Après Chido, l’économie bleue au cœur de la reconstruction de Mayotte

Le passage du cyclone Chido a brutalement révélé les fragilités d’une infrastructure maritime insuffisamment préparée, appelant une réponse gouvernementale qui dépasse la simple reconstruction.

Le 14 décembre 2024, Mayotte a subi des dégâts considérables après le passage du cyclone Chido. Au-delà des dommages matériels, c’est l’ensemble d’un écosystème socio-économique fragile qui a vacillé. Le Comité interministériel de la Mer (CIMer), réuni dans un contexte de mutations climatiques et géopolitiques majeures, inscrit la reconstruction maritime de Mayotte dans une stratégie globale. Celle-ci entend conjuguer impératifs environnementaux, renforcement des capacités étatiques, et ambitions économiques dans une région marquée par des enjeux géostratégiques complexes.

Reconstruction écologique et économique : un équilibre fragile à préserver

Mayotte, police aux frontières, PAF, ponton, port de Mamoudzou
À Mayotte, le cyclone Chido a révélé l’urgence d’une reconstruction alliant infrastructures résilientes et préservation des écosystèmes marins.

La catastrophe de Chido a renforcé la vulnérabilité accrue de Mayotte face à des phénomènes météorologiques extrêmes et souligne, d’autant plus, une double nécessité : celle de restaurer les infrastructures endommagées, tout en préservant la biodiversité marine singulière de l’île. Dans ce contexte, le Comité interministériel de la Mer a appelé à « mettre en œuvre, sans attendre les actions permettant d’impulser, pour le domaine maritime, la dynamique de reconstruction par le développement de l’économie bleue, la préservation des milieux maritimes et le renforcement des moyens de l’Etat » sur le 101ème département français. Aussi, les acteurs sont invités à redoubler d’efforts pour articuler gestion sanitaire, valorisation des déchets et protection des milieux marins du territoire. En effet, le CIMer estime que la reconstruction de Mayotte ne peut être pensée comme un simple retour à la situation antérieure, mais comme une transition vers un modèle plus résilient, capable d’intégrer les défis posés par le changement climatique et la surexploitation des ressources marines.

Le port de Longoni : un enjeu central de souveraineté et de développement

Solidarité Saint-Martin Moselle, Mayotte, Longoni
L’intérêt stratégique du port de Longoni est au coeur d’une réévaluation institutionnelle

D’après les experts du comité, le projet de transformation du port de Longoni, actuellement en concession, en un port sous la compétence directe de l’État soulève des questions qui dépassent la simple gestion portuaire. Ce transfert, prévu pour 2028, s’inscrit dans une logique de renforcement de la souveraineté étatique sur un point nodal du territoire, essentiel à la circulation des marchandises, au développement économique local, mais aussi à la sécurité maritime dans une zone stratégique de l’océan Indien.

L’expertise et l’audit financier annoncés témoignent d’une volonté de rationaliser les moyens tout en anticipant les mutations économiques et logistiques à venir. Ainsi, le CIMer a pris la décision que le port de Longoni fera l’objet d’une expertise et d’une concertation avec le Conseil départemental de Mayotte et qu’un audit financier du port sera réalisé avant la fin de l’année 2025.

Financements européens et nationaux : des outils au service d’une stratégie complexe

Par ailleurs, dans un contexte budgétaire contraint et une multiplicité d’acteurs, le recours aux fonds européens (FEAMPA, FEDER) et aux crédits nationaux (FSOM, Fonds vert) devient un levier indispensable pour soutenir la reconstruction de Mayotte. Mais au-delà de la mobilisation financière, c’est la gouvernance des projets qui déterminera la réussite de cette transition.

Selon le rapport du CIMer, la coordination entre acteurs locaux, institutions étatiques et partenaires européens devra être exemplaire pour garantir une efficacité et une durabilité des investissements, en particulier dans le retrait d’épaves, la modernisation des équipements portuaires et le remplacement d’équipements non assurés. Cette orchestration souligne d’autant plus l’importance d’adopter une approche intégrée mêlant développement économique, gestion environnementale et renforcement institutionnel.

Commission européenne
Le secteur de la pêche pourrait avoir un temps de répit sur l’adaptation aux normes européennes le temps de se restructurer après Chido

Enfin, le comité s’est engagé à obtenir confirmation auprès de la Commission européenne du report du délai pour établir le plafond capacitaire des navires de pêche de moins de 10 mètres.

L’exemple de la reconstruction de Mayotte post-Chido met en lumière les défis majeurs des territoires ultramarins, particulièrement vulnérables face aux changements climatiques. À Mayotte, l’enjeu maritime est aussi une question de souveraineté et de résilience face à l’avenir.

Mathilde Hangard

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