Condamné notamment à deux ans de prison dont un avec sursis, et 4 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire pour prise illégale d’intérêt lors de la passation de marché pour la CADEMA, la Communauté d’Agglomération Dembéni Mamoudzou, Rachadi Saindou avait été écarté de sa présidence et de ses fonctions de conseillers communautaire et municipal. Le préfet avait en effet aussitôt pris un arrêté de démission d’office de l’élu, impliquant la tenue de nouvelles élections portant le maire de Dembéni à la présidence.
L’ancien président contestait cette décision auprès du tribunal administratif dans une audience qui s’était tenue le 10 septembre 2024. Dont l’issue ne lui était pas favorable en se basant sur une jurisprudence pour soutenir la décision du préfet : « Un membre d’un conseil municipal privé de son droit électoral ou condamné au pénal doit être considéré par le préfet comme démissionnaire d’office ». Contrant l’accusation portée par Rachadi Saindou d’ingérence dans la libre administration des collectivités territoriales de la part du préfet. Or, le conseil de l’élu pointait au contraire une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), « l’inéligibilité ouvre droit à un recours suspensif », plaidait-il.
Cette QPC portée par le conseil d’Etat était examinée ce mardi par le Conseil constitutionnel sous une double loupe : celle de Rachadi Saindou mais aussi celle de Marine Le Pen, impliquée dans le procès des assistants parlementaires du RN. Le parquet avait en effet requis contre la députée une peine d’inéligibilité de cinq ans assortie d’une exécution provisoire, c’est-à-dire sans suspension de la peine en cas d’appel.
Entre prévention de la récidive et présomption d’innocence

Dans les textes, comparaison n’est pas raison sur ce sujet. En effet, selon la loi, une peine d’inéligibilité pour un élu local entraîne une démission automatique. Alors que, en vertu de la séparation des pouvoirs, un parlementaire national peut, lui, aller au bout de son mandat mais ne peut se représenter. En cas de condamnation, Marine Le Pen resterait donc députée, mais sans doute pas conseillère départementale. En revanche, elle ne pourrait donc pas se représenter aux législatives.
Ce que vise la loi avec l’exécution provisoire, c’est « à favoriser, en cas de recours, l’exécution de la peine et à prévenir la récidive ».
Pour autant, plusieurs arguments pourraient plaider en faveur de l’élu mahorais. Tout d’abord, une demande de réexamen de « l’égalité devant le suffrage », une avocate aux conseils plaidant ce mardi en faveur d’une harmonisation de la jurisprudence face à une différence de traitement, rompant l’égalité entre deux élus, rapportait le quotidien La Croix. Ensuite, la liberté de l’électeur et enfin, la séparation des pouvoirs.
Une « peine de mort » politique était-il pointé, quand la possibilité d’être un jour blanchi à l’issue d’un recours, reste toujours probable.
Si les affaires Rachadi-le Pen ne sont pas totalement semblables, de l’avis des constitutionnalistes cités par l’ensemble des médias nationaux, le tribunal correctionnel qui doit se prononcer sur le jugement de Marine Le Pen le 31 mars pourrait tenir compte de la décision prise par les Sages le 28 mars à l’encontre de Rachadi Saindou.
A.P-L.