Une 2ème base militaire à Mayotte : où, quand, comment ?

Plus que l’annonce d’un rapprochement des militaires de la zone d’arrivée des kwassa, c’est l’assurance donnée par Manuel Valls d’une volonté de défendre une Mayotte française sur la scène internationale qu’il faut retenir. Mais rien n’est gagné, notamment au regard de la subjectivité de certains médias nationaux.

Auditionné par la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale, Manuel Valls a été interpellé par la députée Estelle Youssouffa. Dans le cadre de la révision de la revue nationale stratégique, l’élue l’interrogeait sur la reconnaissance de Mayotte française à l’internationale, et reprenait le terme utilisé par l’OTAN pour qualifier de « menace hybride » la déstabilisation du département par « la prise de contrôle de la population » des Comores.

En réponse, le ministre des Outre-mer affirmait la volonté du président de la République, « et quel que soit le ministre », c’est-à-dire y compris celui qui est en charge des Affaires étrangères, d’inscrire Mayotte comme représentant la France au sein de la Commission de l’océan Indien (COI), là où seule la Réunion siégeait, « on a la chance d’avoir ce territoire français », sous-entendu dans cette zone de l’océan Indien. Et fait nouveau, déclaration à laquelle acquiesçait le président de la Commission de Défense nationale et des forces armées, Jean-Michel Jacques.

Manuel Valls et Jean-Michel Jacques en Commission de la défense ce 12 mars 2025

Deuxième annonce du ministre des Outre-mer, celle de la « clarté du discours vis-à-vis des Comores (…) les lignes rouges doivent être signalées », mentionnant également, « la volonté de déstabilisation ». Troisièmement, le « soutien à la base navale » pour la protection du territoire », « tous ces éléments seront dans la loi », la loi Programme en cours de rédaction.

On note de nouveau un changement de ton, qu’il faut néanmoins relativiser. Tout d’abord, ce n’est pas la première fois qu’une telle annonce de 2ème base navale est formulée, notamment au cœur de la loi de programmation militaire lorsque Jean-Yves Le Drian était ministre des Armées. Donc quand peut-on espérer voir s’établir une telle structure ?  Ensuite, où sera-t-elle implantée ? Sur l’îlot Mtsamboro, point le plus proche des arrivées de kwassa, embarcations chargées de migrants, faisant gagner 45 minutes aux intercepteurs partant actuellement de Petite-Terre ? Cela n’a pas été précisé. Enfin, ces annonces émanent justement d’un ministre des Outre-mer et non pas d’un ministre des Affaires étrangères ou des Armées.

Le Cheval de Troie sort d’un bois français

Si l’affirmation de la reconnaissance de Mayotte française à l’international par les élites de France reste le plus important du discours, sa matérialisation a suscité des réactions. D’abord celle du gouvernement comorien, dont le ministre des Affaires étrangères condamne évidemment dans un communiqué de ce samedi 15 mars : « Le gouvernement comorien, dénonce la portée et la teneur d’une telle annonce, hostile et contraire au Droit international, ainsi qu’aux engagements pris par l’Union des Comores et la République française, de privilégier le dialogue au contentieux qui les oppose sur cette île. » Il pointe ainsi l’annonce de l’installation d’un commandement de la gendarmerie nationale, pourtant déjà présente sur l’île, et d’une base navale, or il en existe déjà une en Petite-Terre. Une réaction qui ne devrait donc pas émouvoir les autorités françaises.

Le communiqué du ministre des Affaires étrangères comorien qui joue sa partition

Plus étonnant par contre la réaction de la presse nationale… française, se basant sur une dépêche de l’AFP (Agence France-Presse), dont on se demande qui l’a rédigée. Le journal Le Parisien donne en effet la parole au ministre de l’Intérieur comorien qui déplore une militarisation « à outrance » de Mayotte, puis, à Nadia Tourqui, membre du Comité Maore œuvrant pour le rattachement de Mayotte aux Comores qui déplore que la priorité ne soit pas donnée à la réhabilitation des infrastructures sociales après le passage de Chido, et que la France défende le droit international quand il s’agit de l’Ukraine, mais « piétine le droit de l’archipel des Comores à la souveraineté et à l’intégrité de son territoire ».

Donne-t-on la parole à l’autre partie dans cet article ? Fait-on référence au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dont se revendiquent les Mahorais ? Non. Rappelle-t-on la gestion du pays voisin par des autorités recevant toujours plus de subsides (3,9 milliards d’euros en 2019 par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, Maroc et Émirats arabes unis, qui visaient « à faire des Comores un pays émergent à l’horizon 2030 ») mais ne payant pas les enseignants, ce qui les incite ainsi que leurs élèves à fuir vers Mayotte française espérant des conditions de vie meilleures ? Il est pratique d’invoquer l’ONU toujours prompt à de belles déclarations, alors que l’Organisation a été à de multiples reprises critiquée pour son inaction, comme ce fut le cas pour les violences contre les civils au Soudan ou des droits humains dans la province chinoise du Xinjiang.

Un gros travail reste donc à mener, davantage auprès de l’opinion publique française qu’auprès des Comores, par les élus mahorais pour contrer ces déstabilisations permanentes.

Anne Perzo-Lafond

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