Manuels Valls était auditionné ce mardi 13 juin en Commission des lois du Sénat, comme il le sera par les trois autres commissions mobilisées, Affaires économiques, Affaires sociales et la Commission des Finances, sur le Projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte (PLPRM).
C’est un éclairage sur l’ambition des projets de loi organique et PLPRM qui était attendu. En préambule, la présidente de la Commission, Muriel Jourda, ne manquait pas d’interroger le ministre sur le traitement des « 5.000 à 10.000 mineurs isolés (…) dont le poids dans la délinquance est très élevé », alors que « les services de l’aide sociale à l’enfance (du Conseil départemental, ndlr) sont saturés », et qu’aucune mention n’est faite à ce sujet par le projet de loi pour la refondation. « Que compte-t-on faire de ces mineurs dont certains ont de la famille aux Comores ? », en suggérant une convention bilatérale avec les Comores.
C’est par l’anaphore « Nous n’avons pas laissé tomber Mayotte », que Manuel Valls commençait son discours, en la justifiant à chaque reprise, « je me suis rendu sur place à quatre reprises en quatre mois », « le Parlement a adopté une loi d’urgence promulguée le 24 février dernier », « j’échange très régulièrement avec les élus de Mayotte », « la mission du général Facon est quotidiennement à la tâche pour accélérer la reconstruction de l’île et penser sa refondation ». Ce dernier point fera l’objet d’une « stratégie quinquennale » qui lui sera présentée « la semaine prochaine ».
Mayotte ou « la promesse républicaine »

En ce qui concerne la 1ère phase de rétablissement des urgences vitales, Manuel Valls faisait un aparté sur sa précédente alerte sur les risques de pénurie d’eau potable qui semblent s’éloigner, puisque le taux de remplissage des deux retenues collinaires « s’est amélioré en fin de saison des pluies ». Il ne faut pas s’en contenter selon le ministre qui, à plusieurs reprises a affirmé l’intention de l’Etat de ne pas se baser pour la (re)construction sur les capacités du territoire d’avant Chido : « Il est hors de question de se contenter d’un travail de reconstruction qui ferait revenir, au mieux, à la situation très insatisfaisante de l’avant Chido et nous n’honorerions pas la promesse républicaine ».
Si la phase de gestion des urgences vitales est « clairement terminée », grâce aux « services de l’Etat, élus, parlementaires », « les enjeux de l’eau, de la gestion des déchets, de l’école et des déplacements entre Petite-Terre et Grande-Terre, restent criants ».
La 2ème phase, celle de la (re)construction est en cours, avec le bataillon de reconstruction de 326 militaires, les chantiers des immeubles d’habitation pour répondre à la destruction du cyclone, et le soutien financier, égraine le ministre en mettant l’accent sur les différentes mesures, fonds d’amorçage de 100 millions d’euros pour les collectivités, fonds de secours outre-mer, aides à l’agriculture, 1.311 demandes d’activité partielle, compensées à hauteur de 9 millions d’euros, etc.
La 3ème phase de la refondation s’ouvre avec ce projet de loi qui commence son parcours législatif. Pour résumer le propos du ministre, les mesures qu’il contient doivent redonner un nouveau socle et réparer les laisser-aller qui ont laissé Mayotte s’enfoncer. Manuel Valls parle lui-même de « sous-développement des infrastructures économiques et des services publics », pour lequel il n’évoque pas de désengagement passé de l’Etat, mais plutôt de « deux fléaux » responsables : « l’habitat illégal et l’immigration clandestine ». Pourtant, les trois facteurs sont au cœur du sous-développement mahorais…
Doublement du budget en vue

Le projet de loi de 34 articles a été élaboré « en totale concertation avec les élus et la société civile » ce qui a permis « d’enrichir ou de modifier le texte », notamment sur l’article de la DUP, « dont le champ a été considérablement restreint à la demande des élus ». Actant ainsi un changement de méthode avec le projet de loi de 2022 pour ne pas chuter sur la ligne d’arrivée.
Le ministre était très attendu sur le sujet sensible de la budgétisation et des moyens financiers mis en œuvre, notamment sur le périmètre des investissements soulevé par le Haut conseil des finances publiques et par le sénateur Omar Oili. S’agit-il de reconstruction des dégâts immobiliers, scolaires, sanitaires, etc. d’après Chido, ou de mettre en place des infrastructures dont il évoquait le sous-développement ? Et bien les deux mon général ! Puisqu’il s’agit des priorités de l’Etat pour « garantir la reconstruction et la refondation du territoire ».
C’est-à-dire que, aux infrastructures prévues au projet de loi pour la refondation, 2ème hôpital, 3ème retenue collinaire, etc., programmés pour 3,2 milliards d’euros sur 7 ans, c’est-à-dire environ 500 millions par an, il faut rajouter les dégâts-Chido évalués par la mission inter-inspection – dont le sénateur a obtenu le rapport – qui en chiffre la réparation à 3,5 milliards d’euros, soit 6,7 milliards d’euros au total comme le mentionne Saïd Omar Oili. Un chiffrage global que n’a pas mentionné Manuel Valls, qui pour l’instant indique « il faudra san doute affiner et compléter cette partie de programmation financière au cours du débat parlementaire ». Un petit complément qui double la mise initiale…
Une unité familiale pour les mineurs isolés

En matière d’infrastructures, ça semble acté, comme l’a indiqué le président de la République à Mayotte, « la piste longue sera réalisée en Grande-Terre », ce qui « recueille l’assentiment d’une large majorité d’élus », mentionne le ministre des Outre-mer, qui rajoute que les études de la DGAC leur sont transmises.
Nous ne nous étendrons pas sur le contenu du projet de loi que nous avions diffusé, repris par le ministre sur les grands chapitres, lutte contre l’immigration clandestine et l’habitat illégal, « qui est aussi une question d’effectifs » des forces de l’ordre, « nous montons en puissance », mais aussi « de rapport plus ferme avec les Comores », et de « resserrement de notre arsenal juridique ».
Répondant à la présidente de la commission sur la gestion des mineurs isolés, la solution préconisée et rapportée plus haut, ne peut être mise en place qu’avec la certitude que « ces mineurs disposent encore d’une famille aux Comores », mais la création d’une « unité familiale pour accueillir les mineurs avant leur retour aux Comores » pourrait être « une première réponse », indiquait Manuel Valls.
Sur la convergence sociale prévue initialement en 2036, l’article 15 permettrait d’en accélérer l’échéance « au plus tard en 2031 ».
Le ministre assurait en conclusion de « l’engagement sans failles du Gouvernement pour l’archipel ». On peut convenir qu’il n’aura pas éludé les questions qui font l’actualité chaude de nos colonnes.
Anne Perzo-Lafond