L’État réanime la santé après Chido, mais à quel prix ?

Le 20 mars 2025, un arrêté d'urgence a été publié pour renforcer le système de santé à Mayotte après les ravages du cyclone Chido.

Depuis que le cyclone Chido a frappé Mayotte le 14 décembre 2024, la situation sanitaire file plus que jamais un mauvais coton. Alors que les infrastructures ont été abîmées par le cyclone et que l’accès aux soins s’est dégradé, le Gouvernement a publié un arrêté d’urgence pour gérer la crise sanitaire sur l’île. Le but ? Sauver les meubles, et surtout, éviter que la population ne se transforme en une armée de malades laissés à l’abandon. Surtout à une heure, où une épidémie de chikungunya pend au nez d’un territoire déjà plus que fragile.

Traitements d’urgence : les pharmaciens en première ligne 

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Dans cet arrêté, les pharmaciens sont au front

Première urgence : de nombreux patients ont perdu leurs traitements pendant le cyclone. Merci Chido ! Pour y remédier, les pharmaciens peuvent désormais renouveler les médicaments perdus sans une ordonnance récente. Concrètement, si un patient a perdu ses pilules dans la tempête ou qu’elles ont été emportées par l’eau ou le vent, le pharmacien peut maintenant les délivrer sans nouvelle ordonnance. Il peut s’agir de traitements chroniques, mais aussi de médicaments devenus inutilisables ou inadaptés à l’état actuel du patient. Une décision qui permet de ne pas laisser des milliers de personnes sans soins, mais aussi de désengorger un système de santé déjà bien mal en point. Cette mesure est valable jusqu’en décembre 2025, au nom de la « continuité des soins ».

Téléconsultation : soigner même avec une connexion en carton

Un exemple des différents dispositifs de téléconsultation mobiles et fixes

Depuis plusieurs années, les autorités sanitaires de l’île planchent sur le déploiement de la téléconsultation sur l’archipel. Cependant, alors que les réseaux de communication ont été aspirés avec les dégâts du cyclone, les médecins peuvent désormais recourir à tout outil numérique, y compris au système de consultations par téléphone, pour assurer la continuité des soins. Ces appels qui, jusque-là n’étaient pas remboursés par l’Assurance maladie, font désormais partie de l’arsenal, pour pallier la dévastation des infrastructures de l’île.

Soutien financier des praticiens : une bouée ou une encre ? 

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Pendant Chido, les professionnels de santé libéraux de l’île ont déclaré s’être sentis « abandonnés » par les autorités sanitaires

Entre les destructions des infrastructures, les patients absents et les finances dans le rouge, l’État a décidé de faire une faveur aux professionnels de santé : une avance sur les remboursements d’Assurance Maladie, calculée à partir de leurs gains mensuels en 2024. Mais attention, cette avance n’est qu’un prêt, et ce prêt devra être remboursé d’ici la fin de l’année 2025. Une aide bien intentionnée, certes, mais les professionnels devront jongler avec leur trésorerie déjà en crise. Est-ce que cela sera suffisant pour éviter une hémorragie de départs de professionnels de santé de l’île ? La question reste en suspens.

Pansements et compresses : soigner vite, sans ordonnance 

Enfin, pour que la situation ne devienne pas encore plus chaotique, l’arrêté assouplit les règles pour les pansements et compresses. Maintenant, plus besoin d’ordonnance pour obtenir des bandages. Les pharmaciens pourront en distribuer sans prescriptions à condition que le motif de recours aux soins soit urgent. Et comme les patients n’ont pas le temps, ni forcément les moyens de se rendre chez un médecin à chaque petit bobo, ces produits sont désormais pris en charge par l’Assurance Maladie. Une mesure qui, sur le papier, semble simple et efficace. Mais à force de déroger aux règles, la question reste : jusqu’où est-il possible d’aller sans abîmer profondément le système ?

En bref, cet arrêté du 20 mars 2025 vise à maintenir les services de santé à Mayotte en réponse à la crise sanitaire, en adaptant les règles pour faire face aux destructions causées par le cyclone. Une mesure nécessaire, mais qui soulève des questions sur la pérennité du système de santé sur l’île.

Mathilde Hangard

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