« Mayotte au bord du gouffre », c’est le titre qu’ont choisi les signataires de l’appel adressé dans une lettre au président de la République, ce mercredi 20 mai.

Face à une situation qu’ils jugent « intenable », cinq mois après le passage du cyclone Chido, l’Association des maires de Mayotte (AMM 976), l’Interco 976 (qui représente les 5 intercommunalités de Mayotte), la Confédération des petites et moyennes entreprises de Mayotte (CPME), le MEDEF, la Cellule économique régionale de la construction (CERC), la Chambre de commerce et de l’industrie (CCI), l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), la Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA), et la Fédération mahoraise du bâtiment et des travaux Publics, interpellent le chef de l’Etat sur la nécessité d’obtenir « l’aide promise ». « Monsieur le Président, il est temps que la République tienne parole. L’aide promise doit devenir réalité. Sans cela, vous serez comptable de l’effondrement du 101e département français », insiste la lettre.
Une situation « explosive »
« [Après Chido], les collectivités locales, les entreprises, les associations, les citoyens se sont mobilisés. Sans attendre. Sans moyens. Elles ont réagi avec un sens du devoir et une solidarité exemplaire. Mais cinq mois après, Mayotte s’épuise, lasse des promesses de l’État qui se sont rapidement multipliées, mais qui ne sont toujours pas suivies d’effets ».

Les signataires alertent sur une situation « explosive ». « Les caisses des collectivités sont vides. Après les diagnostics transmis et les travaux engagés, les trésoreries sont épuisées. Les chantiers sont à l’arrêt car les entreprises ont longtemps continué à travailler sans être payées, ce qui menacent des milliers d’emplois. En résulte une montée de la colère, avec des blocages d’institutions comme la CADEMA », constatent « les forces vives politiques et économiques de Mayotte » signataires.
Lors de la visite de Manuel Valls, le 8 avril dernier, le SIDEVAM et la CADEMA avaient en effet fait part de leurs inquiétudes sur la poursuite des opérations de gestion des 6.000 tonnes de déchets après Chido, faute de moyens. Un exemple qui illustre bien la situation. « Le problème c’est que les entreprises qui travaillent avec nous ne sont pas payées depuis quatre mois faute de budget », confiait alors Issoufa Mohamed Mroudjae, vice-président du SIDEVAM. Le syndicat avait demandé au ministre des Outre-mer la réduction des délais sur l’obtention de l’aide financière promise, pour pouvoir continuer son travail. « Même 25% de l’aide pourrait nous aider », estimait Chanoor Cassam, le directeur général des services au SIDEVAM. « L’argent va arriver, l’argent sera là », avait répondu Manuel Valls pour tenter de rassurer les acteurs.
« Aucun engagement traduit dans les faits »
La lettre établit ensuite une liste des visites officielles de ministres à Mayotte ces derniers mois, indiquant que si ces déplacements ont « été perçus comme un signe fort, aucun des engagements réitérés n’ont été traduits dans les faits. Pas un centime des aides annoncées n’a été versé. Pas un engagement financier majeur n’a été tenu ».

Les signataires insistent sur le fait que les 100 millions d’euros du fonds d’urgence pour les collectivités locales n’ont « jamais été versés », les 10 millions du dispositif RESTORE pour les besoins humanitaires et des PME sont « bloqués », les fonds européens de solidarité n’ont pas été concrètement déclenchés, ou bien encore « qu’aucune avancée réelle » sur l’emprunt de 600 millions d’euros garanti par l’Etat via la Banque des territoires n’a été fait.
« Le temps presse. La patience que le ministre des Outre-mer appelait encore en avril est aujourd’hui dépassée. Il ne reste plus que la constance de notre engagement et la gravité de notre alerte. La population mahoraise souffre doublement : des conséquences du cyclone, et de l’inertie de l’État. Cette attente est devenue une injustice. Et cette injustice, une fracture républicaine », déplorent les signataires.
Débloquer les fonds et créer une cellule de suivi post-Chido
« Soucieux de ne pas voir notre territoire sombrer dans l’indifférence, nous venons collectivement vous rappeler l’urgence vitale à faire ce que la situation exige : agir. Immédiatement. Massivement. Dignement. Car laisser Mayotte attendre, c’est mettre en péril l’économie locale, compromettre la scolarité des enfants, rompre la confiance républicaine ».

Les demandent des signataires auprès du président de la République consistent à débloquer, dès ce mois-ci et de façon effective les fonds promis, créer une cellule interministérielle de suivi spécifique post-Chido, et porter un engagement clair sur les modalités et les échéances de mise en œuvre de l’ensemble des aides annoncées.
« Mayotte ne demande pas la compassion. Elle demande le respect. Le respect de ses engagements. Le respect de ses habitants. Le respect de sa place dans la République. Nous avons fait notre part. Il est temps que l’État fasse la sienne… », conclut la lettre.
Victor Diwisch