Dans un contexte géologique instable, le Réseau de Surveillance Volcanologique et Sismologique de Mayotte (REVOSIMA) a publié son bulletin d’activité du mois de février 2025, dévoilant un panorama détaillé des phénomènes sismiques et volcaniques qui secouent l’île. La situation est toujours sous haute surveillance, malgré des défis techniques et climatiques persistants.
Une activité en dents de scie sous étroite surveillance

L’éruption volcanique sous-marine de 2018, l’une des plus impressionnantes jamais enregistrées, a secoué Mayotte. À 50 kilomètres au large de l’île, les scientifiques ont identifié le foyer des secousses : un volcan situé à 3.500 mètres de profondeur. Baptisé Fani Maoré, ce volcan a déversé jusqu’à 400 mètres cubes de lave par seconde, formant en quelques mois un cône de 800 mètres de hauteur et 2 kilomètres de diamètre. En trois ans d’activité, il a expulsé pas moins de 6 kilomètres cubes de lave, une éruption effusive d’une ampleur comparable à celle du Laki en Islande en 1783.
Depuis 2020, le REVOSIMA surveille en temps réel les phénomènes sismiques et volcaniques de l’archipel. Du 1er au 25 février 2025, 401 séismes Volcano-Tectoniques (VT), 70 séismes Longue Période (LP) et 2 séismes Très Longue Période (VLP) ont été enregistrés. L’activité sismique demeure concentrée entre 20 et 50 kilomètres de profondeur, principalement à l’Est de Petite-Terre. Bien que la fréquence des événements ait diminué depuis le pic de la crise, des secousses modérées continuent de se faire ressentir sur l’île. Les données témoignent d’une activité persistante sous la surface, bien que stabilisée depuis 2022. La dernière secousse notable, un séisme de magnitude 4,9 sur l’échelle de Richter, s’est produite le 27 août 2024. Si la fréquence des secousses a diminué, des événements plus puissants restent néanmoins possibles.
Chido a détruit plusieurs stations de surveillance

Le passage du cyclone Chido le 14 décembre 2024 a mis à mal le réseau de surveillance du REVOSIMA. Les stations de surveillance, notamment celles situées à l’aéroport et à Combani, ont été lourdement endommagées, et certaines données sont actuellement en cours de récupération. La station de Moya est, quant à elle, hors service et nécessitera des réparations importantes. À la fin du mois de février 2025, environ 50 % du réseau terrestre était de nouveau opérationnel, mais la surveillance se faisait toujours en mode dégradé, avec des perturbations notables pour la transmission des données.
Des craintes sur une possible reprise éruptive

en février 2025 par le réseau sismologique du REVOSIMA. En rouge les séismes volcano-tectoniques, en
orange les séismes longues périodes, en jaune les séismes très longues périodes, en bleu les éboulements
(source : OVPF-IPGP et REVOSIMA)
Si l’activité sismique à Mayotte reste une préoccupation majeure, l’incertitude sur l’évolution de l’activité volcanique pèse également sur la région. Le volcan Fani Maoré a vu son éruption se terminer en janvier 2021. Cependant, la détection de dioxyde de carbone dans la zone et la persistance de l’activité sismique soulèvent des inquiétudes sur la possibilité d’une reprise de l’activité éruptive. Les scientifiques restent vigilants, car la situation reste instable, bien que l’absence de signaux sismiques significatifs depuis décembre 2020 suggère que l’éruption pourrait être terminée. Le volume de magma érupté lors de la dernière phase, estimé à 6,55 km³, et les relevés bathymétriques effectués entre octobre 2020 et janvier 2021, montrent une poursuite des émissions de lave, mais la situation reste sous étroite surveillance.
Un réseau sous tension mais toujours en action
Le travail de surveillance se poursuit donc dans un contexte difficile, où la résilience du réseau de surveillance est mise à l’épreuve à la fois par l’activité sismique persistante et les dommages causés par le cyclone Chido. Malgré la complexité de la situation, les équipes scientifiques, soutenues par les autorités locales et nationales, s’efforcent de maintenir un suivi rigoureux et une analyse des phénomènes géologiques. L’avenir de Mayotte face à cette double menace, sismique et volcanique, repose sur la solidité de ce réseau de surveillance, dont le maintien à long terme est crucial pour prévenir de nouvelles catastrophes naturelles et protéger la population. Mais il est clair que la vulnérabilité du système, aussi bien face aux risques naturels qu’aux événements extrêmes, souligne la nécessité de renforcer les infrastructures et les moyens alloués à cette mission essentielle pour la sécurité de l’île.
Mathilde Hangard