Assis à l’ombre d’un arbre près du rond-point du Four à Chaux, à Dzaoudzi, les pêcheurs observent les engins de chantier manipuler la roche qui servira de fondation à la nouvelle rampe de mise à l’eau. Prévue pour le mois de juillet, l’infrastructure sera couplée à un ponton de 80 mètres comportant une partie sur pieux et une partie flottante pour s’adapter aux marées. Le renforcement de l’enrochement du quai pour lutter contre l’érosion complétera les travaux de modernisation de la zone qui ont débuté en 2023 avec la construction de la halle à marée.

« On est content de ce projet qu’on attendait depuis longtemps », remarque le représentant des pêcheurs de Petite-Terre, Massoundi Yanis, présent au lancement officiel des travaux par la Communauté des communes de Petite-Terre, ce mercredi 7 mai.
« Sans ponton on doit marcher dans la boue avec notre matériel pour accéder à nos bateaux et à marée basse c’est difficile de rejoindre le lagon. Le seul souci pour moi c’est que le port n’est pas assez protégé, et Chido nous a montré que la priorité ça doit être la mise à l’abri des bateaux ».
« Grâce à cet ouvrage les pécheurs pourront amarrer plus aisément et ensuite vendre leurs produits. Il y a une vraie cohérence à installer cet équipement ici à côté de de la halle à marée », se réjouit Abassi Archadi, président de la Communauté de communes de Petite-Terre (CCPT), qui espère une ouverture prochaine de la halle, lieu de transformation des produits de la mer.

Des installations dédiées à l’ensemble des acteurs de la mer
Cette seconde phase de modernisation s’élève à plus de 3 millions d’euros, et elle est financée à 80% par l’Etat, 16% par le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), et 4% par la CCPT. Un investissement important de la part de l’Etat car, au-delà de structurer la filière pêche, les installations vont bénéficier à l’ensemble des acteurs de « l’économie bleue », un concept qui désigne toutes les activités économiques liées aux océans, mers et zones côtières, et qui visent à exploiter durablement les ressources marines tout en préservant les écosystèmes.
Ainsi les plaisanciers, les croisiéristes et les clubs de sports nautiques auront accès aux équipements ce qui permettra de développer le tourisme et les activités scolaires. La rampe de mise à l’eau est aussi construite pour permettre aux barges d’accoster directement au Four à Chaux, dans l’objectif d’améliorer les échanges avec Grande-Terre.

« Il y aura des liaisons vers Mamoudzou, mais aussi Dzoumogné et Iloni, où des projets sont en développement« , précise Abassi Archadi.
« L’économie bleue est au centre de nos préoccupations ici en Petite-Terre et c’est aussi la raison pour laquelle le Conseil départemental et l’Etat s’inscrivent dans cette démarche », ajoute le président de la CCPT, « le CD est en train de mettre en place un certain nombre de formations maritimes à Dzaoudzi, et l’État construit actuellement le lycée des métiers de la mer sur la zone des Badamiers« .
Les pêcheurs faces aux normes européennes
Mais pour Massoundi Yanis il reste du travail à faire concernant la structuration de la filière pêche. « Développer les ports c’est une très bonne chose, mais il faut des bateaux qui vont avec. Nos enfants qui vont faire leurs études dans les formations ne vont pas monter dans des bateaux qu’on a actuellement et qui ne sont pas aux normes européennes. C’est tout le système de la pêche qu’il faut changer », alerte celui qui est actif dans le milieu depuis plus de 20 ans.

« On a le droit à une aide de 30.000 euros de l’Etat pour acheter de nouveaux bateaux, mais ce n’est pas suffisant, ils coûtent deux à trois fois plus cher. Il faut accompagner le pêcheur jusqu’au bout car en réalité à Mayotte on n’a pas de filière, on fait de la pêche d’abord pour pouvoir se nourrir ». Avec les embarcations actuelles, la plupart achetées aux Comores et sur le continent africain, même avec une carte grise, les pêcheurs s’exposent à des arrestations. « On avait 350 bateaux de pêche à Mayotte, désormais tout en essayant de s’adapter, il n’y en a plus que 150 », déplore Massoundi Yanis.
Victor Diwisch