Presque quatre semaines après le passage du cyclone sur l’archipel mahorais, les habitants doivent toujours gérer les conséquences désastreuses de cette catastrophe la plus dévastatrice depuis 90 ans. En réponse au contexte de « calamité naturelle exceptionnelle », l’objectif est de permettre aux acteurs publics de « rétablir les conditions de vie des habitants », en permettant une reconstruction rapide du territoire, notamment en dérogeant aux règles d’urbanisme et aux procédures relatives aux marchés publics pendant deux ans.
L’Etat pourrait reconstruire les écoles mahoraises à la place des collectivités locales
Composé d’une vingtaine d’articles, le projet de loi met l’accent sur la construction de logements à « usage d’hébergement d’urgence ». Pour répondre à ses immenses défis, le projet de loi indique que les missions de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (EPFAM) seront élargies, pour lui permettre « de coordonner les travaux de reconstruction. » À propos des établissements scolaires, particulièrement touchés par le cyclone, le projet de loi d’urgence prévoit que « l’État ou un de ses établissements publics » mène à bien la construction, la reconstruction ou la rénovation de l’établissement scolaire, à la place des collectivités locales jusqu’au 31 décembre 2027, soit pour une durée de deux ans. De même, sur la question du foncier, le texte inclut le droit de déroger aux règles en vigueur et de pouvoir exproprier un propriétaire avant même qu’il ait été identifié, tout en l’indemnisant après. Cette mesure est notamment importante à Mayotte où l’identification des propriétaires de terrain est souvent difficile et les terrains constructibles sont de plus en plus rares.
Le monde économique en attente
Dans ce contexte, des mesures économiques ont été adoptées et seront appliquées jusqu’au 31 mars 2025, telles que la suspension du recouvrement des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants, alors que les acteurs économiques demandent une exonération, la prolongation des droits des assurés sociaux et des chômeurs, mais aussi l’augmentation de la prise en charge dans le cadre du chômage partiel. À plus long terme, pour répondre aux questions de sécurité publique, d’immigration et de développement économique, Matignon a indiqué qu’un autre texte « loi-programme » serait construit dans les trois mois après la catastrophe. Ce texte devrait passer en commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale lundi 13 janvier. Là encore, les acteurs économiques demandent davantage, notamment la compensation de 50 % de perte du chiffre d’affaires.
Les immigrés, à nouveau les boucs émissaires de cette catastrophe
Alors que le Premier ministre, François Bayrou, avait déclaré à plusieurs reprises vouloir « empêcher la reconstruction » des habitations précaires sur l’archipel, aucun article de ce projet de loi n’y est consacré. À nouveau, cela a dégagé un tapis rouge gigantesque aux voix d’une partie de la droite et de l’extrême droite, qui profitent de la détresse du territoire, des habitants et des annonces parfois contradictoires du gouvernement, pour ramener les débats autour de « l’immigration », qu’ils considèrent souvent comme unique responsable de la situation de crise. C’est notamment le cas de l’ancien député et vice-président républicain chargé des Outre-mer, Mansour Kamardine, qui a déclaré : « Le texte est inacceptable parce qu’il n’apporte aucune réponse aux vraies urgences de Mayotte. » Dans ce contexte, l’élu souhaite qu’une mesure spécifique à « l’interdiction des bidonvilles » soit ajoutée. La cheffe de file du Rassemblement national, Marine Le Pen, qui était sur le territoire dimanche et lundi 6 janvier dernier n’a eu de cesse de répéter que « sans régler le problème de l’immigration clandestine rien ne sera utile. » À l’issue du Conseil des ministres, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a déclaré que le projet de loi d’urgence était « encore incomplet », en précisant qu’il attendait du débat parlementaire qu’il permette d’ajouter des mesures sur la lutte contre l’habitat illégal, avant de déclarer : « Nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île bidonville. » Jusqu’au 11 janvier 2025, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, est en déplacement sur le 101ème département français. Reste à savoir quelles seront les conclusions de ce nouveau déplacement d’une autorité de l’Etat post-cyclone : le sujet de l’immigration va-t-il à nouveau étouffer les problématiques autour d’une crise humanitaire sans précédent ?
Mathilde Hangard