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mercredi 19 mars 2025

Tribunal judiciaire : quand la violence devient de plus en plus une simple banalité

Deux jeunes majeurs comparaissaient ce mardi devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou pour des faits de violence aggravée par deux circonstances, en l’occurrence « en réunion » et « avec arme ».

Les faits se sont déroulés sur la commune de Koungou, en novembre dernier, quand la gendarmerie est sollicitée pour la prise en charge d’un jeune qui a une blessure à la main (ndlr, la main quasi arrachée) et qui s’est fait agresser par plusieurs personnes avec le visage dissimulés et armées de couteaux et de machettes. Parmi les agresseurs, deux individus ont été reconnus par la victime à l’occasion d’un tapissage et ont chacun reconnu les faits lors de leur garde à vue. Petit détail, l’un d’eux était déjà incarcéré à Majicavo pour des faits similaires suite à une audience en comparution immédiate en janvier dernier et où il a écopé de 3 ans de prison ferme…

Une banale histoire de vengeance sur fond de rivalité entre bandes

Les phénomènes de bandes est un véritable fléau à Mayotte et inquiètent de plus en plus (Photo d’illustration D.R.)

« Je l’ai frappé qu’une seule fois à la main avec une machette, indique l’un des deux prévenus. Au départ je ne voulais pas, je voulais juste casser son vélo. Il fait partie d’une bande rivale », se défend-t-il. Ce qui n’a pas manqué de faire bondir la présidente du tribunal. « Attaquer à coups de machette, vous trouvez que c’est un comportement normal ?! ». Interrogé, l’autre prévenu reconnait également avoir commis des violences : « Oui je l’ai agressé, je lui ai donné un coup de machette à la main. Il m’avait déjà menacé auparavant et avait aussi agressé un enfant avec un couteau… ». On comprend au fur et à mesure qu’il s’agit d’une vengeance et d’un règlement de compte entre bandes rivales.

Les deux prévenus n’ayant pas l’air de bien saisir la gravité des faits cela a, quelque peu, agacé l’un des deux assesseurs et par la suite le substitut du procureur. « C’est normal ou pas ce genre de comportement ? Vous attendez d’être ici (devant le tribunal) pour reconnaitre que c’est pas normal ? Demande d’un ton ferme un assesseur. – J’avais pas de discernement, je ne réfléchissais pas », répond timidement l’un des deux prévenus. Puis c’est au tour du procureur de s’interroger sur la véracité des témoignages des deux prévenus. Ainsi s’adressant à l’un d’eux il lui dit : « Lors de vos auditions devant les gendarmes, en garde à vue, à aucun moment vous ne parlez de casser un vélo, c’est la première fois que vous en faites mention aujourd’hui. En revanche vous avez déclaré vouloir lui régler son compte car c’était une balance… Si chacun agresse l’autre ça s’arrête quand ? Il faut faire quoi pour que vous arrêtiez ?! », s’est-il exclamé.

« La vengeance ne se règle pas par la violence, il y a la justice ! »

Après avoir abordé brièvement la personnalité des deux prévenus, le procureur a pris la parole pour son réquisitoire martelant que, certes, c’était des faits d’une banalité simple mais terriblement graves car, soit dit en passant, la victime a failli perdre la main qui aurait pu être coupée entièrement au niveau du poignet… « La vengeance ne se règle pas par la violence, il y a la justice ! C’est un comportement inacceptable aux conséquences dramatiques. Il faut une réponse ferme à ces faits ».

La loi française prévoit jusqu’à 7 ans de prison pour des faits de violence aggravée

Puis il a rappelé le triste bilan de ces violences récurrentes avec des jeunes qui décèdent chaque semaine sur notre territoire. « Il y a quelques jours un jeune a eu la tête fracassée à coups de pierre pour un problème de téléphone… ou encore à Dembéni, il y a quelques temps, un autre jeune qui a eu la tête perforée… ». Il a ainsi requis 30 mois de prison ferme pour Ali S., déjà incarcéré pour d’autres faits, et 12 mois ferme pour le second, Said S., avec mandat de dépôt. A cela il a ajouté l’interdiction de détenir une arme pour une durée de 5 ans à l’encontre des deux prévenus.

Pour leur avocat, Me Bayon, la tâche n’était pas facile… « Cela pose le problème de l’individualisation des peines… ». Il a ainsi tenté de réduire la peine d’Ali S., mais surtout évité à Said S. d’aller en prison. « Un an ferme avec mandat de dépôt c’est la fin de toute insertion sociale pour lui. Ce serait une impasse pour la justice. Il n’a pas de casier judiciaire, pas de condamnations et il a la volonté de s’intégrer en suivant une formation ». Il ainsi demandé une peine avec sursis, une mise à l’épreuve et l’indemnisation de la victime.

Après avoir délibéré, le tribunal a condamné Ali S. à 24 mois de prison dont 6 mois ferme et l’interdiction de porter une arme pendant 5 ans. Said S., quant à lui, échappe de justesse à la prison ferme puisqu’il écope de 24 mois de prison également mais avec un sursis probatoire pendant deux ans. Lui aussi à l’interdiction de porter une arme pendant 5 ans et devra indemniser la victime

B.J.

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