On le sait, dans un territoire marqué par une pression démographique forte, une urbanisation rapide et une crise du logement persistante, l’accession à la propriété constitue une priorité avec un attachement particulier pour bon nombre de ménages mahorais. En effet, cela participe à la fois à la sécurisation du cadre de vie mais aussi à l’intégration sociale. Or à Mayotte les freins sont nombreux pour accéder à la propriété qui demeure encore marginale sur ce territoire. Ce colloque a ainsi tenté d’explorer les enjeux de l’accession à la propriété à Mayotte à travers 3 tables rondes dont les thématiques étaient d’une part de voir quels sont les freins de l’accession à la propriété à Mayotte. D’autre part, d’analyser quels sont les modèles d’habitat mahorais adaptés aux us et coutumes. Et enfin d’étudier les perspectives pour l’accession à la propriété à Mayotte.
« A Mayotte le coût de la construction est 44% plus cher qu’à Paris ! »
Lors de la première table ronde sur les freins d’accès à la propriété, l’ensemble des intervenants étaient unanimes : le coût de la construction est exorbitant. « Cela dépasse l’entendement ! c’est un véritable problème », a indiqué le directeur de la SIM, Ahmed Ali Mondroha. « A Mayotte le coût de la construction est 44% plus cher qu’à Paris, et 25% de plus qu’à La Réunion. Il nous est ainsi difficile de mettre en place des projets d’accession sociale car les coûts sont beaucoup trop élevés. Songez qu’en 2 ans les prix de la construction ont augmenté de 40% et que depuis Chido la tôle, elle, a augmenté de 35-40% en 5 mois. Ce n’est pas possible, je ne comprends pas ! ». Et ce n’est malheureusement pas le seul et unique problème. Vous rajoutez à cela la rareté du foncier aménagé, les difficultés de régularisation foncière, les textes de loi sur l’accession sociale non adaptés au contexte local, ou encore des dispositifs de financement complexes ainsi que les difficultés d’accès à des assurances, et vous obtenez les principaux freins à l’accession à la propriété selon le directeur de la SIM.
Et la question du foncier est au centre des préoccupations. D’après le directeur de l’Epfam (Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte), Yves-Michel Daunar, il faudra construire pour 2050 entre 120.000 et 130.000 logements à la fois sociaux et collectifs. Le problème est donc de taille. Pour cela les différents opérateurs et organismes vont devoir proposer des logements à des prix plus que raisonnables pour une population dont le salaire médian tourne autour de 500 euros par mois. « Nous devons proposer des logements abordables… avec des aides et des subventions pour l’auto-construction ou encore louer du foncier à ces populations pour la construction d’habitat », a ainsi plaidé le directeur de l’Epfam.
Pour Juliette Ravoay (CERC), Mayotte à d’autres spécificités… « Il faut tout importer notamment pour la construction ce qui crée des problèmes de logistique et de maitrise des coûts ». Sans compter, et on l’a malheureusement vu avec Chido, l’adaptation aux catastrophes naturelles. « Il faut adapter les normes aux conditions climatiques, ce qui n’est pas simple puisqu’elles ne sont pas les mêmes qu’à La Réunion et encore moins qu’à Paris…Il y a aussi la complexité administrative qui ralentit les projets, les délais de paiement qui sont beaucoup trop longs, ou encore l’absence de main d’œuvre qualifiée. Mayotte ne garde pas ses cerveaux, il faut faire en sorte qu’ils restent ».
L’arrivée d’un nouvel opérateur : Hippocampe habitat

L’idée était dans les tuyaux depuis déjà quelques temps mais le projet n’avait pas pu aboutir pour des raisons administratives, juridiques, … Ainsi un nouvel opérateur a été créé, Hippocampe habitat, en complément et non en concurrent de ceux déjà existants comme la SIM ou AL’MA. Pour son nouveau président, Ali Moussa Moussa Ben, il y avait nécessité d’agir pour transformer et aménager le territoire, faciliter l’accès aux financements, réhabiliter l’existant, mais aussi construire autrement en s’adaptant au local et au climat.
« Hippocampe habitat est un nouvel opérateur, nous y pensions depuis 3 ans mais il avait du mal à voir le jour…Cette société a été créée pour traduire de façon opérationnelle les idées et la stratégie en matière d’habitat de la CCSud comme les projets de ZAC ou de RHI par exemple », nous expliqué Ali Moussa Moussa Ben, par ailleurs président de la CCSud. C’est en quelque sorte une coopérative HLM qui va permettre le développement de l’accession sociale à la propriété avec de vrais propriétaires. « Concrètement on cherche du foncier, et nous en avons déjà ciblé plusieurs…, où l’on va vendre les maisons que nous allons construire ».
Pour lui, la reconstruction et la refondation de Mayotte sont une priorité, a fortiori après Chido. Hippocampe habitat compte ainsi proposer des logements sûrs et durables adaptés à un environnement et à des ressources spécifiques. « L’accès à la propriété est devenu une nécessité…mais elle doit être graduée et progressive en fonction des capacités et des besoins des ménages mahorais. L’objectif de ce colloque est ainsi de proposer des solutions claires avec une feuille de route concrète et opérationnelle ».

A l’issue du colloque un partenariat a été signé entre Ali Moussa Moussa Ben, représentant également de l’association Interco 976 (regroupant l’ensemble des intercommunalités de Mayotte), et Emmanuelle Cosse, la présidente de l’Union sociale pour l’habitat, afin de mener un travail approfondi et durable sur les problèmes de logement à Mayotte. « Nous devons être solidaires des Mahorais après Chido et donner des solutions pour qu’ils accèdent à la propriété. Nous devons avancer sur cette question essentielle de l’accès au logement en offrant des habitations adaptées aux besoins des familles mahoraises », a déclaré Emmanuelle Cosse.
B.J.