Un « Pacte pour la reconstruction » de Mayotte : 3ème partie
Par Ibrahim ABOUBACAR
Le moment que nous traversons s’inscrit dans un contexte international de plus en plus tendu, où les manœuvres de déstabilisation de la présence française à Mayotte, sont plus que jamais à l’œuvre, dans un contexte global d’hostilité affichée de la Russie et de la Chine à notre pays, contre ses positions dans le monde en général, et outre-mer en en particulier.
Tandis que le Général Hubert BONNEAU, Commandant de la Gendarmerie Nationale, rappelle cela fort justement, l’historien Hervé Le Bras (Directeur de l’EHESS et chercheur à l’INED) soutient purement et simplement un abandon de l’île de Mayotte aux Comores. Au fond, Monsieur Le Bras propose de capituler devant les ennemis de la France, qui ne s’arrêteront pas après Mayotte. Il devrait savoir, lui qui est historien, que ces puissances veulent le leadership mondial au dépend de l’occident : le sacrifice de Mayotte ne serait qu’une lâcheté sur le crépuscule des valeurs et de la grandeur de la France.
Car, si la prise de possession de Mayotte par la France s’est faite sous la surveillance méfiante des Anglais au milieu du 19ème siècle, sa construction telle qu’envisagée après CHIDO et donc sa consolidation dans la France se fera sous l’hostilité assumée et affichée des russes et des chinois, et de leurs relais dans notre sous-région.
Face à cela, notre détermination doit être plus forte que jamais, et nous devons veiller à ce que nos combats de tous les jours, pour l’égalité réelle, qui sont le prolongement naturel de celui de nos parents pour Mayotte française, ne vienne jamais affaiblir notre ancrage dans la Nation dans le long terme.
Les forces de défense positionnées à La Réunion
Dans cette tribune, nous souhaitons interroger la place de l’Etat à Mayotte et les sujets qui permettent de solidifier le pacte social.
La sécurité de Mayotte est en jeu et la présence de l’Etat y est insuffisante :
-La quasi-totalité des forces de défense françaises sont positionnées sur l’île de la Réunion, (84 % contre 13.6 % à Mayotte).
-La Marine nationale est inexistante à Mayotte, où se trouvent pourtant un parc marin étendu sur la totalité de la ZEE ; Ces deux premiers constats sont troublants, au vu de la géographie des enjeux dans la zone.
-Un Préfet de Mayotte dépourvu des moyens et de l’autorité d’un Préfet de zone de défense, puisque c’est le préfet de la Réunion qui joue ce rôle ;
Cette insuffisance de l’Etat sur le plan de la Défense, est également constatée sur le plan de l’administration civile de l’Etat (document de politique transversale annexé aux loi de finances):
-avec une sous dotation en ressources humaines, dans plusieurs missions, des administrations civiles de l’Etat ;
-des forces de gendarmerie mobile, qui tout en réalisant des tâches permanentes de sécurité intérieure depuis plusieurs années, se trouvent encore logées dans tous les hôtels de Mayotte, fait qui à lui seul illustre la précarité de notre situation.
Cette présence effective de l’Etat, affirmée, doit être le premier signal de dissuasion vis-à-vis des velléités de toutes natures, des fauteurs de troubles extérieurs et intérieurs : et le Préfet de Mayotte, symboliquement doit venir habiter dans le chef-lieu administratif officiel du Département.
Concernant les relations de l’Etat avec Mayotte, nous allons considérer d’une part les collectivités locales, et d’autre part la société civile, organisée ou non.
