Mayotte : priorité à la « reconstruction » économique avant l’emploi des 50 ans et plus

Moins de six Français sur dix âgés de 55 à 64 ans sont en emploi. La ministre du Travail veut en finir avec cette exclusion silencieuse. Mais à Mayotte, la priorité est d’abord à la reconstruction et au développement économique de l'île après le cyclone Chido.

Lors d’une visioconférence de presse organisée lundi 2 juin depuis le ministère du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet a dévoilé les grandes lignes d’une campagne nationale inédite destinée à favoriser l’emploi des personnes de 50 ans et plus. Baptisé « Seniors, le passage à l’action », ce plan repose sur un triptyque clair : changer la loi, changer les pratiques, changer les regards. Objectif affiché : redonner une place pleine et entière aux personnes de 50 ans et plus, sur le marché du travail, dans un contexte démographique et économique tendu.

Un défi national face à l’exclusion des 50 ans et + 

En France, si le taux d’emploi des seniors a progressé depuis les années 2000, il reste nettement inférieur à la moyenne de l’Union européenne, notamment pour les 60-64 ans où 38,9 % d’entre eux sont en emploi en France en 2023, contre 50,9 % en moyenne dans l’Union européenne, 65,3 % en Allemagne et 68,9 % en Suède. Un écart qui révèle, selon la ministre, un « quadruple gâchis » : humain, économique, social et symbolique. « Ce sont des forces contributives qu’on laisse de côté, un savoir-faire qu’on perd, un facteur de sous-activité économique, en France, et un système de protection sociale qu’on fragilise », a-t-elle déclaré en visioconférence, appelant à une mobilisation collective.

CCAS de Labattoir
À Mayotte comme ailleurs, les seniors restent trop souvent en marge du marché du travail. Les intégrer pleinement lorsque cela est possible, c’est aussi changer de regard sur leur rôle et leur place dans une société en reconstruction.

Cette campagne vise à briser les stéréotypes persistants qui pèsent sur les travailleurs expérimentés : manque de flexibilité, obsolescence des compétences, résistance au changement. La ministre a insisté sur la nécessité de former les conseillers de France Travail à l’accompagnement de ces personnes, de favoriser la reconversion via le dispositif « Boost 50+ », et d’inciter les entreprises à signer la nouvelle charte « 50+ », assortie d’engagements concrets.

Un nouveau contrat baptisé « contrat valorisation de l’expérience », devrait aussi voir le jour. Réservé aux demandeurs d’emploi inscrits à France Travail de 60 ans et plus ou dès 57 ans si un accord de branche le prévoit, il prévoit des allègements de charges pour les employeurs et une souplesse de rupture, afin de relancer l’embauche en fin de carrière et donner une visibilité sur la fin de carrière d’un salarié au moment de son recrutement, répondant ainsi à une demande forte des employeurs.

À Mayotte, priorité à la reconstruction après le cyclone

Mais le déploiement du dispositif devra à terme s’adapter aux réalités locales de l’ensemble des départements français. À Mayotte, le passage du cyclone Chido, le 14 décembre 2024, a bouleversé les priorités du territoire. « À Mayotte, la situation est particulière. La population vit un moment d’extrême fragilité. L’heure est d’abord à la reconstruction, et notamment au développement économique et de l’emploi sur le territoire pour tous, que sur la problématique des 50 ans et plus », a souligné la ministre, en réponse à une question sur l’application de la campagne dans les territoires ultramarins.

ASPA, Mayotte, CSSM,
La population de Mayotte est la plus jeune de France. Début 2023, seulement 4 % des habitants de l’île étaient âgés de 60 ans ou plus, représentant près de 13.000 personnes

Ici, le chômage dépasse largement les 30 %, les infrastructures sont endommagées, et les moyens publics sont mobilisés pour les urgences sociales et sanitaires. Par ailleurs, sur le 101ème département français, un habitant sur deux a moins de 18 ans. Le programme national « 50+ » ne sera donc pas mis en œuvre dans sa forme actuelle. À la place, le Gouvernement souhaite s’appuyer sur la dynamique de reconstruction pour offrir une place significative aux Mahorais, y compris les seniors, dans les chantiers, les services, et le tissu économique local. « Il y a une vraie opportunité de redonner du sens au travail en intégrant les habitants à la refondation de leur île. Nous serons au rendez-vous avec l’ensemble des ministères concernés », a assuré Astrid Panosyan-Bouvet.

En effet, alors que la campagne se poursuit dans l’Hexagone, le Gouvernement rappelle l’importance d’adapter les actions aux spécificités de chaque territoire, pour mieux répondre aux besoins locaux. Le projet de loi « Bien vieillir« , qui constitue le socle de cette politique, sera examiné au Sénat à partir du 11 juin, avant d’être débattu à l’Assemblée nationale à la rentrée. Ce texte devra préciser les moyens déployés et les leviers d’action pour répondre, dans toute leur diversité, aux enjeux du vieillissement.

Mathilde Hangard

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