Présent à Mayotte depuis 2012, notamment par le biais de son réseau de délégués et de déplacements fréquents des services centraux, le Défenseur des droits a pu, à plusieurs reprises, souligner les atteintes massives et fréquentes aux droits et libertés fondamentaux dans l’archipel. L’institution a rendu public un rapport en 2020 synthétisant ses analyses, intitulé : « Etablir Mayotte dans ses droits ».

La Défenseure des droits a notamment souligné les carences en matière de scolarisation ainsi que l’insuffisance des moyens humains et matériels dont bénéficie l’école. « Cela entraîne une dégradation considérable des conditions de scolarisation des enfants, certains n’étant scolarisés que quelques heures par semaine ». La lutte contre l’habitat informel souffre également de difficultés importantes avec des manquements dans l’accompagnement social en amont des évacuations, a relevé la Défenseure des droits.
En 2023, la gestion de la crise de l’eau a eu lieu dans un cadre n’ayant pas permis une information et une participation suffisantes du public aux décisions prises, a constaté l’institution. En outre, le service public de la justice est aussi confronté à une pénurie structurelle des personnels participant à son fonctionnement et à des défauts d’organisation.
Respecter les droits fondamentaux

L’article 73 de la Constitution dispose que « dans les départements et les régions d’Outre-mer les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». Si la création d’un droit dérogatoire à Mayotte implique une différenciation qui s’avère dans certains cas nécessaires, Claire Hédon rappelle que de « telles adaptations doivent être proportionnées et ne peuvent constituer une remise en cause des droits fondamentaux ».
Les auteurs du projet de loi de programmation ont introduit des dispositifs dérogatoires (…). Aussi, pour la Défenseure des droits, « ce projet de loi porte atteinte à certains droits parmi les plus fondamentaux ».
Une restriction du droit au séjour pour motif familial
L’article 2 du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte introduit des restrictions majeures au droit au séjour des étrangers, en particulier des parents d’enfants français. En imposant l’obligation de visa de long séjour (…), et en allongeant les délais nécessaires pour l’obtention d’une carte de résident, ce texte accroît considérablement les risques de violations des droits et libertés des étrangers sur ce territoire.
La Défenseure des droits soutient que « la spécificité territoriale invoquée ne saurait justifier une telle dérogation à des principes fondamentaux, notamment ceux de non-discrimination, d’intérêt supérieur de l’enfant et d’égalité ».
Une dérogation dans la lutte contre l’habitat informel fragilisant les personnes évacuées

L’article 10 du projet de loi introduit, pour la première fois, la possibilité au représentant de l’État d’ordonner l’évacuation de quartiers d’habitat informel, sans obligation de proposer un hébergement d’urgence aux occupants. Cette dérogation, valable jusqu’en 2034, repose sur une simple obligation de moyens et se réfère « aux circonstances locales », sans définir avec précision la signification de cette expression, fragilisant les droits des personnes évacuées.
« Adopté en l’état, ce dispositif constituerait un recul majeur des droits fondamentaux, en faisant peser sur les occupants les défaillances de l’État dans le déploiement de sa politique d’hébergement et de logement. En effet, sans mesures d’accompagnement adaptées, ces évacuations risquent d’être inefficaces, conduisant à la reconstitution rapide des habitats informels ».
Dans ces conditions, la Défenseure des droits recommande le retrait de l’article 10 du projet de loi.
La rétention administrative des mineurs

L’article 7 du projet de loi introduit une dérogation au droit commun en autorisant la rétention administrative d’un étranger accompagné d’un mineur. La Défenseure des droits rappelle que « cette mesure, si elle venait à s’appliquer, constitue une atteinte grave aux droits de l’enfant, en contradiction manifeste avec l’intérêt supérieur de ce dernier tel que reconnu par la Convention internationale pour les droits de l’enfant (CIDE). Le caractère dérogatoire de ce dispositif, réservé à Mayotte, accentue l’écart de traitement entre les enfants selon leur lieu de résidence ».
Claire Hédon recommande également de retirer cet article 7.
La convergence des droits sociaux : une nécessité pour l’archipel
Enfin, le projet de loi vise également à garantir l’accès des habitants de Mayotte aux biens et aux ressources essentiels et notamment en permettant l’alignement des conditions de bénéfice des prestations sociales à Mayotte sur celles applicables en métropole. « Le projet de loi va ainsi dans le sens d’une convergence sociale nécessaire pour garantir l’effectivité des droits à Mayotte mais dans des conditions qui restent à clarifier », relève la Défenseure des droits.