Mayotte attend ses baleines… pendant qu’on les chasse encore ailleurs

Alors que les cétacés migrateurs commencent à revenir vers les eaux paisibles du lagon mahorais, une autre réalité vient ternir cette période de contemplation et de fierté locale. L’association Robin des Bois interpelle le président Emmanuel Macron, en visite officielle ce dimanche au Groenland, sur la persistance de la chasse aux baleines dans l’Atlantique Nord. Deux mondes, deux visions du vivant.

À Mayotte, les baleines sont les reines

Chaque année, entre juillet et octobre, les baleines à bosse font leur retour dans le lagon de Mayotte. Après avoir parcouru des milliers de kilomètres depuis l’Antarctique, elles viennent mettre bas et allaiter leurs petits dans les eaux chaudes et protégées de l’île. Pour les Mahorais, cette saison est devenue un moment fort, à la fois touristique, scientifique et symbolique. Les opérateurs spécialisés organisent des sorties en mer pour les observer, dans le respect de règles strictes. L’objectif : « profiter de leur présence sans les perturber ». Un modèle de cohabitation entre humains et cétacés qui inspire aujourd’hui de plus en plus de territoires ultramarins.

Au Groenland, la chasse continue

Au Groenland, la chasse à la baleine continue d’être autorisée (DR)

Mais pendant que Mayotte se prépare à accueillir ses baleines, le Groenland continue de les chasser. Selon les données recueillies par l’association Robin des Bois, 1.915 baleines ont été tuées dans les eaux côtières du territoire entre 2013 et 2023. À cela s’ajoutent 274 orques, 2.457 bélugas, près de 3.000 globicéphales et plus de 4.500 dauphins. Des chiffres jugés « déraisonnables » par l’ONG, même si certaines pratiques sont encore justifiées au nom de traditions locales. La visite d’Emmanuel Macron à Nuuk, capitale du Groenland, en fin de semaine, pourrait être l’occasion d’aborder cette question sensible avec les autorités locales. L’association espère que le président fera entendre une voix forte contre ces pratiques, qu’elle qualifie d’« anachroniques et cruelles ».

Une contradiction avec les engagements européens

L’Union européenne interdit toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de cétacés, ainsi que le commerce de leurs sous-produits. Pourtant, dans certains restaurants de Nuuk, des plats à base de graisse de narval, de baleine boréale ou de rorqual sont encore servis sous le nom de « mattak ». Une contradiction flagrante avec la directive européenne 92/43/CEE, que la France est censée défendre. L’association Robin des Bois interpelle aussi le Premier ministre danois concernant le « Grindadráp », la chasse massive de dauphins et de globicéphales pratiquée chaque année aux îles Féroé, autre territoire du royaume du Danemark.

Le rôle écologique oublié des cétacés 

Une mère et son petit (®MLG)

Au-delà de l’indignation éthique, l’association rappelle que les cétacés jouent un rôle fondamental dans les écosystèmes marins. En stockant du carbone tout au long de leur vie et même après leur mort les baleines contribuent naturellement à la lutte contre le réchauffement climatique. « Les cadavres de baleines coulés au fond des océans créent de véritables oasis biologiques », souligne Robin des Bois, qui milite depuis les années 1980 pour une reconnaissance scientifique et politique de ce rôle environnemental.

Mayotte, modèle d’équilibre à préserver

Face à ces pratiques lointaines, Mayotte apparaît comme un exemple à suivre. Ici, la présence des cétacés est valorisée de manière durable. Les collectivités locales, les associations et les professionnels du tourisme travaillent ensemble pour faire de cette saison des baleines un moment de sensibilisation, de partage et de respect du vivant. 

Bobane Abasse

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