« Lorsque j’ai vu les enfants jouer ensemble dans le bidonville de Doujani, j’ai eu comme idée de faire des logements collectifs pour faciliter la vie sociale et orienter la vie du quartier autour d’eux », énonce un étudiant, « moi j’ai voulu optimiser le manque de foncier en proposant des T2 sur pilotis, en dessous desquels les personnes pourront stocker leurs affaires« , expose un autre, « mon idée est de profiter au maximum d’espaces extérieurs quitte à réduire la surface des chambres, car les gens vivent davantage dehors »… En travaillant sur la forme des bâtiments et sur les matériaux à utiliser, tout en prenant en compte le mode de vie des Mahorais, 7 étudiants en Architecture, venus de La Réunion, ont tenté de proposer des solutions pour reconstruire Mayotte de façon durable. Un par un ils ont présenté leurs projets à l’aide de perspectives et de plan en 3D, expliquant leurs choix aux élus du Conseil départemental présents dans la salle, ce lundi 10 janvier, après avoir été en immersion 5 jours sur l’archipel dans le cadre d’un stage professionnel avec l’agence Building For Climate.
Les élus pourront ensuite, peut-être, s’appuyer sur ces travaux lors de la reconstruction effective de l’île pour notamment mieux se préparer aux aléas naturels.
![architecture, reconstruction, étudiants, initiative](https://lejournaldemayotte.yt/wp-content/uploads/2025/02/archi-2.jpg)
Des terrains variés pour toucher toutes les problématiques
Une expérience de terrain enrichissante et intense pour ces étudiants en troisième année de licence, avec en plus de réelles propositions à la clé pour rebâtir quartiers, communes, espaces publics, après le passage du cyclone Chido. Accompagnés par le tandem d’architectes, Ning Liu et Nicolas Jobard, fondateurs de l’agence Building For Climate, les élèves ont arpenté 3 endroits représentatifs des enjeux de la reconstruction de Mayotte : le bidonville de Doujani, avec la problématique de l’habitat dense et précaire sur des terrains souvent pentus, le village de Poroani et sa mosquée historique datant de 134 ans, pour sensibiliser sur la protection du patrimoine, et enfin la commune de M’tsangamouji, qui possède un centre historique à côté d’une prairie humide le long d’une plage, pour apprendre à combiner reconstruction et protection de l’environnement.
« J’ai pu remarquer l’ingéniosité dans les bidonvilles »
« Le cyclone c’est malheureux bien sûr mais nous ça nous permet de vraiment prendre conscience et réfléchir sur la façon de reconstruire après une telle catastrophe, en plus de développer nos capacités architecturales », explique Moesha Miranville, 21 ans. « J’ai pu remarquer l’ingéniosité dans les bidonvilles, les habitants ont trouvé des systèmes pour récupérer l’eau, pour faire des escaliers en pente. Dans ces environnements, les gens créent et pensent autrement quand ils ont vraiment besoin de certaines choses », ajoute-t-elle.
![architecture, reconstruction, étudiants, initiative](https://lejournaldemayotte.yt/wp-content/uploads/2025/02/archi-2-1.jpg)
« On peut se permettre après Chido de repenser l’architecture, de trouver des solutions intermédiaires », analyse Nicolas Jobard, « mais il y a quand même des contraintes, avec avant tout le souci de faire du solide. Il faut comprendre ce qui tient à un cyclone et ce qui ne tient pas et ne pas oublier les habitants qui ont été traumatisés par Chido et qui ont besoin d’un abri solide. On peut faire le plus beau bâtiment du monde mais il ne faut pas oublier la solidité », insiste l’architecte, qui a notamment travaillé sur la réalisation de l’aéroport de Dzaoudzi, qui a bien résisté au cyclone.
« La reconstruction de Mayotte ne s’arrête pas au mois de janvier ou de février 2025. L’idée est que ces initiatives se poursuivent dans les prochaines années et que les étudiants puissent revenir. Mais il faut avoir un soutien des institutions pour structurer ces échanges dans la durée », note Ning Liu.
« J’ai envie de montrer le potentiel de ce territoire »
Du côté du Conseil départemental, les projets des élèves et l’initiative de Building For Climate ont été salués. « C’est un projet qui correspond à ce que nous voulons faire à Mayotte. L’agence ne vient pas avec un modèle ou une idéologie qu’elle veut appliquer sur le territoire, elle cherche à comprendre le fonctionnement des habitants pour proposer des projets éco-responsables. D’autres agences viennent avec des idées préconçues et cela ne fonctionne pas ici », remarque Hélène Pollozec, conseillère départementale.
Les étudiants eux ont déjà envie de revenir à Mayotte pour poursuivre leur apprentissage mais aussi s’y installer une fois le diplôme obtenu. L’architecture est un domaine prometteur sur l’archipel. « J’ai vraiment envie de montrer le potentiel de ce territoire en le reconstruisant », remarque Moesha Miranville. « Je compte revenir travailler à Mayotte », poursuit Azra Amina Ahmed, 21 ans, « on ne peut pas reconstruire Mayotte en 5 jours donc quand on sera diplômé on pourra faire ce projet comme il se doit ».
Victor Diwisch