Les lingots d’or saisis par les douanes comoriennes en décembre 2021 ont été remis, vendredi 14 mars dernier, à la Banky Foibe an’i Madagasikara (BFM). L’opération avait suscité de nombreuses interrogations quant à la décision des autorités judiciaires comoriennes de remettre les métaux précieux à l’Etat malgache.
L’affaire avait fait l’objet de nombreuses controverses au lendemain de la saisie. La confiscation des lingots d’or était bien suivie au plus haut niveau des deux Etats comorien et malgache. Des informations laissaient croire que les 49,5kg appartenaient à la République d’Afrique du Sud et plus tard à la République du Mali alors que d’autres voix laissaient entendre que les métaux étaient la propriété d’une société émiratie.
L’identification du vrai propriétaire des lingots d’or

La justice comorienne, elle, avait ordonné, la saisie et la confiscation des métaux et demandé à la Banque centrale des Comores (BCC) de « garder provisoirement » les lingots d’or jusqu’à la fin des investigations « pour identifier et confirmer le vrai propriétaire » avant toute opération de restitution. «Nous avons pris le soin de travailler pour savoir à qui revient de droit », nous dit un magistrat qui suivait de près le dossier.
Une guerre de procédures sera alors engagée par Madagascar qui, dans une requête en date du 27 septembre 2024, adressée à la justice comorienne, soutenait « l’impossibilité pour les condamnés (les trafiquants) de produire les documents administratifs justifiant l’origine de ces minerais fait ressortir qu’ils sont issus d’exploitation illicite ».
Le Tribunal de première instance de Moroni (TPI), se fondant sur la législation douanière comorienne, attendait qu’un propriétaire se manifeste pour pouvoir ordonner la levée de la mesure de confiscation et autoriser la remise des métaux précieux au vrai propriétaire. Après quatre mois d’investigations, avec commission rogatoire, la justice comorienne a fini par se convaincre que les lingots d’or appartenaient bel et bien à la Banky Foibe an’i Madagasikara (BFM).
Un rapprochement entre les Comores et Madagascar
«Il est constant et non contesté que les 28 lingots d’or ainsi confisqués proviennent de Madagascar », indique le TPI de Moroni dans son jugement N°208/24 en date du 31 décembre 2024. Pour faciliter la restitution des métaux, la justice comorienne s’est appuyée sur la Convention des Nations-Unies contre la corruption (CNUCC) ou convention de Merida. Ce texte adopté au Mexique par la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies 58/4 du 31 octobre 2003 et ratifié par plus de 190 pays met en place un cadre mondial de lutte contre la corruption.

Le président du tribunal de Moroni, Aliamane Ali Abdallah, évoquera l’article 53.C de ladite convention qui dispose que « chaque Etat partie, conformément à son droit interne, prend les mesures nécessaires pour permettre à ses tribunaux ou autorités compétentes, lorsqu’ils doivent décider d’une confiscation, de reconnaître le droit de propriété légitime revendiqué par un autre Etat partie sur des biens acquis au moyen d’une infraction établie conformément à la présente Convention (…) ».
Et le magistrat d’ajouter dans sa décision « qu’il résulte des pièces justificatives produites, que les lingots saisis appartiennent à l’Etat malagasy » avant d’ordonner « la restitution de 28 lingots d’or d’un poids évalué à 50 kg après paiement des droits, taxes, frais et amendes y afférents ». Les Etats comorien et malgache, dans un communiqué conjoint, ont clos « un épisode » et se sont engagés à « consolider leurs liens historiques, en œuvrant toujours dans le sens du rapprochement entre les deux pays et les deux peuples, tout en renforçant la coopération pour la protection des biens et des personnes ».
A.S.Kemba, Moroni