Depuis maintenant plusieurs semaines nous faisons régulièrement l’écho des travaux menés par la délégation sénatoriale aux Outre-mer concernant la vie chère dans les territoires ultramarins. Comme l’a rappelé Micheline Jacques, la présidente de la délégation, lors d’une conférence de presse ce jeudi, « ce sujet est au cœur des préoccupations quotidiennes des ultramarins ». Ainsi, trois grandes catégories ont été identifiées : les produits du quotidien et alimentaires, les dépenses liées à l’automobile, et enfin le fret maritime et aérien. Les six rapporteurs ont ainsi formulé pas moins de vingt-quatre recommandations en vue d’alimenter un projet de loi contre la vie chère en Outre-mer qui sera déposé par le ministre Manuel Valls devant le Parlement en mai, car selon la sénatrice de Saint-Barthélémy, Micheline Jacques, « on ne peut plus se contenter de pansements, il faut des remèdes ! ».
Mettre en place un plan d’action global et structurel

Afin d’établir son rapport, les six sénateurs de la délégation ont auditionné une cinquantaine de personnalités du privé comme du public. « Nous avons pu ainsi dégager des propositions transversales et opérationnelles ainsi que des recommandations porteuses d’évolutions plus profondes pour un modèle de développement des Outre-mer », a indiqué la présidente de la délégation aux Outre-mer. Pour Viviane Artigalas, rapporteur de la délégation sénatoriale aux Outre-mer, les territoires ultramarins sont touchés par un effet ciseaux… « Les prix sont plus élevés qu’en métropole alors que les revenus sont plus faibles et qu’il y règne en plus une grande pauvreté. L’alimentaire ne se situe pas dans la vie chère mais dans l’extrême vie chère ». Les rapporteurs se sont ainsi intéressés aux causes de ces écarts de prix. Selon eux cela serait dû d’une part à un « éparpillement sur l’ensemble de la chaîne de formation des prix », mais aussi bien sûr à l’octroi de mer, et surtout à un abus de position dominante de certaines entreprises constituées en oligopole, « avec une concentration verticale accrue gonflant les marges artificiellement ». Pour les rapporteurs, il faut dans un premier temps « rétablir la confiance par une juste transparence », puis « atténuer l’impact de l’éloignement », ensuite « optimiser les taxes à la consommation », « garantir la concurrence », et enfin « transformer le modèle économique des territoires ultramarins pour créer de la richesse ».
Octroi de mer ou octroi des maires… ?
Souvent décrié, l’octroi de mer est pourtant une mesure « essentielle à l’équilibre des DROM », selon Dominique Théophile, rapporteur de la délégation sénatoriale aux Outre-mer et sénateur de la Guadeloupe. « Il ne faut pas la retirer, elle fait partie des instruments de la production locale ». Il faudrait d’après lui simplement la réformer en « la rendant déductible sur les biens importés » ce qui permettrait, toujours selon le sénateur de la Guadeloupe, « de faire baisser les prix de 3%. Il conviendrait aussi de baisser les différents taux ainsi que ceux sur les produits de première nécessité via un protocole… ». Enfin, le rapport propose de subdiviser l’octroi de mer en deux taxes : une taxe de consommation régionale et l’autre en octroi de mer, « afin de maintenir en concurrence la production locale ».
Le carburant

Concernant la fiscalité sur le carburant, les rapporteurs avertissent que d’ici deux ou trois ans les prix risquent sérieusement d’augmenter dans les territoires ultramarins, notamment à cause de la réforme du Certificat économique d’énergie (CEE), mais aussi par la taxe carbone européenne. Rien qu’avec ces deux mesures « les prix pourraient grimper de 22 centimes par litre ». Les rapporteurs préconisent donc d’écarter les DROM de la réforme du CEE et de réviser la directive européenne sur la taxe carbone afin de préserver les territoires ultramarins de cette forte hausse du prix des carburants.
Atténuer l’impact de l’éloignement des DROM avec l’Hexagone
C’est l’un des objectifs des recommandations formulées par le rapport de la délégation sénatoriale aux Outre-mer : assurer la continuité territoriale. Les rapporteurs suggèrent ainsi d’engager un grand plan de modernisation des infrastructures portuaires, aéroportuaires et aussi douanières pour « accroître la compétitivité de ces territoires ». Ils recommandent également de mettre en place une aide au fret « anti vie chère » afin d’assurer une baisse du coût du fret sur les produits de première nécessité comme l’eau minérale ou les pâtes par exemple. D’autres mesures ont été évoquées comme le développement du commerce en ligne, le renforcement de la coopération régionale avec des pays développés (adaptation des normes sur les produits et les étiquetages…), la revalorisation de la prime d’activité ou encore la transformation du modèle économique des territoires ultramarins en un nouveau modèle créateur de richesses.
Enfin la délégation sénatoriale a déposé une proposition de résolution européenne concernant les normes et les échanges régionaux pour les territoires d’Outre-mer. « Cela concerne déjà les matériaux de construction… mais nous voulons l’étendre aux produits de première nécessité, à l’énergie et au traitement des déchets notamment », a conclu Micheline Jacques.
B.J.