues Marchessaux qui avait fait du retour à la rentabilité des activités l’un des objectifs majeurs de son plan de retournement. Néanmoins cela ne permet pas à la compagnie de sortir du déficit, avec un résultat net négatif de 11 millions d’euros, résultat de plusieurs événements successifs et contraintes persistantes.
« Ce résultat net négatif s’explique d’abord par la baisse des fréquentations à l’été 2024 pendant les Jeux Olympiques. Ensuite le cyclone Chido a stoppé nos activités commerciales pendant 2 semaines, et à cela s’ajoutent les événements avions », relève Hugues Marchessaux. L’un des deux Boeing 787 de la flotte, dédié à la desserte entre Mayotte et Paris, est toujours dans l’attente d’un nouveau moteur en Espagne, tandis que le second a subi une maintenance lourde qui a duré plus d’une dizaine de semaines. « Pendant deux mois on n’avait pas d’avions pour desservir Mayotte, et on a dû affréter des vols à la compagnie Hifly », raconte le président du directoire.
Mais malgré cette baisse de capacité de 4%, Air Austral a amélioré son chiffre d’affaires d’environ 2% par rapport à l’exercice précédent soit 447 millions d’euros, signe, selon le président, que le modèle économique fonctionne.
De son côté sa « petite-sœur » Ewa Air, qui opère des vols régionaux, s’en sort avec un résultat net positif de 139.593 euros et un chiffre d’affaires de 14 millions d’euros.
Travaux en Petite-Terre ? Nouvel aéroport ? Air Austral dans le flou

A l’aune de ces résultats plutôt encourageants, malgré les difficultés rencontrées, Hugues Marchessaux et Drissa Samaké se tournent vers l’avenir avec l’objectif premier de stabiliser la croissance des compagnies dans la durée. Sur l’exercice passé, Air Austral a transporté 1,16 millions de passagers au total et note une augmentation de son trafic fret de 9% avec 14.100 tonnes transportées. L’été qui arrive s’annonce également particulièrement lucratif pour les compagnies. « Sur les premières tendances depuis le mois d’avril on prévoit 15% de trafic en plus », observe Drissa Samaké, qui a pris la direction générale d’Ewa Air en janvier dernier, « on sent que les Mahorais ont besoin de voyager que c’est nécessaire pour eux, et on sera là pour eux ».
« Les engagements sont plutôt bons, mais le problème c’est qu’il nous faut des moyens pour pouvoir mettre en place ces programmes », alerte Hugues Marchessaux, que ce soit à moyen et long terme. « Depuis le passage du cyclone on a des restrictions d’opérations sur le Boeing 777, on a le droit d’opérer que 6 mouvements par mois, soit trois rotations, c’est très contraignant pour nous. On pouvait les utiliser pour les substituer à nos 787 mais désormais ce n’est plus aussi facile », détaille le président du directoire, qui est obligé de jongler avec les disponibilités pour planifier les prochains mois.
Des contraintes en partie liées à l’état de la piste actuelle qui nécessite des travaux, mais les compagnies aériennes n’ont pour le moment aucune information, ni calendrier sur la maintenance des infrastructures. « On entend parler de la réalisation d’un revêtement de la piste mais on attend avec impatience qu’on nous partage le résultat des études menées pour nous dire vers quoi on se dirige ! Il faut qu’on connaisse l’état de la piste dans le futur, c’est la priorité numéro une car là ça devient compliqué », insiste Hugues Marchessaux, qui souhaite pouvoir prévoir une éventuelle neutralisation partielle ou complète de l’aéroport. Le directeur appuie également sur la nécessité de réaliser des travaux durables sur le site de Marcel-Henry puisque la mise en service d’un nouvel aéroport prendrait une dizaine d’années.

Concernant justement le projet de piste-longue, les compagnies aériennes s’inquiètent également. « Dans quelques années on doit faire des choix sur notre flotte long courrier, il faut donc connaître les contraintes. Actuellement l’Airbus A350 ne peut se pas poser à Mayotte, demain peut-être, mais il faut que cela soit confirmé pour faire le meilleur choix de flotte possible », poursuit Hugues Marchessaux, qui tient à préciser sur le fait « qu’il n’appartient pas à Air Austral de se positionner sur le lieu de construction de la piste longue, nous on demande juste de disposer des infrastructures avec le maximum de capacités pour exercer sans contraintes ».
« On est un acteur économique essentiel pour Mayotte », confie Hugues Marchessaux, « pour le moment on manque de visibilité, mais on veut continuer d’opérer sur le territoire et on va se battre pour le faire ».
Victor Diwisch