La participation des mahorais, dans la reconstruction de l’île, c’est dans l’immédiat le rôle des collectivités territoriales dans le développement de Mayotte, dans l’impulsion des choix et dans les réalisations dans les domaines de compétences qui sont les leurs. Et à cet égard les questions récurrentes, qui constituent les faiblesses des collectivités sont là encore toutes connues, et doivent être tranchées :
-le rattrapage des retards qui sont à leur charge et l’examen de leur situation par rapport à ce retard, notamment au regard des charges exceptionnelles dues aux conséquences du phénomène migratoire ;
-Les moyens budgétaires de cette action, notamment les Dotations (globalement) de ces collectivités ;
-L’épuisement et la clôture des débats institutionnels concernant ces collectivités et notamment le « Département-Région » de Mayotte, sans que cela ne relance à nouveau la question de la remise en cause de la départementalisation à Mayotte.
LES BONS COMPTES FONT LES BONS AMIS
Mais tout cela ne pourra se faire qu’avec, concomitamment, l’exigence du bon usage de ces moyens pour les missions pour lesquelles ils sont destinés. Il n’est pas besoin de s’étendre davantage sur ce sujet : tout est dit dans les innombrables rapports de la chambre régionale des comptes. Il faut en effet rappeler, pour le débat public et la prise de conscience collective, que depuis plusieurs années les autorités de contrôle empilent les rapports sur la gestion des structures publiques à Mayotte, et que les lacunes de gestion qui y sont relevées sont bien souvent les mêmes : rigueur dans la gestion en général, défaillance dans la tenue des comptes, non-respect des règles la commande publique, sureffectifs ou effectif qui ne sont pas en rapport avec les missions des collectivités, etc.
Ces lacunes empêchent souvent les collectivités de déployer leur force dans les moyens dont elles disposent aujourd’hui, paralysent toute discussion avec l’Etat sur l’accroissement des moyens des collectivités et conduit à des solutions de contournement qui ne sont pas satisfaisantes pour la participation à long terme des collectivités locales mahoraises à cette reconstruction.
La participation des mahorais, c’est aussi la société civile tout entière dans ses diverses composantes. Et force est de constater qu’elle est traversée par un certain nombre de préoccupations, de revendications, depuis une quinzaine d’années, et en tout cas depuis la départementalisation, qui doivent être traitées.
En effet la départementalisation est l’aboutissement du combat de la génération de nos parents et grands-parents. Mais pour nous et la génération de nos enfants, c’est une page nouvelle à écrire. Et tout s’est passé comme si le temps avait été figé depuis 15 ans. En conséquence, sont nés différents mouvements de revendications (sur la vie chère, sur l’insécurité, sur la crise de l’eau, etc.…) pour relayer sur le terrain ces causes qui n’aboutissent pas politiquement.
Acter les revendications pour passer à la construction
Les préoccupations de ces mouvements doivent être traitées, de sorte que les forces vives libèrent leurs énergies au service du dialogue social, de la formation des salariés, de la création de richesse, bref qu’elles puissent chacune à sa manière, se consacrer à la reconstruction.
Mais la société civile est également interpellée sur la façon dont elle interagit avec la population irrégulière présente sur le territoire (d’autres diront sur ses complicités). Le sursaut collectif en cours doit s’accompagner d’un changement radical de certaines pratiques, qui ne doivent plus être tolérées et qui constituent non seulement une entrave aux efforts demandés à l’État pour traiter la question migratoire mais aussi une menace collective de notre stabilité intérieure.
Sur l’ensemble de ces sujets, nous devons les uns et les autres faire les efforts, et les sacrifices nécessaires pour que puissent se dégager des compromis, sur lesquels l’on puisse reconstruire cette belle île, et sans lesquelles rien de durable n’est possible.
Afin que, armés et soudés à l’intérieur, nous puissions faire face aux menaces extérieures et aux actions de déstabilisation permanentes dont nous sommes victimes et que ne manquera pas de remuer la nécessaire action soutenue de reconduite à la frontière de tous ceux qui ne sont pas en situation régulière sur ce territoire : parce que Mayotte ne pourra jamais accueillir toute la misère de la région et du monde, comme l’a dit, par ailleurs, un ancien Premier ministre de gauche.
Et ce faisant, nous pouvons faire de ce territoire, un territoire d’excellences : éducative, environnement, entrepreneuriale, numérique, etc.