Des établissements scolaires pas adaptés au nombre d’élèves
Au 1er janvier 2017, la commune de Chiconi comptait pas mois de 8.295 habitants et malgré une hausse des effectifs dans les établissements scolaires, la chambre note que la commune n’a pas mis en place de dispositifs supplémentaires comme les classes itinérantes ou un système de rotation, laissant certains enfants en attente de scolarisation. « Elle ne parvient pas à remplir son obligation de scolarisation pour l’ensemble des enfants de son territoire tout en accueillant des élèves en provenance d’autres communes. De nombreux enfants résidant notamment à Kahani, dans la commune de Ouangani, suivent leur scolarité à Chiconi à condition que les parents justifient leur domiciliation dans la commune par des attestations », indique la CRC dans on rapport.
En outre la commune n’a jamais sollicité le fonds de compensation au titre de la scolarisation obligatoire des enfants de trois à six ans. Ainsi, la chambre constate un écart entre le taux de scolarisation des enfants résidant dans la commune depuis 2019 et le nombre des enfants sur liste d’attente transmis par la commune. « Plusieurs enfants en âge de scolarisation ne sont pas pris en charge par la commune et ne seraient pas scolarisés ». Selon les données de la CRC, 1.604 élèves inscrits en 2019 et 1.801 en 2023, soit une progression de 12 % avec une légère hausse de 2 % à la maternelle et une évolution significative de 18 % en primaire. Pour la rentrée 2023, cet effectif représente 22 % de la population communale officielle.
Aussi malgré d’importants investissements scolaires cela reste encore insuffisant comme le constate la chambre : « Des retards dans les travaux engendrés notamment par les différentes crises qui affectent Mayotte (eau, sociales etc.). Cette situation entraine des mécontentements des parents d’élèves ». Et d’ajouter que la commune s’est dotée d’un plan pluriannuel d’investissement. « À l’instar de l’ensemble des collectivités mahoraises, la commune s’est engagée, en collaboration avec la DEALM et l’assistance d’un cabinet, dans la rédaction de son schéma directeur des écoles (SDE) entamée depuis le début de l’année 2024 ».
La CRC préconise ainsi « une priorisation des travaux les plus urgents, à commencer par les questions de sécurité des établissements mais aussi de l’achèvement des réfectoires pour la restauration scolaire. Entre 2019 et 2023, la commune a construit uniquement deux nouvelles salles de classe à l’école maternelle de Sohoa dans le cadre de l’extension de cette école. En revanche, elle a engagé d’importants travaux de réhabilitation de ses établissements scolaires et de construction de réfectoires. Les travaux de rénovation portent souvent sur la maçonnerie, la menuiserie, l’électricité, la peinture, la toiture, la clôture, etc. ».
En effet, la commune compte un seul réfectoire en dur construit à l’école maternelle de Sohoa et trois réfectoires en modulaire installés depuis 2019 aux écoles maternelles Chiconi centre, Ourini et Kavani. « Ces réfectoires ne sont pas fonctionnels », à la date du contrôle de la chambre, « faute de formation des agents, d’équipements et de définition du plan global de fonctionnement de ces investissements », explique la CRC. Alors que le montant total des travaux réalisés entre 2019 et 2023 s’élève à 6,6 M€, soit 23 % des dépenses d’équipement.
D’autre part, les écoles sont encore mal entretenues : « Malgré les efforts réalisés sur le nettoyage de ces établissements, les toilettes et certaines cours de récréation sont sales. Certaines toilettes dégagent des odeurs, l’eau coule ou stagne et les portes sont cassées. Des déchets sont éparpillés partout dans les cours de récréation et aussi aux abords de certaines écoles », a remarqué la chambre. Et de poursuivre que « dans le cadre de visites dans les écoles communales, il a pu être constaté que les extincteurs ne sont pas aux normes ou fonctionnels ou n’existent pas. La commune justifie l’absence des extincteurs par les différents vols réalisés dans ses établissements ».
Par ailleurs, l’accueil périscolaire est dégradé. Ainsi, pour l’ensemble des établissements, le ratio d’encadrement est compris entre 14 et 140 enfants par animateur selon les périodes. Hormis les écoles élémentaires Ourini et Chiconi actuellement en rotation, la commune ne respecte pas le taux d’encadrement règlementaire fixé pour l’accueil périscolaire. « Sur l’ensemble des animateurs communaux, très peu d’animateurs disposent du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA). Malgré les efforts de la commune à former ce personnel, elle ne respecte pas les dispositions réglementaires exigées. Lors des visites des écoles, les enfants dans l’ensemble des écoles ne bénéficient pas d’activités telles que décrites dans le PEDT (Projet éducatif de territoire). Les enfants sont inoccupés, courent partout et aucune activité ne leur est proposée. Les animatrices, même celles qualifiées, font de la garderie au lieu de mettre en place de véritables activités périscolaires ».
