Carla Baltus, toujours présidente d’un Medef aux élections une nouvelle fois ajournées – cette fois par le cyclone – avait saisi le président de la République dès le lendemain du cataclysme. Elle qui réclame une Zone Franche Globale (ZFG)* depuis des années, enfin annoncée pour une période de 5 ans par François Bayrou dans le Plan « Mayotte debout », nous fait part de sa position : « Pour la première fois, nous avons des propositions fortes, mais il faut d’une part obtenir des précisions sur leur contenu, et d’autre part, poursuivre les négociations engagées pour aller plus loin ».
Les précisions, elle et les 108 entreprises qu’elle représente, les attendent sur plusieurs points. « Qu’y a-t-il dans cette Zone franche globale annoncée par le Premier ministre ? Des exonérations sociales et fiscales ? S’il y a seulement ces dernières, nous devrons attendre la fin de l’exercice fiscal pour en bénéficier sans avoir pu maintenir l’emploi. Cela n’aura servi à rien, nous serons tous K.O. Il faut donc une exonération des charges sociales dès maintenant. »
Comme en écho, les 6 organisations qui avaient listé 12 propositions envoyées à François Bayrou, la CCI Mayotte, la CMA, l’UMIH, la CAPEB, la CPME, l’U2P, réclament d’exonérer les entreprises de tout impôt, taxes et cotisations sociales et patronales pendant 5 ans à minima, assortie de la prorogation du Crédit Impôt Compétitivité dont le taux devra être porté de 9% à 20 % et de mesures viables sur les taux d’octroi de mer. Charles-Henri Mandallaz, président de l’UMIH, compare le contexte de Mayotte avec un autre : « Le report de paiement des cotisations sociales est insuffisant, il faut mettre en place une exonération comme pendant la période Covid. »
Compenser la moitié de la perte du chiffre d’affaires
S’il se réjouit du déplacement ministériel massif, « nous prenons acte de la succession de visites sur place du président de la République, et d’une forte délégation ministérielle, c’est une marque de considération pour l’ampleur de la catastrophe. Mais là tout de suite, on fait quoi ? Mon restaurant le Kamcham est entièrement détruit, j’ai six salariés qui n’ont plus de travail, au drame humanitaire va s’ajouter une catastrophe économique pour les familles. »
La 2ème mesure phare après la ZFG, c’est une compensation de la perte de chiffre d’affaires à hauteur de 20 % du chiffre d’affaires moyen avec un plafond de 20.000 euros. Cela ne reflète pas la réalité de la dégradation de l’activité, selon les chefs d’entreprise. « C’est un effort, mais le taux de prise en charge est insuffisant, il faut au moins arriver à compenser 50% du CA », pour Charles-Henri Mandallaz.
Carla Baltus, évoque également un fonds de solidarité qui ne colle pas à la réalité, « le taux de 20% est insuffisant et le plafond de 20.000 euros est trop faible. Il faut faire du copier-coller des mesures prises pendant la crise sanitaire du Covid où le plafond était de 200.000 euros, car nos productions sont là aussi à l’arrêt. »
Pour préserver l’emploi, les chefs d’entreprise demandent une prise en charge de l’activité partielle à 100% par l’Etat, un prolongement du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), « avec un taux à 20% ».
Fuite des cerveaux
Les autres mesures économiques du plan « Mayotte debout » portent sur la prolongation des droits des bénéficiaires des allocations chômage jusqu’au 31 mars 2025, la mobilisation d’un prêt « catastrophe naturelle » (CatNat) et d’un fonds d’épargne dédié à la refondation de Mayotte de la Caisse des dépôts spécifique à Mayotte, la fourniture de bâches pour la protection des installations agricoles, l’approvisionnement en nourriture pour les vaches laitières, la simplification administrative de l’entrée des semences, la mobilisation des fonds européens pour la reconstruction des installations agricoles et des fonds de la MSA avec versement au plus tard le 15 janvier de 1000 euros pour les 1350 exploitations affiliées et la réorientation d’une partie de la redevance thonière pour financer des équipements à Mayotte sur la base d’une expression de besoin de la filière.
En conclusion, ils se disent « soutenus », « on perçoit la volonté d’accompagner le monde économique dans ce Plan Mayotte debout, mais nous considérons qu’il s’agit d’un amorçage, souligne le président de l’UMIH. Il ne faudrait pas que l’après cyclone soit encore plus catastrophique que le cyclone lui-même ».
Car se pose maintenant la problématique de « sédentariser les gens », et Carla Baltus nous rapporte l’inquiétude de ses adhérents représentant plus de 4.000 salariés : « Leur grande crainte c’est de ne pouvoir retenir sur le territoire les techniciens et les cadres porteurs de compétences. Il faut prendre cela en compte dans les mesures qui doivent être plus incitative ». Et de reprendre la devise de Mayotte, « il y a des propositions fortes, mais ‘Ra hachiri’ », restons vigilants.
Au titre du Medef, elle et son conseil d’administration poursuivent les négociations, alors que le consortium CCI Mayotte, la CMA, l’UMIH, la CAPEB, la CPME, l’U2P prépare un courrier de réponses aux propositions du Plan Mayotte debout de François Bayrou.
Anne Perzo-Lafond
*La Zone Franche globale fait bénéficier les entreprises d’une exonération fiscale sous certaines conditions