Après le passage du cyclone Chido, le 14 décembre dernier, Alain Chartier, ses deux fils et ses chevaux, se sont sentis bien seuls au Centre équestre de Mayotte à Hajangoua, sur la commune de Dembéni.

La force des vents et la pluie ont causé d’énormes dégâts matériels et ont mis fin à toutes les activités du centre, l’unique en son genre à Mayotte. Sans revenus et avec une seule aide perçue de 6.000 euros sur des dégâts évalués à 300.000 euros, la situation devenait critique pour la survie du centre qui rencontrait déjà des difficultés économiques ces dernières années.
Cinq mois plus tard, ce 19 mai au matin, la venue des volontaires stagiaires du RSMA et des agents de la CADEMA pour nettoyer et reconstruire le parc de 4 hectares, suite à une « musada », un appel à la mobilisation citoyenne lancé par le Centre, est un véritable rayon de soleil pour l’homme de 79 ans. En quelques heures seulement, le terrain obstrué par une végétation envahissante et de nombreux débris lui donnant une allure de friche, retrouve sa convivialité avec ses balançoires et la déambulation des chevaux. Cette journée a surtout permis la sécurisation du centre avec l’installation d’une nouvelle clôture pour empêcher les animaux de s’enfuir, et protéger les installations.
« Mon seul but c’est que les chevaux continuent à Mayotte »

« 40 boxes se sont envolés à cause du cyclone, les dortoirs ont été détruits comme la zone du camping, les toitures ont été endommagées, on a perdu six chevaux au total, dont le principal étalon », liste Alain Chartier, alors que la fumée des feux de brûlage des débris sature l’air. « On a fait quelques travaux de notre côté en commençant par la toiture de l’accueil, cela nous a permis de reprendre quelques activités périscolaires ces dernières semaines, mais mon personnel est toujours en chômage partiel. On va reprendre petit à petit en fonction de la reconstruction, mon seul but c’est que les chevaux continuent à Mayotte ! », insiste l’éleveur qui se bat depuis 12 ans à Mayotte pour offrir à la population des activités équestres et transmettre la passion du cheval.

« Quand je suis arrivé à Mayotte les chevaux mourraient tous à cause des maladies, ils n’étaient pas adaptés à l’environnement. J’ai du relancer le projet, et l’élevage qui comptait quatre chevaux en compte désormais quarante. Moi j’ai bientôt 80 ans, j’ai été sonné ces dernières années ça n’a pas été facile, mais il ne faut pas que ça s’arrête », ajoute Alain Chartier, en faisant référence à l’insécurité dans la commune de Dembéni et aux barrages qui ont miné ses activités. « Le Centre équestre fonctionne économiquement quand les conditions sont réunies, mais c’est Mayotte le problème, ça ne va pas, on ne peut pas faire perdurer une activité dans le temps ».
Un site emblématique à sauver

Lunettes de soleil sur le nez et casquette sur la tête, Zawaly, 24 ans, participe activement au nettoyage du parc. Fils adoptif d’Alain Chartier, avec qui il apprend depuis 12 ans à s’occuper du centre et de ses chevaux, le jeune homme, véritable passionné, a hâte de relancer les activités sur le site, dont il pourrait reprendre avec son frère l’exploitation. « Des familles viennent avec leurs enfants pour voir les poneys mais on ne peut pas les accueillir dans ces conditions, c’est dommage. Il faut rouvrir au plus vite car c’est un endroit important dans le secteur pour les habitants. On avait vraiment besoin de cette aide aujourd’hui », confie Zawaly avant de se remettre au travail.
« Ce lieu est emblématique de Mayotte, il fait partie du patrimoine du territoire. Le Centre organise beaucoup d’évènements et c’est très important de le préserver, d’autant plus dans ce contexte de relance du tourisme après Chido », insiste Salimini Inaya, présidente de l’office de tourisme intercommunal Dembéni-Mamoudzou qui a participé aux travaux. « Que ce soit pour les loisirs, pour les écoles, pour les touristes, tout Mayotte vient ici, ce lieu est très important et on se devait de le soutenir ».

Eliamoune Bacar, 25 ans, et Ali Abdourahamane, 20 ans, tous les deux volontaires stagiaires au RSMA, débroussaillent le terrain à l’aide de machettes. Les deux jeunes hommes connaissent le site depuis plusieurs années et ont conscience de l’importance de le sauver. « Avant Chido c’était bien ici il y a de nombreuses activités, et on est contents de participer à sa réouverture« , affirme Eliamoune Bacar. « Surtout que c’est le seul endroit comme ça à Mayotte« , renchérit Ali Abdourahamane.
A côté d’eux, les chevaux ne semblent pas embêtés par les travaux. Ils continuent à brouter machinalement sous les regards amusés des volontaires. Malgré le cyclone, le Centre équestre a vu naître trois poulains, facilement repérable avec leurs poils frisés. L’un d’eux a été prénommé Chido par Alain Chartier, un brin ému à ses côtés. « C’est la relève ! », lance l’éleveur en laissant échapper un sourire. Une courte phrase, mais pleine de sens.
Victor Diwisch