Saïd Omar Oili veut lever le voile sur la gestion catastrophique de l’accès à l’aide humanitaire

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a organisé une conférence de presse ce jeudi. L’objectif était de comprendre pourquoi l’accès à l’aide humanitaire à Mayotte est-il toujours aussi difficile plus de trois mois après Chido.

Nous en avons parlé à plusieurs reprises dans les colonnes du JdM : Pourquoi les containers d’aide humanitaire envoyés par de nombreuses associations et ONG sont-ils encore désespérément bloqués au port de Longoni ? Et ce au détriment des Mahorais qui eux sont en souffrance et dans le besoin. C’est lors d’une conférence de presse, organisée au sein du Sénat, que le sénateur de Mayotte, Saïd Omar Oili, a voulu mettre en lumière les freins qui bloquent l’accès à l’aide humanitaire. Pour cela, il a donné la parole à plusieurs intervenants, dont notamment Brieuc Le Bever, membre de la ligue mahoraise d’haltérophilie et de musculation, qui a déploré que les containers humanitaires, tant attendus, soient toujours bloqués au port depuis plus d’un mois maintenant.

Des taxes incompréhensibles sur des containers d’aide humanitaire !

Chido, Mayotte, port
Plusieurs associations craignent de ne pouvoir faire sortir leurs containers de dons du port

« Notre container est parti le 5 janvier de métropole et est arrivé au port de Longoni le 18 février. Cela fait plus d’un mois que nous essayons de le récupérer… Au départ on nous demandait 3.800 euros maintenant c’est 5.800, sans compter les frais de douane de 1.000 euros et des frais de retard qui s’élèvent à 1.800 euros ! Notre association de peut pas payer de telles sommes ». En outre, il s’interroge sur la mise en place de telles pratiques… « A Saint-Martin, lors du passage de l’ouragan Irma, il n’y avait pas de frais pour les containers d’aide humanitaire et les dons envoyés dans l’île. Nous avons pris contact avec la préfecture, le port, le Conseil départemental … tout le monde se renvoie la balle et en attendant les containers ne sont pas débloqués. Vais-je être condamné pour abandon d’un container au port parce que nous ne pouvons pas nous acquitter des sommes demandées ? », s’inquiète-t-il.

Concernant les sommes demandées pour débloquer les containers beaucoup d’associations s’interrogent sur la légalité de cette pratique puisque selon Jean-Luc Cyprien, président de l’ONG « Outre-mer solidarités catastrophes », normalement, il ne devrait pas y avoir de taxes douanières et d’octroi de mer pour les zones sinistrées… « Nous avons interrogé le général Facon, le préfet Jacob, ou encore Manuel Valls mais nous n’avons toujours pas eu de réponse. Nous demandons que le ministère des Outre-mer mette en place des mesures d’assouplissement pour faciliter la récupération des containers afin que nous puissions les mettre à disposition des Mahorais qui en ont besoin ».

Des délais d’acheminement excessivement longs

Le 23 décembre dernier l’ONG « Outre-mer solidarités catastrophes » avait lancé une grande collecte nationale en faveur de Mayotte. Un premier container est parti de métropole le 11 janvier et un autre le 18 janvier, ils n’arriveront, semble-t-il, qu’aujourd’hui, vendredi 28 mars, selon le président de l’ONG. Comment expliquer ce laps de temps aussi long alors qu’il y a urgence ? Mais pas pour le Gouvernement et l’État a priori… « Nous rencontrons de nombreuses difficultés pour acheminer les containers d’aide humanitaire au port de Longoni alors que la situation à Mayotte est catastrophique. Nous n’avons eu aucune réponse de la part du ministère des Outre-mer et du Gouvernement concernant le blocage des containers au port de Longoni et la difficulté de leur acheminement », déplore Jean-Luc Cyprien.

Le délai pour acheminer l’aide humanitaire à Mayotte est beaucoup trop long (DR)

Et de s’insurger contre le fait qu’il y a des tonnes de denrées alimentaires qui sont en train de pourrir au port, sans compter les nombreuses bâches, envoyées par les associations et tant attendues par les familles mahoraises, qui restent bloquées au port. Mais aussi les denrées non périssables comme les produits pour bébé, d’hygiène, de l’eau ou encore du matériel médical…

Tout cela est présent au port mais les autorités ne bougent même pas le petit doigt pour que cela sorte. « Tous les jours je reçois des coups de fil d’associations qui me disent : on ne sait plus quoi faire ! Les gens ont dorénavant peur d’expédier des dons alors que la situation est dramatique », se lamente l’élu du palais du Luxembourg. Il est en effet aberrant qu’on ne demande rien aux associations qui envoient de l’aide humanitaire en Ukraine par exemple, alors que pour Mayotte, département français, cela pose de nombreux problèmes et difficultés. Et ceci est d’autant plus choquant que les rayons des magasins étaient vides (ils le sont un peu moins maintenant), et que les élèves manquent de fournitures scolaires alors que des containers sont toujours bloqués au port, bourrés de matériel et d’aide humanitaire dont les Mahorais ont besoin.

L’État toujours aux abonnés absents, circulez y’a rien à voir !

C’est en substance ce que le Gouvernement aurait répondu au sénateur Said Omar Oili lorsque ce dernier l’avait justement interrogé sur ce sujet : circulez y’a rien à voir ! « La réponse du Gouvernement est en total décalage par rapport à la réalité, il n’y a pas de réponse rapide ». « Je suis surprise d’être ici, en conférence de presse, pour parler des difficultés d’accès à l’aide humanitaire pour un département français », a par ailleurs indiqué la sénatrice Annie le Houérou. En effet, selon elle c’est aux autorités locales de faire leur travail … « Elles doivent regarder ça de plus près, voir où cela bloque, cette situation n’est pas normale », a-t-elle lancé.

Mayotte, Valls, VO, Préfet, outre-mer,
Le sénateur attend toujours des réponses de la part du ministre des Outre-mer et de l’État

Tout le monde est étonné de cette situation d’autant plus que cela fait maintenant pus de 3 mois que le cyclone a dévasté l’île et rien ne bouge ! Les élus, les représentants de l’État, chacun considère que ce n’est pas de son ressort. Le Conseil départemental indiquant encore récemment, lors de son assemblée plénière, qu’il faut passer par les ONG partenaires du Département pour que les containers puissent être débloqués rapidement. Ou encore le préfet de Mayotte expliquant il y a quelques semaines qu’il ne pouvait pas réquisitionner… alors que selon Saïd Omar Oili, « il a le pouvoir de donner l’autorisation pour lever les containers afin qu’ils soient enlevés ». Quant au ministre des Outre-mer, il est lui aussi aux abonnés absents puisque élus et associations sont toujours en attente de réponses.

Va-t-il falloir mener une commission d’enquête pour lever le voile sur cette gestion calamiteuse de l’accès à l’aide humanitaire pour les Mahorais suite au passage de Chido ? Par ailleurs, quid du fonds de secours concernant Mayotte après Chido alors que seulement quelques jours après le passage de Garance à La Réunion, Manuel Valls annonçait le déblocage de 200 millions d’euros en faveur de l’île Bourbon ? Les collectivités mahoraises, elles, attendent toujours ! Enfin, il faudrait une bonne fois pour toutes que l’État anticipe les catastrophes naturelles en mettant en place des solutions et des dispositifs pérennes dans une île comme Mayotte mais aussi dans les autres territoires ultramarins.

B.J.

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