Dans l’hémicycle Younoussa Bamana du Conseil départemental, ce jeudi 27 février, l’assemblée plénière devait débattre de l’orientation du budget pour l’année à venir avec l’immense défi de la reconstruction de l’île. En réalité la réunion a surtout permis au Conseil de faire un point sur l’état des finances, alors que la phase d’urgence après Chido a laissé la place à la phase de « stabilisation et de reconstruction de l’île », comme l’a souligné en introduction le président du Conseil départemental, Ben Issa Ousseni. « Il faut qu’on impose notre vision d’une reconstruction en profondeur du territoire et qu’on ne soit pas uniquement aligné avec l’Etat. On doit mettre la pression pour que la refondation de l’île soit à la hauteur ».
Des ambitions de reconstruction freinées par un budget restreint
Mais malgré ces ambitions et cette nécessité de reconstruire correctement Mayotte, le département ne dispose pas de réelles marges de manœuvre sur son budget pour financer ses projets. L’Etat, principal financeur du Département, est endetté et connaît des coupes budgétaires, les droits de douanes et les taxes à l’importation s’ils ne sont pas en baisse, seront au mieux stables pour l’année à venir, et l’octroi de mer ne rapporte plus grande chose depuis Chido. Les recettes fiscales sur les taxes à la consommation ou au carburant sont elles aussi toutes en baisse en ce début d’année. « A cela s’ajoute, les 102 millions de dégâts sur les équipements du Conseil départemental, comme les barges, le jardin botanique, les bâtiments, qu’il va falloir reconstruire… », constate Ben Issa Ousseni. Des dépenses exceptionnelles qui viennent encore restreindre le budget.
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La seule marge de manœuvre sur laquelle pouvait compter le Département résultait de son autofinancement l’année précédente suite à des efforts budgétaires qui ont permis de dégager 100 millions d’euros d’investissement. Une somme qui va être complètement absorbée par la reconstruction, notamment à travers le financement du Fonds d’Aide Sociale Urgence Logement (FASUL), la distribution de bons alimentaires ou d’équipements, les aides aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés…, et qui ne pourra être investi dans les projets d’amélioration du port, du centre sportif de haut niveau ou bien des cités administratives, pour ne citer que ces projets. « Au-delà de ces dispositifs d’aides, ça va être très compliqué sans accompagnement d’appuyer de manière plus significative les demandes de la population et je parle de toutes les subventions », remarque Ben Issa Ousseni.
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Justement au niveau de l’accompagnement, si la loi d’urgence pour Mayotte a été promulguée le 24 février, le Département ne sait pas encore quels critères et quels projets résulteront de cette loi. « Nous ne connaissons pas encore les engagements de l’Etat sur le territoire », indique le président du conseil, qui insiste sur le manque de visibilité pour savoir comment orienter au mieux le budget. « Nous attendons beaucoup de l’Etat et des accompagnements concrets pour faire face aux manques à gagner et aux dépenses exceptionnelles, on a déposé une demande d’aide de 50 millions d’euros sans avoir eu de réponses pour le moment », déplore Ben Issa Ousseni.
Un budget similaire à celui d’avant Chido critique l’opposition
« On a l’impression que le débat a été préparé avant Chido, il manque des engagements financiers sur la reconstruction de Mayotte, sur l’établissement public en création, mais aussi sur le fonctionnement de la barge, de la protection de l’enfance… Je me questionne également sur la visite du président du Département en métropole qui est revenu sans réels engagements, sans moyens financiers de plus pour accompagner la reconstruction », note Elyassir Manroufou, conseiller départemental de Mamoudzou 2, dans l’opposition. « Pour moi la première problématique c’est le renouvellement de notre flotte. Il aurait fallu que les ministres s’engagent à accompagner le territoire. On constate aussi qu’il y a un sous-investissement via les fonds européens, alors qu’on à la présidence du GIP Europe à Mayotte. Nous savons tous que le budget ne suffira pas par rapport aux dégâts subis ».
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Pour cette année, le Département prévoit 242 millions d’euros pour l’investissement, contre 212 millions d’euros l’année précédente, pour un budget prévisionnel de fonctionnement de 495 millions d’euros, légèrement inférieur au 505 millions d’euros de l’année 2024.
Au département, 198 millions sur 448 millions d’euros de recettes sont dédiés à la masse salariale. Les dégâts de Chido sont évalués à 120 millions d’euros.
A noter que l’assemblée plénière a été levée en raison de la prise en charge par les pompiers et le SMUR de Daniel Zaïdani, conseiller départemental de Pamandzi. Une demi-heure sera dédiée pour terminer la séance, lundi à 9 h. Le budget sera voté à la mi-mars.
Victor Diwisch