La chambre déplore également une restauration scolaire limitée aux collations. « À partir de novembre 2021, la commune a confié la distribution de la collation et des repas en liaison froide à deux prestataires différents. La livraison de repas n’a jamais été réalisée sans que la commune ne puisse justifier l’absence de commande auprès de la société ». De plus, « lors de la livraison des collations, aucun agent communal n’est présent pour effectuer un contrôle sur la quantité, la qualité et la température des produits. Le prestataire les dépose dans les écoles et, à leur arrivée, les animatrices les rangent, les déposent dans les salles de classes et signent les bons de livraison. Et souvent, les collations sont en nombre insuffisant ».
En matière d’hygiène et de sécurité ce n’est pas mieux, a constaté la CRC. « Les agents touchent et distribuent les produits sans porter des gants. Les enfants mangent dehors dans les cours de récréation dans certains établissements et à même le sol ».
Ainsi en matière de scolarisation et de restauration scolaire la chambre régionale des comptes formule pas moins de 4 recommandations :
– Solliciter, sans délai, le fonds de compensation au titre de la scolarisation obligatoire des enfants de trois à six ans.
– Se mettre en conformité, sans délai, avec les prescriptions d’hygiène, de sécurité et de propreté dans les établissements scolaires.
– Mettre en place des activités périscolaires conformément au projet éducatif territorial dès la prochaine rentrée scolaire.
– Mettre en service les nouveaux réfectoires afin d’assurer une véritable restauration collective dès 2025.
Des irrégularités en matière de gestion des ressources humaines
Sur le plan administratif, la commune a progressé dans la structuration de ses services (ressources humaines, finances, techniques, commande publique, etc.), en se dotant de nouveaux outils de gestion… Toutefois, des marges de progression subsistent, notamment avec la mise en place d’un système de contrôle automatisé du temps de travail, l’adoption d’un plan de formation et d’un rapport social unique (RSU). La chambre note ainsi des carences sur l’organisation du temps de travail et le contrôle du temps de Travail.
« Ce temps de travail fixé par la direction générale ne respecte pas les quotas horaires des 1.607 heures par an. La commune doit redéfinir des nouveaux horaires en fonction des services dans l’objectif de respecter les 1.607 heures par an. Lors de notre visite dans la commune, la direction des ressources humaines déclare que seul le service technique effectue un décompte déclaratif, notamment des agents d’entretiens et pour les autres services, depuis l’arrivée des cadres, les agents respectent les horaires de travail sans en apporter la preuve. Sont seulement déclarés les absences ou les retards pour les retenues de salaire ».
De plus, toujours selon la CRC, le domaine de la formation n’est pas abordé de façon structurée alors que la commune aurait tout intérêt à adopter un plan de formation pour mieux accompagner ses agents à monter en compétence. « L’absence du RSU (rapport social unique) dans la commune la prive de données qui lui permettraient de déterminer une véritable stratégie pluriannuelle de pilotage de ses ressources humaines. Entreprendre la démarche d’élaboration du RSU permettra à la commune d’initier une gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ».
La CRC recommande ainsi de :
– Se mettre en conformité, sans délai, avec la durée légale du temps de travail de 1 607 heures.
– Élaborer un plan de de formation d’ici la fin de l’année 2024 conformément aux dispositions du code général de la fonction publique.
Une situation budgétaire sous contrôle
Aujourd’hui, Chiconi présente une épargne positive et un niveau d’investissement élevé. Néanmoins, face à l’augmentation des charges de personnel et au développement des services publics, la commune doit renforcer ses capacités d’autofinancement afin de maintenir son niveau d’investissement. « Cela passe par une meilleure maîtrise des charges de gestion et la recherche de nouveaux financements ».
Car la CRC remarque « un écart significatif entre l’état d’actif et l’inventaire communal. Selon le comptable public, ces écarts proviennent du non ajustement entre l’actif et l’inventaire. Lors de la sortie des actifs, le comptable n’est pas forcément informé. Un travail de rapprochement entre l’actif et l’inventaire doit être engagé ». Ainsi, les observations de la chambre en 2015 en matière de gestion du patrimoine restent toujours d’actualité. Elle remarque également « l’évaluation erronée des charges et des produits à rattacher et des restes à réaliser ».
En conséquence, la chambre régionale des comptes recommande de :
– Mettre à jour l’état d’actif et l’inventaire de la commune, d’ici l’adoption du compte administratif 2024, avec le concours du comptable public, conformément aux instructions budgétaires et comptables
– Fiabiliser les restes à réaliser conformément à l’article R. 2311-11 du code général des collectivités territoriales, dès l’adoption du compte administratif 2024.
En réponse aux observations de la chambre, la commune Chiconi s’engage à mettre en œuvre les 8 recommandations formulées. Un plan d’actions a été élaboré à cet effet, dont la mise en application sera suivie par la chambre dans le cadre du dispositif prévu par la loi.