Remboursement des loyers : la FSU déplore des blocages administratifs et un non respect du droit

Près de trois ans après la décision du Conseil d’Etat du 22 juillet 2022, qui a estimé que le déplafonnement de l’IRPL devait bien s’appliquer aux enseignants, la FSU déplore toujours des manquements de la part du Rectorat dans le versement des indemnités, notamment en raison de blocages administratifs. Le syndicat a souhaité faire un point sur la situation ce 20 juin.

Pendant des années, les agents de l’État affectés à Mayotte, notamment les enseignants, touchaient une IRPL (Indemnité de Remboursement Partiel des Loyers) plafonnée à un montant fixé à l’époque à environ 25 € par mois. Ce plafonnement, abrogé dès 2013 pour les militaires, continuait à être appliqué aux agents civils de l’Éducation nationale.

FSU, Mayotte
La FSU avait lancé une action juridique en 2018 pour application discriminatoire du plafond

Face à cette situation, la FSU (Fédération Syndicale Unitaire), et en particulier le SNES-FSU Mayotte, a lancé une action juridique en 2018, contestant « cette application discriminatoire du plafond ». Cette mobilisation a abouti à une victoire décisive en juillet 2022 : le Conseil d’État a jugé que le déplafonnement de l’IRPL devait bien s’appliquer aux enseignants, au même titre qu’aux autres agents publics.

Des indemnités non-versées malgré les décisions judiciaires

Suite à cette décision, le rectorat de Mayotte a révisé à la hausse les montants d’IRPL à partir de septembre 2022, mais le versement des montants dus depuis plusieurs années n’a pas été effectué. La FSU a donc soutenu et accompagné les agents dans des recours juridiques individuels, avec l’aide d’un avocat spécialisé. Ces démarches ont permis d’obtenir plus de 40 décisions de justice favorables, contraignant le Rectorat à verser les rappels dus, assortis d’intérêts et de frais.

Malgré ces avancées, le syndicat, et l’avocat militant de la FSU, Maître Weyl, déplorent des obstacles administratifs persistants. Ce 20 juin, l’avocat a plaidé devant le tribunal administratif de Mayotte pour pointer du doigt les lenteurs de traitement des dossiers du tribunal administratif et celles des paiements par le Rectorat aux agents qui ont déjà eu gain de cause par la justice.

Le 21 décembre 2023, le tribunal administratif a annulé une décision du recteur de Mayotte liée à l’application de l’IRPL, et a confirmé que l’administration ne peut plus appliquer le plafond illégal, et ce pour l’Éducation nationale également. Pour les dizaines de fonctionnaires concernés et le syndicat cela pouvait laisser penser à la fin de la bataille. « Suite à cette décision le Rectorat devait donc verser les indemnités, mais il ne l’a pas fait depuis 18 mois ! », insiste pourtant Maître Weyl. « Ce matin, sur une vingtaine de fonctionnaires concernés, il est apparu qu’aucun dossier n’a été réglé. On voit donc que les blocages administratifs et les complications continuent pour le versement complet de ces aides. Par exemple après Chido, le Rectorat a indemnisé les fonctionnaires à hauteur du temps partiel alors qu’ils ne sont pas logés à mi-temps ! ».

Selon la FSU, le rectorat de Mayotte mets en place des obstacles à l’obtention des indemnités

Des obstacles persistants

Des obstacles qui sont persistants depuis plusieurs années, estime le syndicat et cela malgré les décisions judiciaires. Ainsi en mars dernier, en pleine période de congés scolaires, le Rectorat a imposé aux personnels un délai de sept jours pour fournir des quittances de loyer, sous peine de suspension de l’IRPL. La FSU a dénoncé cette procédure comme « inadaptée et injuste notamment dans un contexte local difficile où les démarches administratives peuvent être complexes à mener ».

Par ailleurs, de nouveaux cas d’exclusion sont apparus selon le syndicat, « plusieurs agents ex‑contractuels devenus titulaires se sont vu refuser l’IRPL, malgré un centre d’intérêt matériel et moral (CIMM) établi hors de Mayotte. La FSU est intervenue pour faire valoir leurs droits, obtenant la reconnaissance du problème, sans toutefois qu’une solution concrète soit encore mise en œuvre ».

« Le Rectorat ne veut pas régler les indemnités correctement, avec des années non prises en considération. Selon les cas, l’aide a versé s’étend de 5.000 à 20.000 euros », précise Maître Weyl. « Cela veut dire plusieurs choses : d’un côté que le Rectorat ne respecte pas les décisions du tribunal, de l’autre qu’il ne respecte pas les règles de droit et donc l’état de droit à Mayotte, et pourtant l’Etat doit être exemplaire », ajoute-t-il.

Le contentieux autour de l’Indemnité de Remboursement Partiel des Loyers (IRPL) entre le rectorat de Mayotte et certains syndicats, dont la FSU, mets en lumière les difficultés d’application et d’égalité de traitement entre les agents publics. Et malgré les décisions judiciaires, dont celle du Conseil d’État, les problèmes persistent. Ces incertitudes peuvent nuire à l’attractivité de Mayotte notamment pour les personnels de l’Éducation nationale, dans une période ou le territoire a fortement besoin d’enseignants.

Victor Diwisch

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