Pacte asile et migration : la Commission européenne veut faciliter l’application du concept de pays tiers sûr

Dans un communiqué, la Commission européenne propose, ce lundi 20 mai, la mise en place de règles qui faciliteront l'application par les États membres du concept de pays tiers sûr.

Le concept de pays tiers sûr permet aux États membres de considérer une demande d’asile comme irrecevable lorsque les demandeurs pourraient bénéficier d’une protection effective dans un pays tiers considéré comme sûr pour eux. Pour appliquer ce concept, le droit de l’Union exige actuellement que les autorités compétentes en matière d’asile prouvent l’existence d’un lien entre le demandeur et le pays tiers sûr concerné. Séjours de manière prolongée, liens familiaux ou personnels…, il existe plusieurs façons de vérifier l’existence de ce lien avec le pays tiers sûr, mais ce dernier doit démontrer que le demandeur pourrait y être accueilli, y vivre et y demander l’asile en sécurité. Sans cela, un transfert vers ce pays ne peut pas être justifié juridiquement.

Les modifications proposées par la Commission

Commission européenne
Le siège de la Commission européenne à Bruxelles

Ce lundi 20 mai, dans un communiqué, la Commission européenne propose la mise en place de modifications et notamment sur ce principe de vérification du lien, qui faciliteront, selon elle, l’application par les États membres du concept de pays tiers sûr. Le but est « accélérer les procédures d’asile et réduire la pression sur les régimes d’asile, tout en préservant les garanties juridiques pour les demandeurs et en garantissant le respect des droits fondamentaux”.

« La proposition présentée aujourd’hui satisfait à l’obligation qui incombe à la Commission, en vertu du pacte sur la migration et l’asile, de réexaminer l’application du concept de pays tiers sûr d’ici juin 2025 », précise toujours la Commission, l’organe exécutif de l’Union Européenne.

La Commission propose ainsi de lever l’obligation de vérification du lien entre le demandeur d’asile et le pays tiers sûr. « Un lien entre le demandeur et le tiers comté sûr ne sera plus obligatoire. Les États membres peuvent choisir d’appliquer le concept de pays tiers sûr lorsqu’il existe un lien tel que défini par le droit national ».

Ainsi elle ajoute que « le transit par un pays tiers sûr avant d’atteindre l’UE” peut-être considéré comme un « lien suffisant pour appliquer le concept de pays tiers sûr”. Actuellement, aucun pays d’Afrique de l’Est n’est officiellement reconnu comme « pays tiers sûr » par la France ou l’Union européenne dans le cadre des procédures d’asile. Les personnes venant à Mayotte depuis l’Afrique des Grands Lacs ne traversent donc pas de tels pays.

L’objectif est d’externaliser la gestion de l’asile

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Les demandeurs d’asile à Mayotte proviennent de plus en plus de l’Afrique des Grands Lacs, notamment de la RDC et du Burundi, mais aussi de l’Est du continent via la Somalie

Et si ces pays ne sont pas traversés, la Commission est quand même favorable à l’utilisation du concept si des accords existent avec d’autres pays tiers sûr. Par exemple si une personne traverse la Tanzanie pour se rendre à Mayotte, sa demande d’asile pourra être refusée si un accord existe avec pays tiers sûr voisin non traversé, mais seulement si la personne pourra y bénéficier d’une protection effective. « Lorsqu’il n’y a pas de connexion ou de transit, le concept peut être appliqué s’il existe un accord ou un arrangement avec un pays tiers sûr. Cet accord ou arrangement garantira l’examen de la demande de protection effective dans le pays tiers sûr, afin que les demandeurs puissent bénéficier d’une protection si cela se justifie. Cette option ne s’appliquera pas aux mineurs non accompagnés”, indique la Commission.

L’objectif est d’externaliser une partie de la gestion de l’asile, en permettant qu’un autre pays, jugé sûr, examine la demande et accueille la personne si elle mérite une protection. À ce jour, de tels accords n’existent pas entre la France et les pays d’Afrique de l’Est, qui soient juridiquement suffisants pour appliquer ce principe.

« Les pays tiers peuvent être considérés comme sûrs lorsqu’ils remplissent un certain nombre de conditions, telles que la protection contre le refoulement, l’absence de risque réel d’atteintes graves et de menaces à la vie et à la liberté en raison de la race, de la religion, de la nationalité, de l’appartenance à un groupe social ou des opinions politiques, ainsi que la possibilité de demander et de recevoir une protection effective ».

Il appartient maintenant au Parlement européen et au Conseil de marquer leur accord sur cette proposition.

Les demandes d’asile sont d’abord déposées auprès de l’association Solidarité Mayotte, la personne sera ensuite orientée vers la préfecture pour poursuivre ses démarches

« Les pays de l’UE ont été soumis à une pression migratoire importante au cours de la dernière décennie. Avec le pacte sur la migration et l’asile, la Commission, les États membres et le Parlement européen se sont mis d’accord sur un système commun pour mieux gérer cette pression. Le concept révisé de pays tiers sûr est un autre outil destiné à aider les États membres à traiter les demandes d’asile de manière plus efficace, tout en respectant pleinement les valeurs et les droits fondamentaux de l’UE », note Magnus Brunner, commissaire aux affaires intérieures et à la migration

Pour rappel à Mayotte, la procédure de demande d’asile suit des étapes spécifiques, avec plusieurs autorités impliquées à différents niveaux. Ainsi, une personne doit d’abord déposer sa demande d’asile auprès de l’association Solidarité Mayotte, et récupérer un formulaire qu’elle devra ensuite, dans un délai de 7 jours, soumettre à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). L’OFPRA est l’autorité compétente pour instruire les demandes d’asile et décider de l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Les demandeurs d’asiles sont ensuite orientés vers la préfecture pour poursuivre les démarches administratives. En cas de rejet de la demande par l’OFPRA, les demandeurs d’asile peuvent faire appel devant la Cour nationale du droit d’asile.

Victor Diwisch

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